L'année 2010 a démarré sur des charbons ardents pour plusieurs départements de communications dans les grands groupes, quelques offices et administrations, que ce soit au niveau national ou international. Les entreprises particulièrement exposées au risque de crise sont celles dont l'activité est liée à la santé ou à la sécurité des consommateurs. Les agro-industriels sont toujours en alerte pendant la période estivale ou pendant le mois de ramadan, par exemple. Les entreprises dont l'activité est liée au tourisme, qu'elles soient hôtelières ou de transport, sont toujours sur le qui-vive dans les périodes dites de pic d'activité, c'est à dire entre les mois de mai et septembre. À ce titre, il est intéressant de voir que de nouvelles formes de communication de crise ont fait leur apparition, adoptant des approches originales et intégrant des données chiffrées et des engagements, chose qu'il était difficile d'imaginer il y a quelques années. D'habitude, les professionnels de la communication recommandaient aux entreprises de ne surtout pas prendre d'engagement et de ne pas prononcer de chiffres pour éviter l'effet boomerang. Mais «jouer franc jeu» a des règles dans la communication d'entreprise. Il faut savoir doser et surtout intégrer le fait que «dans une situation de crise, l'image de l'entreprise et celle du patron ne font plus qu'une». Donc, tout ce que le PDG va dire ou faire sera retenu contre l'entreprise et vice-versa. Au niveau mondial, le cas de la gestion de la marée noire par BP aux Etats-Unis est historique dans ce cas de figure. La presse internationale a fait ses choux gras du «naufrage» de la communication du groupe pétrolier et surtout des bourdes de Tony Hayward, PDG de la firme au moment de l'incident. Ses petites phrases, ses décisions hasardeuses et ses maladresses lui ont valu sa place, mais ont surtout fait perdre à l'icône de la City, des centaines de milliards de dollars en Bourse. Attention aux bourdes «Malgré une présence plutôt forte au début, BP a perdu le contrôle de la situation à la mi-mai. Les bourdes se sont enchaînées les unes après les autres», répétaient les experts américains dans différentes analyses. Certaines entreprises commencent même à recourir aux conseils d'agences de lobbying pour mieux cibler leurs messages et améliorer leur force de frappe. Au Maroc, nos entreprises n'en sont pas tout à fait là, mais les responsables communication admettent qu'une nouvelle approche est adoptée. L'exemple qui revient souvent est celui de la crise aérienne suite au nuage islandais. À ce titre, Rajaâ Bensaoud, responsable de la communication à Royal Air Maroc souligne que : «La crise exige une réaction rapide. Le temps devient une ressource rare. La situation éveille l'intérêt du grand public. Il y a plus de gens agglutinés devant le spectacle d'un accident de voiture que devant la vitrine d'un grand magasin. Cette particularité fait qu'en cas de crise, il y a une mise sous tension de l'organisation et des équipes et une grande pression du temps qu'il faut savoir gérer». Le secteur aérien est historiquement passé par plusieurs grandes crises qui ont façonné l'image de la communication, vu sa forte sensibilité à la conjoncture économique et aux événements géopolitiques. On citera par exemple les chocs pétroliers de 1973 et 1975, la crise du transport aérien en 1980, le retournement du cycle économique en 2000 ou plus récemment, la crise économique mondiale en 2009. «Toutes ces crises ont influencé de manière forte les performances du transport aérien», note Bensaoud. Cela sans parler des situations de crise générées par d'autres facteurs exceptionnels, qui vont de la météorologie aux mouvements sociaux, en passant par la sûreté ou encore le banal problème de panne technique. Anticiper pour limiter l'impact Dans une situation comme celle générée par le nuage islandais, c'est le Centre de contrôle des opérations (CCO) qui est au cœur du système d'exploitation de la compagnie. Acteur clé de la réalisation du programme des vols, le CCO assure la finalisation de tous les actes de régulation permettant d'anticiper et de limiter l'impact des irrégularités sur les clients, tout en minimisant les coûts qu'elles génèrent. En cas de situation d'urgence, le CCO est l'une des entités directement partie prenantes dans le processus de décision. La culture de l'anticipation, la capacité de décider dans l'urgence, l'expérience et le savoir-faire technique des équipes sont les atouts du CCO. Nous apprenons ainsi que Royal Air Maroc, qui est certifiée IOSA, a mis en place depuis des années, un système de gestion de ces situations en conformité avec les obligations réglementaires. Elle a aussi professionnalisé ses équipes dans le management de ces situations d'urgence et mis en place des plans d'intervention par type de situation. Des simulations sont régulièrement menées pour tester ces dispositifs. Pour le cas du nuage islandais, des mesures d'urgence ont été adoptées. «Dès la survenance de l'événement, la compagnie a tout d'abord mis en place un comité de veille où étaient représentées les fonctions concernées ainsi que la fonction communication. Ce comité avait pour mission de suivre la situation des aéroports et des espaces aériens européens en permanence, en liaison avec les directions des aviations civiles en Europe et les organismes qui gèrent le contrôle aérien. Le comité prenait les mesures en fonction de l'évolution de la situation», raconte Bensaoud. Donner de la visibilité aux passagers Sur le plan de la communication, la compagnie publiait deux à trois communiqués de presse par jour pour donner l'évolution de son programme de vols et les mesures prises en faveur des passagers. Le fait que la Direction communication soit membre du Comité de veille lui permet d'être au courant de l'évolution de la crise en temps réel et lui facilite l'anticipation de la communication. Si on ne communique pas, ou si on ne communique pas bien, nous n'avons aucune excuse. La compagnie met à la disposition de ses services communication l'information ainsi que les moyens pour communiquer et diffuser. La même démarche a été adoptée, à quelques différences près par l'ONDA (Office national des aéroports) qui devait gérer la situation au sol. «Il s'agissait pour nous de sécuriser au maximum les flux des voyageurs au niveau des différents aéroports nationaux. Nous avons donc focalisé sur l'anticipation et la gestion de l'information qui venait de l'extérieur pour agir en conséquence. Le plus important était d'éviter aux passager la peine de monter à l'aéroport lorsque les vols étaient annulés, mais aussi de leur donner de la visibilité, tant que faire se peut, pour reprogrammer leur voyage», soutient Nadia Benzakour, responsable de la communication à l'ONDA. La communication en interne a également été gérée à travers la mise place de commissions dans les aéroports et au niveau central. «La communication en interne est tout aussi importante que celle adressée à l'opinion publique à travers les médias», explique Benzakour. Communiqués de presse, déclarations à la télévision et à la , les journées étaient ponctuées par des sorties régulières et alternées entre compagnies aériennes, aéroports et ministère des Transports. Globalement, la situation a été globalement maitrisée et les deux entreprises en sont sorties avec un minimum de dégâts, ce qui n'a pas été le cas pour d'autres compagnies au niveau international.