Alors que toutes les femmes du monde s'apprêtent à célébrer le 91e anniversaire du 8 mars, avec tout ce que cela représente comme accomplissements au niveau des droits et des égalités, l'image de la gent dans les médias, est encore loin d'être des plus flatteuses. En témoigne le dernier rapport publié sur le sujet par le bureau de Rabat de l'Unesco, «Femmes et médias au Maghreb». L'organisation, qui a déjà édité deux publications semblables sur la radio et la télévision (2009-2010), revient à la charge cette fois encore, et propose à travers ce document un guide «à l'intention de la société civile pour améliorer la représentation des femmes dans les médias au Maghreb». S'il est de mise de reconnaitre que les derniers événements qu'a connus la région ont contribué à renforcer l'équilibre des genres et le rôle de la femme dans la société, l'organisation onusienne constate toutefois que «ces avancées ne se sont pas accompagnées d'une meilleure représentation des femmes dans les médias». La femme maghrébine est souvent «traditionnelle, manipulée, superficielle» ou au mieux lorsqu'elle est «moderne», elle renvoie à un modèle de femme «hyper-sexualisée», constate le rapport réalisé par Sahbi Ben Nablia, expert en communication et médias arabes. Même quand il s'agit d'informer, le rapport atteste que «les opinions des femmes à propos de sujets sensibles ou dans le cadre de débats sur la situation économique ou sociopolitique des pays du Maghreb ne sont pas sollicitées». Explications : «cette dégradation de l'image de la femme résulte de conditions sociopolitiques difficiles et d'une société profondément traditionnelle et influencée par le discours islamiste». Le secteur public plus équitable À ce sujet, le Maroc peut se targuer d'être le premier au Maghreb et l'unique pays arabe à avoir adopté la «Charte nationale pour l'amélioration de l'image de la femme dans les médias» (2005) et «la déclaration de Rabat sur l'égalité entre les hommes et les femmes journalistes au Maghreb», sans oublier - plus récemment - la constitutionnalisation de l'équité genre. Néanmoins, les exemples mentionnés dans ce rapport démontrent que les efforts mis en œuvre en haut lieu de l'Etat ne sont pas tout à fait mis en application dans les médias nationaux, qu'ils soient publics ou privés. À travers la petite lucarne, au Maroc comme chez les voisins tunisiens, algériens ou mauritaniens, l'image de la femme renvoie «à la même réalité socioculturelle et à un imaginaire collectif qui n'offrent pas une vision égalitaire des rapports entre les hommes et les femmes». Même constat lorsqu'il s'agit de la radio. Le média ne fait pas appel à l'image pour la production de contenu mais se réfère, lui aussi, «aux codes culturels et à l'imaginaire collectif pour s'adresser à son auditoire». La raison d'un tel référentiel est simple: l'audience. La recherche d'Omaymah Dahhan, économiste et professeur universitaire, sur «L'image de la femme jordanienne dans les médias», apporte un éclairage sur la question. Selon cette étude, les médias privés s'inscrivent dans la logique du marché et planifient leur production et leur programmation «selon les résultats de l'audimat». Il en est de même pour les radios privées. Bien qu'elles attirent plus de «60% des citoyens marocains», la logique de l'audimat continue de conditionner leur programmation. Plaire au plus grand nombre signifierait donc passer outre les règles d'équité et d'équilibre entre les deux sexes ? À en croire le constat de Dahhan, contrairement aux chaînes privées, «les médias arabes publics, reflètent les politiques officielles soucieuses de renvoyer une image positive des femmes, et de mettre en valeur leur contribution dans tous les domaines». Les contenus médiatiques promeuvent donc l'image des femmes assumant des responsabilités, et ayant réussi à se distinguer dans leur domaine En réalité, l'information transmise par les «mass-médias» se veut compréhensible «rapidement» par le plus grand nombre, aussi «les producteurs s'appuient pour cela sur l'imaginaire collectif et sur les valeurs communes de la société» explique le rapport de l'Unesco. De même que la publicité, la fiction, le divertissement, ou même les émissions de débats et les reportages d'informations se basent généralement sur ce constat. La presse écrite, moins féministe Du côté de la presse écrite, le constat est tout autre. De part la nature bilingue du territoire maghrébin, la presse francophone est considérée comme «élitiste», tandis que les tabloïdes arabophones s'adressent à un lectorat «majoritairement» masculin et unilingue. Résultat, au Maroc et en Mauritanie, les femmes journalistes se tournent plus aisément vers des publications francophones. Au Maroc, «les femmes représentent 60% des journalistes des publications francophones» mentionne le rapport qui souligne que 50% des inscriptions aux écoles de journalisme sont féminines. Toutefois, sur dix quotidiens marocains (des deux langues), un monitorage réalisé en avril 2009 démontre que «sur un total de 100 articles choisis, 62 articles ont été signés, 53 par des journalistes hommes et 9 par des femmes». Autre nombre clé, «la représentation des femmes dans les journaux est nulle à 92%». À moins d'être ministre ou haut responsable, la femme n'est que très rarement interpellée par les médias écrits dans le pays, et sa présence est encore plus faible dans les sujets traitant de politique, d'économie et de sciences. Bonne nouvelle tout de même, malgré les nombreux «hics» constatés dans le rapport de l'organisation, celui-ci estime que dans la plupart des cas, ils «ne témoignent pas d'une mauvaise foi de la part des médias». En fait, «plusieurs décideurs et responsables d'entreprises de presse ne se rendent en effet pas compte que leurs produits médiatiques véhiculent des stéréotypes portant atteinte aux droits et à la dignité des femmes» explique Ben Nabila. Une «bonne nouvelle» dans la mesure où cela laisse entendre une possibilité d'amélioration et de changement. Pour peu, bien sûr, que la société civile, interpellée par l'Unesco dans ce rapport et décrite comme «chien de garde» de cette équité des genres, opère un véritable travail de sensibilisation en direction des médias et des professionnels de l'information, de la même manière que cela est fait dans d'autres secteurs.