Vendredi dernier, un grand hôtel casablancais accueillait la fine fleur du monde de la finance marocaine, mais aussi des experts internationaux de gros calibres. L'événement est d'importance puisqu'il s'agit de la 2e édition des Intégrales de la finance, organisée par l'Institut CDG et CDG capital. Le mot d'ouverture a été donné par Khalid Safir, secrétaire général du ministère de l'Economie et des finances, qui a souligné «l'actualité et la pertinence» de la thématique du jour «Les innovations financières au Maroc, conditions réunies ?». Un thème qui recouvre un sens particulier dans le contexte actuel de crise économique et financière. En effet, beaucoup d'experts ont mis les déboires actuels de la finance mondiale sur le dos de certaines innovations financières, qui ont amené les marchés financiers internationaux sur la voie de la dérive. Toutefois, le représentant du ministère estime que si «cette crise a mis en évidence des excès et des faiblesses, elle a aussi montré qu'elle est propice à l'innovation financière, voire à l'accélération du rythme de ces innovations». En fait, l'innovation financière est considérée comme étant le moteur du développement et de la modernisation du secteur financier, mais également comme un moyen pour corriger les imperfections et les dysfonctionnements de ce secteur. Une innovation encadrée «Cela, bien évidemment, à la condition que l'innovation financière soit encadrée par un système de régulation, qui permet la transparence des produits financiers, l'efficience et l'intégrité des marchés, et qui garantit la protection de l'épargne investie en valeurs mobilières», souline Khalid Safir. Or, au Maroc l'enjeu est indéniablement dans l'épargne. C'est donc tout naturellement que le premier axe de l'action du gouvernement en matière de réformes du secteur financier vise l'introduction de nouveaux instruments de mobilisation de l'épargne. Aussi, le gouvernement a-t-il mis en place trois produits d'épargnes organisés ; le plan d'épargne en actions (PEA), le plan d'épargne logement (PEL) et le plan d'épargne éducation (PEE). «Ces produits, auxquels ont été associées des incitations, devront contribuer au renforcement de la mobilisation de l'épargne, mais également à consolider la structure de cette épargne dans le sens du renforcement de la composante du long terme», défend le secrétaire général du ministère. De son coté, Anas Alami, patron de la CDG, valide ce constat tout en signifiant par ailleurs que «la caisse de dépôt et de gestion est une innovation financière qui dure depuis sa création en 1959». «On veut que l'innovation se mette au service de l'épargne à long terme», ajoute Alami en estimant qu'au Maroc «il est grand temps de passer à une nouvelle étape, celle de l'efficience». D'ailleurs, il explique que «dans des moments de crise, on ne peut saisir des opportunités». C'est particulièrement le cas du Maroc qui jouit d'une position géographique stratégique, et qui entend en profiter pour s'affirmer comme une importante plateforme financière au niveau africain. Or, personne ne peut mieux se prononcer sur cette ambition que Saïd Ibrahimi, le directeur général du Morocco Financial Board, chargé du développement de la nouvelle place financière casablancaise Casa Finance City. Très peu de produits «L'innovation financière est inscrite dans nos chantiers», avance-t-il avant d'estimer dans ce sens que le cadre législatif marocain doit être assoupli pour permettre l'éclosion de nouveaux produits. Car, Ibrahimi déplore que : «Notre marché offre très peu de produits». Le marché financier marocain souffre de l'absence de produits dérivés, de marchés à terme ou encore de ventes à découvert qui pourraient accroître sa liquidité et son efficience. Toutefois, pas question d'importer des produits de l'étranger et de les introduire tels quels sur notre marché. Car comme le rappelle Hamid Tawfiki, le Maroc a atteint un stade de développement qui le propulse dans un deuxième club. Il faut donc rompre avec un modèle où «l'innovation est souvent importée voire imposée». Aussi, valide-t-il le constat du besoin de diversification des instruments, avant d'appeler à libérer les nouveaux produits qui sont dans le pipe telles que les obligations sécurisées, le marché à terme ou encore les prêts-emprunts, car sinon «ils risquent de nous oublier». De son coté, Hicham Cherradi du Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) a souligné l'importance du lien entre l'innovation et la régulation, qui souligne-t-il, a aussi comme mission de développer le marché. Tiers de confiance Selon lui, «l'innovation a beaucoup de vertus, mais aussi des risques» et le rôle de la régulation est justement «d'éviter les dégâts». Dans ce sens, Georges Pauget, président du pôle innovation à Europlace et ancien patron de grandes banques françaises telles que le Crédit Lyonnais ou le Crédit Agricole, souligne l'importance des tiers de confiance pour éviter les dérives dues aux innovations financières. Ces tiers de confiance sont matérialisés, selon lui, par les agences de notations qui sont les seules à formuler un avis indépendant. Il est très vite repris par Anas Alami qui rappelle la responsabilité des agences, qui ont trop bien noté des produits, qui s'avèreront toxiques par la suite dans la crise financière qui frappe le monde. «Il y a des dérives, mais je ne vois pas d'autres modèles», rétorque Pauget...néanmoins cela est un autre débat...