Réduire les durées de transport des hommes et des marchandises, assurer une meilleure sécurité, permettre l'accès des populations à plus de services allant de l'électricité aux centres de santé et aux écoles constituent les objectifs les plus évidents du projet de rocade méditerranéenne de 530 km lancé en 1997 et qui doit aboutir fin 2011. Car aujourd'hui, ce projet est bien avancé et il concerne une population de plus de 3 millions de personnes vivant le long du littoral entre Tanger et Saïdia. La rocade qui démarre à Tanger se prolonge jusqu'à l'extrémité Est du détroit de Gibraltar à Fnideq, non sans avoir desservi Ksar Sghir et le port de Tanger-Med. Ce premier tronçon de 60 km a consisté dans le renforcement de la voie avec un doublement par certains endroits ainsi que l'effacement de certains virages trop serrés. Partout, la route borde ou surplombe les eaux du détroit offrant des vues splendides. Cela n'a pas échappé aux promoteurs d'hôtels à l'entrée de Ksar Sghir, comme aux restaurateurs qui ont investi dans leur salle et leur carte et ont élargi leur offre pour les touristes, les gens de passage, ainsi que pour les cadres et les employés du port de Tanger-Med. Une route, ça développe et ça urbanise. Partout, autour de Tanger, de Mdiq, de Martil, d'Al Hoceima, de Nador et de Saïdia, les agences urbaines planchent sur de nouveaux plans d'aménagement. Car la route, ici comme ailleurs, valorise immédiatement les terres et les propriétés qui se trouvent à proximité. Il reste un immense travail à faire sur le plan de l'enregistrement et le défi est de limiter la spéculation et les constructions anarchiques sur la côte méditerranéenne. De Fnideq, la route se poursuit , par la nationale ou par un tronçon d'autoroute, jusqu'à Tétouan et la sortie vers Oued Laou. On passe devant les stations touristiques de Restinga, de Marina Smir, de Cabo Négro et de Kabila, qui font la réputation de la zone depuis plus d'une génération. Mais on passe aussi par les villes de Mdiq et de Martil qui par l'effet de leur exposition plus importante et de leur statut de villes au cœur des projets de développement du Nord, se sont profondément transformées. Corniches éclairées et carrelées, espaces de jeux pour enfants et terrains de sport ont poussé au fur et à mesure que la volonté politique et l'importance économique et stratégique du Nord-Ouest marocain ont été confirmés au cours de cette dernière décennie. Construire ou rénover 530 km de routes en quelques années ne se décide pas par un claquement de doigts. C'est un long processus d'études tenant compte d'une pluviométrie capricieuse et de sols fragiles et difficiles; de mobilisation des financements, d'appels d'offres, sans parler des partenaires immobiliers et des enjeux sociaux et politiques pour la région. Du coup les financements vont de Bruxelles à Rabat en passant par Tokyo et le Koweit. Les bâtisseurs sont marocains, égyptiens et japonais. Connexion Paradoxalement, c'est la partie de la rocade méditerranéenne qui avait le plus besoin d'un désenclavement en premier lieu qui sera la dernière à être servie, s'agissant du tronçon situé entre Oued Laou à l'Est de Tétouan, et Jebha à l'Ouest d'Al Hoceima. Jusqu'à cette année, aucune route ne desservait un tronçon de près de 100 km reliant Jebha à Ajdir près d'Al Hoceima. Ce tronçon est pourtant situé sur le territoire de la province Chefchaouen là où, de l'avis d'un expert, «les routes sont les plus difficiles et la pluviométrie très abondante». La rocade méditerranéenne après avoir pris son élan sur les bords de la baie de Tanger et au cap Malabata, l'a aussi pris en même temps du côté de Saïdia. L'idée, souvent de mise sur des projets de cette envergure est de démarrer un long chantier par ses extrêmes et de se rejoindre quelque part au milieu. De Saïdia à Nador dans la province de l'Oriental, sur environ 75 km, la rocade avance comme un mince ruban d'asphalte révélant des marécages et des colonies d'oiseaux, des plages désertes de sable blanc et des fermes où l'on cultive des produits maraîchers et où poussent des oliviers. L'arrivée à Nador révèle la lagune de Marchica, la petite mer, que l'on aperçoit dès le grand village d'Arekmane à l'extrémité de la lagune. Une région splendide, nous ne le répéterons jamais assez. Et les investisseurs potentiels ont pu le constater de visu, c'est un petit joyau qui ne demande qu'à être poli. Charge à la société civile et aux ONG de la région d'en défendre la cause et surtout d'assurer l'adhésion nécessaire pour donner à la rocade tout l'élan dont elle a besoin pour rivaliser avec les plus belles destinations touristiques mondiales, dans le plus grand respect de l'environnement. Conscience Le plus rassurant dans l'affaire, c'est la conscience que les habitants, du chauffeur de taxi au haut fonctionnaire, ont de l'importance de la sauvegarde de l'environnement naturel de la région, au vu de l'ampleur des investissements programmés. De Nador à Al Hoceima, la route est aussi magique que surréaliste. Des vues sur mer imprenables, des criques sauvages, une eau d'azur. Quelques estivants sur les plages avec une grande majorité de MRE repérable à leurs plaques d'immatriculation belges et hollandaises surtout. C'est après Jebha que les choses se corsent. En ce début d'été 2010, la visite royale dans la région donne des couleurs à la région. Après Oujda, Berkane et Nador, le Roi a été à Al Hoceima avant de rejoindre Tétouan et Tanger. En 10 ans, la région a connu pas moins de 18 visites royales. Au Nord, le développement, c'est une addition de volonté politique, d'investissements en infrastructures et de poursuite du chantier de la rocade méditerranéenne. Cela peut paraître simple a priori, comme une petite initiation à l'arithmétique. Mais en zone enclavée et montagneuse, il ne faut pas brusquer la nature et les mentalités. Le sens des routes «Les usagers gagnent du temps et de l'argent» Selon le ministère du Transport et de l'équipement, qui cite une étude de la Banque mondiale sur l'impact du programme des routes rurales, «les usagers gagnent du temps et de l'argent». Le coût de l'utilisation des véhicules baisse, le coût du transport des marchandises est divisé par 2, selon que l'on roule sur une piste ou sur du macadam, les services de transport augmentent et le temps des trajets vers les marchés ou les centres de santé baisse. Autres impacts : l'agriculture devient plus rentable, car on investit en outillage et en engrais, plus de professionnels acceptent de travailler dans des zones auparavant peu accessibles et enfin garçons et files de la campagne fréquentent plus l'école. De fait, personne n'a jamais pensé que l'absence de voies de communication pouvait avoir des effets positifs. Sauf les loueurs de mulets.