«Le secteur bancaire marocain, bien capitalisé et profitable, est le plus développé dans la région». Il est difficile de faire plus dithyrambique. Or, quand on sait que le propos émane du rapport 2012, d'Oxford Business Group (OBG), le commentaire n'en prend que plus de poids. Le cabinet international d'intelligence économique a, en effet, encensé les banques marocaines en leur attribuant des qualités et une résilience dont très peu d'institutions financières internationales peuvent se targuer de nos jours. «Le marché financier marocain a résisté au ralentissement enregistré dans la plupart des marchés nord-africains et européens», observe ainsi Walter Siouffi, président directeur général à Citibank. Cette bonne forme tenue par les banques marocaines leur a ainsi permis d'afficher un appétit vorace là où l'international est à l'heure de la diète. «Le secteur bancaire marocain a continué son expansion, y compris à l'étranger, en dépit de la crise financière internationale», valide l'OBG. C'est ainsi que des champions marocains tels qu'Attijariwafa bank, BMCE ou encore le groupe Banque populaire, ont accru le rythme de leur expansion sur le continent africain, ces dernières années. Aussi, selon les chiffres de la Banque centrale, les institutions financières marocaines disposent de 75 branches à l'étranger, notamment en Europe et détiennent 19 filiales, en majorité en Afrique. D'ailleurs pour souligner le contraste entre les banques marocaines et leurs homologues étrangères, même les plus importantes, OBG rappelle qu'au summum de la crise financière internationale en 2008, la banque française Crédit Agricole a vendu en une seule transaction cinq de ses antennes africaines à la banque marocaine Attijariwafa bank. C'est dire si les banques marocaines affichent une forme insolente au vu du contexte, en prenant l'ascendant sur le continent noir. Quel en est le secret ? Si la réponse à cette question peut être nourrie par plusieurs facteurs, il n'en demeure pas moins que le rôle joué par la Banque centrale est déterminant. Le secret de la réussite En effet, Walter Siouffi estime que «Bank Al-Maghrib a réussi à mettre en place des règles qui protègent les fondamentaux financiers et la liquidité». Plus encore, le Think-tank souligne que, contrairement à leurs homologues dans la région, les banques marocaines ont atteint un niveau de développement leur permettant de faire face à la concurrence étrangère, de défendre leur marché des capitaux et d'élargir leurs activités à l'étranger. «Une capitalisation adéquate, un environnement régulateur moderne et une consolidation des règles de l'économie du marché ont contribué à l'essor de ce secteur, qui joue un rôle de plus en plus prépondérant dans le tissu économique du Royaume», étaye le cabinet avant de souligner que la réforme du marché boursier marocain opérée dès 1993, a balisé le chemin pour un désengagement de l'Etat de la gestion quotidienne des banques. De même, le processus de privatisation, lancé dans la foulée, a encouragé les banques étrangères à investir au Maroc, renforçant, par la même les perspectives du secteur et élargissant sa base de clientèle. Toutefois, au lieu de mettre les banques marocaines sous tutelle, elle leur a, au contraire donné les moyens de s'affranchir en se projetant au-delà des ses frontières. Ainsi, «l'entrée d'acteurs internationaux sur le marché financier marocain a aidé les banques marocaines à atteindre un volume d'activité qui les a encouragées à envisager avec sérieux une expansion à l'étranger», explique l'OBG avant de souligner que les institutions financières marocaines, loin d'être intimidées par les problèmes de dette souveraine qui affecte l'occident, poursuivent leur conquête de nouveaux horizons. Bien leur en a pris et elles commencent à en cueillir les fruits, puisqu'aujourd'hui les activités internationales des grandes banques marocaines ont représenté environ 14% du volume global de leurs activités, 15% des dépôts bancaires et 13% des revenus. Une part qui est appelée à prendre de plus en plus d'importance. Toutefois, cette forme insolente qu'affichent les banques marocaines ne doit pas laisser penser que pour