Il y a encore quelques semaines, Abdelilah Benkirane, fraîchement nommé Chef de gouvernement, prenait part à une prière de rogation pour invoquer la pluie. Cette prière qui fait partie de la tradition musulmane est aussi l'ultime symptôme de la dépendance du royaume à cette denrée vitale. Lundi dernier, Abdelilah Benkirane, accompagné notamment de Fouad Douiri, ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement, d'Abdelaâdim El Hafi, Haut commissaire aux Eaux et forêts, et de Ali Fassi Fihri, directeur général de l'Office national de l'eau potable, a pris part aux travaux du 6e Forum mondial de l'Eau à Marseille. L'occasion pour le Chef de l'exécutif d'appeler à ériger la cause de l'eau «en priorité mondiale et à lui consacrer davantage d'aides au développement», avant de réitérer l'appel que le Maroc avait émis au Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg (2002) pour «un partenariat véritable, une solidarité effective et une proximité efficiente». À en croire le chef de la délégation marocaine, la mobilisation de la communauté internationale est plus que jamais nécessaire pour résorber le retard et honorer les engagements pris dans ce domaine. Urgence L'urgence de la situation est étayée par la situation dont pâtissent 2,5 milliards de personnes dans le monde, qui ne disposent pas d'assainissement, dont 900 millions d'Africains qui boivent une eau non conforme aux normes de qualité. Aussi, plus que le financement, Abdelilah Benkirane appelle à ce que le partenariat planétaire, sur la question de l'eau, soit basé sur le transfert des technologies et l'aide à l'instauration de la bonne gouvernance en vue d'assurer l'approvisionnement des populations en eau durable. Pour sa part, le président du Conseil mondial de l'eau, Loïc Fauchon, qui qualifie le royaume de «grande nation hydraulique» a estimé que : «le Maroc est remarquablement organisé en bassins, et dispose de différents intervenants, tels que l'Office national de l'eau potable (ONEP), les régies de distribution et les délégations de services publics ; autant d'outils modernes adaptés aux exigences hydriques». Le président du Conseil de l'eau tenait ces propos à l'occasion de la cérémonie de remise du grand prix mondial Hassan II de l'eau, à l'ouverture du forum. Ce prix, créé en mars 2000, conjointement par le Maroc et le Conseil mondial de l'eau est une sorte d'hommage à celui qui expliquait volontiers «gouverner, c'est pleuvoir». Gestion de l'abondance Or, si la politique des grands barrages menée par le défunt roi a permis au Maroc de fructifier ses ressources et de s'assurer l'autosuffisance hydraulique, elle commence désormais à montrer ses limites car les changements climatiques qui caractérisent désormais toute la planète nous forcent à appréhender la problématique du stress hydrique, non seulement par le prisme de la gestion de la rareté, mais aussi par celle de l'abondance. En effet, les spécialistes de la question pronostiquent que les précipitations seront de plus en plus concentrées dans le temps, ce qui impose aux responsables de chercher des solutions pour canaliser cette manne. Abdelilah Benkirane ne s'y trompe d'ailleurs pas, en faisant part de l'ambitieux chantier de réformes en cours, pour élargir l'approvisionnement en eau durable du pays et l'adaptation aux changements climatiques. Dans le même ordre d'idée, le Chef de l'Exécutif a aussi souligné la contribution du Maroc à la lutte contre le réchauffement climatique, à travers la politique de développement des énergies renouvelables, du solaire et de l'éolien, dont la part dans la capacité électrique devrait atteindre 42% à l'horizon 2020. Solutions marocaines Toutefois, la contribution marocaine à ce Forum mondial ne s'est pas restreinte aux discours officiels et aux déclarations d'intentions. En effet, la délégation marocaine a publié plus d'une trentaine d'initiatives et de solutions, sur la question de la gestion de l'eau, émanant de divers intervenants du secteur de l'eau au Maroc. Citons, à titre non exhaustif, le programme d'approvisionnement en eau potable groupé des populations rurales, le projet pilote d'assainissement écologique rural à Dayet Ifrah, dans la province d'Ifrane au Maroc, ou encore dans un registre plus global la Stratégie nationale de l'eau (SNE) établie à l'horizon 2030. Ces initiatives devraient servir de contributions à la délégation marocaine dans le cadre de l'échange d'expériences qui sous-tend le forum. En tout cas, nul doute qu'un tel événement revêt une importance toute particulière cette année, avec la confirmation du manque de précipitations qui marque la saison agricole actuelle. L'OSS remporte le grand prix Hassan II Créé en mars 2000 conjointement par le Maroc et le Conseil mondial de l'eau, le grand prix mondial Hassan II récompense une personne, un groupe de personnes, une institution ou une organisation ayant contribué de manière significative au développement et à une meilleure utilisation des ressources en eau, au niveau tant scientifique qu'économique, technique, environnemental, social, institutionnel, culturel ou politique. Aussi, à l'occasion de l'ouverture du 6e Forum mondial de l'eau, ce prix, doté de 100.000 dollars, a été remis, durant son édition 2012, à l'Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) en récompense de ses efforts et de son apport, qualifiés d'exceptionnels par le jury, en matière de coopération et de solidarité entre ses pays membres dans les domaines de la gestion et du développement des ressources en eau. L'OSS est une organisation internationale établie à Tunis, qui regroupe 22 pays africains et cinq pays du nord de l'Europe (l'Allemagne, le Canada, la France, L'Italie et la Suisse), ainsi que des organismes locaux africains, des institutions onusiennes et des ONG. Cet observatoire, qui est aussi un cadre de partenariat sud-sud accorde un intérêt particulier à la question de l'eau et à celle de la dégradation du sol, notamment en ce qui concerne la gestion du Système aquifère du Sahara septentrional (Sass), un système relatif à l'exploitation des ressources souterraines en eau, partagées par la Tunisie, l'Algérie et la Libye.