«L'appel à la grève de certains employés syndiqués est mal venu». C'est en ces termes que Dirk Van Leeuwen qualifie le mouvement de protestation que vit actuellement le site du groupe français Webhelp à Fès. En effet, même si elle a été apaisée en juin dernier, la tension sociale risque de refaire surface. À en croire Imad Zeriouh, porte-parole du bureau syndical de Webhelp Fès, la direction générale de la filiale marocaine «n'a pas encore ouvert le dialogue avec les salariés, trois mois après un premier mouvement de protestation». Pour le directeur général de Webhelp Maroc, le contexte actuel ne prête pas à une quelconque «grève» ou «protestation». Van Leeuven fait, en effet, allusion au débat sur le futur de la délocalisation qui devrait avoir lieu lors des futures «assises des centres d'appels», qu'avait promis d'organiser à Paris, dès la rentrée, le secrétaire d'Etat français à l'emploi, Laurent Wauquiez. L'ensemble des professionnels du secteur auront les yeux rivés vers cet événement promis pour septembre courant, qui devrait sceller l'avenir des centres d'appels au Maroc (la France est le premier donneur d'ordres de ces centres de relations clients délocalisés au Maroc avec une part de 80%). Du côté de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), à laquelle est affilié le syndicat des employés de Webhelp Fès, on explique que les salariés «restent sensibles à ce débat». C'est pour cette raison qu'ils préfèrent attendre l'après-assises pour enclencher une «seconde forme de protestation». Contrairement aux déclarations du directeur général de Webhelp Maroc, l'UGTM parle bien d'un malaise latent, qui s'est manifesté en début d'été par un «port du brassard dans les locaux du centre d'appels et un avis de grève envoyé à l'ensemble des salariés». Comme rapporté dans l'édition datée d'hier des Echos quotidien, Hamid Chabat, maire de la ville de Fès, est intervenu entre-temps. «Nous avons été convoqués à la préfecture de la ville. Une réunion devait s'y tenir. Des représentants du ministère de l'Intérieur, de l'Inspection de travail se sont entretenus avec la direction générale de Webhelp dans un premier temps, avant d'écouter nos doléances», raconte Imad Zeriouh, porte-aprole du bureau syndical de Webhelp Fès. Au final, des «arrangements» ont eu lieu pour apaiser la tension. À condition de «faire preuve de bonne foi en annulant la grève», avaient demandé les responsables de Webhelp Fès à l'époque. «Ce que nous avons décidé», explique le porte-parole des salariés. «Nous avons rempli notre part du deal. Nous attendons toujours que Webhelp remplisse sa part», confie-t-on. Webhelp, une entreprise «sociale» Pour la direction de Webhelp, le mouvement de protestation est considéré comme une «affaire close». La réunion de juin dernier, tenue avec les délégués du personnel, a permis de «dépoussiérer» leurs revendications. «Ces revendications étaient, pour certaines, des projets en cours auprès de la direction depuis plusieurs mois, et pour d'autres, des idées intéressantes que nous avons incluses dans nos réflexions», déclare le directeur général de Webhelp Maroc. Pour ce dernier, le groupe français est l'un des premiers à consentir beaucoup d'efforts sur le plan social. Webhelp dit ainsi «choyer» ses 5.000 salariés. Crèche, salle de sport, espace de repos, une cafétéria, un restaurant accueillant... sont mis à leur disposition. Le management dit n'avoir pas lésiné sur les moyens pour que les salariés se sentent à l'aise et qu'ils disposent sur place de tout ce dont ils ont besoin. Un investissement destiné aussi à promouvoir l'image de l'entreprise auprès du public et des candidats au recrutement. Pour Van Leeuwen, les mauvaises pratiques dont il est difficile de mesurer l'ampleur, ont suffi pour que l'ensemble du secteur soit «éclaboussé». «L'Association marocaine de la relation client -AMRL- a été créée pour redorer le blason du secteur», indique-t-il. Pour rappel, Webhelp est le premier groupe de centres d'appels au Maroc, avec 9 sites situés à Rabat, Kénitra et Fès. Cette entreprise française, qui s'est implantée au Maroc en 2002, n'a cessé depuis d'étendre son activité en créant de nouveaux sites presque chaque année. Un syndicalisme responsable Pour Laila Nassimi, qui a eu l'initiative de créer une branche affiliée à la CDT au sein du centre d'appels Sitel-Casablanca, il est «normal» que l'idée d'un syndicat dans le secteur des centres d'appels «passe mal». «Cela fait seulement douze ans que le secteur existe. La plupart des salariés sont très jeunes et il s'agit généralement de leur premier emploi. Difficile pour eux d'assimiler leurs droits en tant que salariés», explique-t-elle. S'affilier à un syndicat, c'est bénéficier d'encadrement et de formations, d'après Laila Nassimi. «Nous sommes conscients que nous offrons des services et nous utilisons l'outil de la grève en prenant nos responsabilités». Cette membre de la CDT cite, pour exemple, un événement survenu (grève générale décrétée par la centrale de Noubir Al Amaoui) en mai dernier et qui a été géré «avec responsabilité» par les salariés syndiqués de Sitel Maroc. «Avant la grève générale, nous avions déjà organisé un arrêt de travail de 3 heures. Nous en étions sortis en position de force, ce qui nous a permis de faire un geste d'apaisement pour la grève générale lancée par la CDT», se souvient-elle. Les salariés ont déclaré la grève pour 100% du personnel, mais un effectif réduit a assuré la permanence. «En échange, le patron a payé les banderoles, les brassards et le transport pour la grève. Il a bien compris nos revendications, il nous a payé la journée de grève à 100%», indique Nassimi. Pour elle, il est clair que l'encadrement syndical bénéficie à la fois aux employés et aux employeurs.