elles, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il convient de rappeler que sur le marché national, les banques subissent des tensions sur les liquidités même si Bank Al Maghrib, à force d'injections hebdomadaires de plus en plus importantes, arrive à éviter une asphyxie qui serait fort préjudiciable. Défis et opportunités Plus encore, depuis 2011, les banques marocaines transforment la totalité des dépôts qu'elles recueillent, en crédits. Aussi, sont elles engagées dans un processus de diversification des ressources. «Le resserrement des liquidités nous impose d'aller vers des produits sophistiqués», nous expliquait récemment aux Echos quotidien, Ahmed Rahhou, président directeur général du CIH (www.lesechos.ma). Pour dépasser cette problématique, les banques marocaines ont de plus en plus recours aux certificats de dépôt et aux obligations subordonnées. De manière plus générale, les banques comme les grandes entreprises sont de plus en plus attirées par le marché de la dette privée pour se financer. Aussi, est-ce-là l'un des principaux enjeux pour les banques marocaines dans les prochaines années. Au même titre que la bancarisation, même sur cette question, l'avènement de la banque postale a été fort salutaire. Les banques marocaines sont donc bien outillées pour aller de l'avant en évitant les écueils. Une autre piste pourrait offrir à nos banques le truchement d'un nouveau relais de croissance, la finance islamique. Après un lancement des plus timides des produits alternatifs, aujourd'hui l'option de la finance islamique est entérinée et pourrait leur permettre comme le défend Ahmed Rahhou «d'attirer les capitaux qui cherchent ce canal». In fine, le secteur bancaire marocain représente un vrai atout pour l'économie marocaine, qu'il est appelé à soutenir à travers le financement, mais aussi pour les ambitions financières du royaume dans le cadre du lancement de Casablanca Finance City, dont il représente le principal relais en Afrique... Ce qu'en pense la Banque centrale... Le rapport 2012 d'Oxford Business Group a inclus un entretien avec le wali de Bank Al-Maghrib. Abdellatif Jouahri s'y est félicité de la résilience du système financier marocain et a expliqué que l'expansion sur le continent africain est une manière de contourner la concurrence qui marque le marché bancaire marocain. C'est ainsi qu'il explique : «Cette expansion est opérée dans le cadre d'une stratégie visant notamment à garantir de nouvelles opportunités de croissance pour juguler l'impact de la concurrence grandissante sur le marché national, réaliser une croissance externe par le biais d'acquisitions de banques étrangères, soutenir l'expansion internationale». Plus encore pour Jouahri cette expansion pourrait s'avérer fort salutaire à un autre égard : «L'expansion des banques marocaines à l'étranger s'inscrit dans le cadre de l'ambition du royaume de se positionner en tant que centre financier régional» a ainsi affirmé le gouverneur de Bank Al-Maghrib. Appel à contribution ! Avec une forme aussi insolente, au vu du contexte difficile aussi bien au niveau international que national, les banques sont appelées à jouer un rôle des plus importants dans le soutien de l'économie marocaine. C'est dans ce sens, que le chef de l'Exécutif, Abdelilah Benkirane, a rencontré il y a quelques jours le président du groupement professionnel des banques marocaines, Othman Benjelloun. Une entrevue qui permis au chef de gouvernement de demander aux banques de soutenir de manière plus importante, le financement du tissu économique marocain, notamment les PME. Avec des finances publiques fragilisées, le rôle des banques prend d'autant plus d'importance. Il faut rappeler à ce propos que le projet de loi de finances 2012 comprend une mesure, qui a fait coulé beaucoup d'encre et qui a trait au financement du fonds d'appui à la cohésion sociale. En effet, les entreprises qui réalisent un bénéfice supérieur à 200 MDH seront taxées à hauteur de 1,5% sur ce bénéfice. Or, il n'échappe à personne qu'au rang des entreprises qui peuvent se targuer d'un tel bénéfice, les banques tiennent la bonne place. Toujours est-il que cette manne peut s'avérer fort salvatrice pour un Exécutif en mal de ressources.