Le tout nouveau deal entre le Crédit immobilier et hôtelier (CIH) et la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) s'apparente en tout point à une transaction win-win, de l'avis unanime du marché. Officialisé en fin de semaine passée, le nouvel accord entre les deux institutions consiste dans ses grandes lignes à ce que le CIH acquière les participations de la CDG dans Maroc Leasing et la société de crédit à la consommation Sofac. En échange, la banque immobilière cède au bras armé financier de l'Etat 7 actifs hôteliers, une contrepartie qui devrait être complétée par une augmentation de capital qui pourrait aller jusqu'à un milliard de dirhams destinée au paiement des nouvelles acquisitions. En quoi tout le monde se retrouve dans ce marché ? Pour CDG, cette transaction apporte des moyens bienvenus dans le cadre de la stratégie déclinée par le groupe. Faut-il le rappeler, la Caisse, propriétaire de la plus grande chaîne hôtelière du Royaume (Sogatour), entretient d'importantes ambitions pour le secteur de l'immobilier touristique. A ce titre, des annonces reprises dans la presse internationale ont rapporté récemment que la CDG envisageait d'investir un milliard d'euros dans le secteur sur les cinq prochaines années. La Caisse a d'ailleurs commandité plusieurs études de faisabilité de plusieurs grands projets dans le nord du Royaume. Il faudra bien déployer ces moyens pour parvenir à l'objectif que s'assigne le groupe de faire passer sa capacité litière de 4.000 à 10.000 lits sur les 5 à 6 prochaines années. Les futurs établissements qui devraient intégrer prochainement le giron de la CDG seront autant d'unités qui permettront à la Caisse de décliner plus rapidement son objectif. «Un effort de rénovation sera peut-être nécessaire», tempère un analyste, «du fait que les hôtels cédés à la CDG ont été saisis par le CIH auprès de clients en défaut de paiement, ce qui impliquerait qu'ils consistent en structures vétustes». Mais en dépit de cela, la CDG gagne au change. «L'acquisition de structures opérationnelles est en principe plus avantageuse que la mise en place de nouvelles structures, cette dernière option s'accompagnant toujours d'un temps de latence du fait des délais de construction et de sécurisation de la clientèle», confirme un professionnel. Par ailleurs, en se proposant d'acquérir les actifs hôteliers du CIH, la CDG offre à la banque immobilière une porte de sortie inespérée. «Le CIH n'aurait jamais pu tirer pleinement profit de ses hôtels puisqu'ils ne disposent d'aucune expertise métier pour les mettre en exploitation», justifie un analyste. Plus que cela, le CIH n'aurait pu faire meilleur deal puisqu'il troque ses actifs hôteliers contre des participations qui diversifient ses métiers de manière salvatrice. En effet, jusqu'à aujourd'hui plus de 87% du portefeuille de crédits de la banque continue de se rapporter au crédit immobilier, une part à comparer à une moyenne sectorielle de 31%, selon les estimations de la banque d'affaires Capital Trust. Cette dépendance ne manque pas de grever l'activité de la banque, ce qui se reflète jusque dans les tout derniers résultats semestriels de la banque dévoilés vendredi dernier. Il en ressort un résultat net consolidé part du groupe de 24,3 millions de dirhams dégagés sur les 6 premiers mois de l'année en cours à comparer à... 248 millions de dirhams à fin juin 2009. A la décharge de la banque, l'on pourrait rappeler que l'arrêté des comptes consolidés à fin juin 2010 fait ressortir la constitution en IFRS d'une provision pour couvrir le risque fiscal, pour un montant de 168 millions de dirhams. Mais c'est surtout le ralentissement de la production du secteur de l'immobilier qui est à mettre en cause. La réduction de la dépendance vis-à-vis du secteur immobilier est justement le propos du plan de développement stratégique 2010-2014 visant à faire du CIH une banque universelle s'adressant à l'ensemble des segments du marché. Une ambition qui commencera à se concrétiser donc sous peu par l'acquisition de la banque immobilière des parts de la CDG dans Maroc Leasing et Sofac Crédit. Notons au passage que la CDG trouve dans cette dernière transaction l'occasion de faire jouer plus efficacement des synergies entre ses filiales financières objet aujourd'hui d'une cession, sachant que la CDG est aussi actionnaire majoritaire au sein de CIH. «L'application des directives adressées par la Caisse à ces filiales est parfois entravée par les rivalités entre les managements respectifs. En faisant chapeauter ses filiales par un intégrateur tel CIH, la CDG parviendrait à fluidifier les prises de décisions», décrypte un analyste. Mais où en sont les filiales que s'apprête à acquérir le CIH? Pour sûr, l'une et l'autre ne sont pas au même point. Sous l'impulsion de sa récente fusion avec Chaabi Leasing, Maroc Leasing inscrit son activité sur un trend très positif. D'ailleurs, les résultats publiés confirment la bonne santé du spécialiste du leasing, avec notamment un renforcement de sa part de marché. Il est à rappeler que les analystes de BMCE Capital Bourse ont noté jusqu'à présent des résultats globalement en ligne avec le budget, notamment en termes de capacité bénéficiaire et en comparaison avec les prévisions présentées lors de l'opération de fusion. «C'est dire si le CIH intègre à son portefeuille métier un spécialiste disposant d'une taille critique à même de permettre à la banque de proposer des financements bancaires assortis de solutions leasing, une formule très demandée par les entreprises», résume un professionnel.En revanche, Sofac présente une situation moins reluisante. La société de crédit à la consommation a bouclé son premier semestre de l'année sur un déficit de 38,8 millions de dirhams. Et pour ne reprendre que quelques indicateurs, la société présente un coefficient d'exploitation de 68,52% (contre une moyenne de 37% pour le secteur coté des sociétés de financement) et un coût du risque de 2,6% (contre une moyenne sectorielle de 0,7%). Cela dit, il faut rappeler que Sofac sort d'une période d'assainissement qui a donné lieu à la mise en place d'actions structurantes portant notamment sur les aspects comptables et informatiques, la revue du système d'octroi de crédit de la société et la réorganisation de ses activités. Par ailleurs, la société est engagée sur un plan de développement à l'horizon 2015 qui semble trouver un écho favorable auprès du marché. Dans tout cela, ce que gagnent Sofac et Maroc Leasing consiste essentiellement en des accords de partenariat pour la commercialisation de leurs produits. L'une et l'autre pourront de fait bénéficier des quelque 200 agences estampillées CIH pour étendre leur réseau. Et la boucle est ainsi bouclée.