«Dans une société où l'analphabétisme sévit toujours et où les messages médiatiques sont diffusés en des langues inaccessibles à une bonne partie de la population, l'image revêt une importance primordiale». Cette entrée en matière du rapport de l'étude sur les jeunes et la télévision au Maroc, réalisée dans le cadre du dialogue national «Médias et société», soulève la question de la qualité de l'image à laquelle sont confrontés les téléspectateurs marocains, et surtout les jeunes. Souvent décriée, rarement confortée dans ses choix de programmation, il faut le reconnaître, la télévision nationale est la star de toutes les critiques émanant de cette population de téléspectateurs. Pourtant, l'enquête menée auprès de près de 1.000 jeunes âgés de 15 à 29 ans (questionnaires, focus-groupes et entretiens individuels), révèle que 40,6% d'entre eux regardent les chaînes marocaines, contre 57,4% qui se retournent du côté des chaînes étrangères. Sur 79% de la population étudiée qui se qualifient de «téléspectateurs assidus» (tous les jours), finalement, la part d'audience nationale n'a «pas de quoi rougir», comme le défendait d'ailleurs le Président directeur de la société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT), Faïçal Laraichi, lors de sa dernière récente intervention au Forum de Rabat (www.lesechos.ma). On serait d'autant plus amené à confirmer cet avis que pour près de 10% de ces adeptes du «cathodique national», la programmation, et en particulier la fiction, est pour beaucoup dans ce choix. Oui, mais... Plus de 17% des «téléspectateurs marocains zappant à l'étranger» y migrent pour la qualité des films diffusés, plus 6% pour le suivi des événements et plus de 5% parce que ces chaînes répondent mieux à leurs besoins. Ces chiffres sont loin de rassurer quant à la perception des «jeunes» téléspectateurs de ce que leur proposent les télévisions nationales. Ils sont à peine 3% - parmi ceux qui regardent régulièrement Al Oula et 2M - à trouver que les chaînes nationales «assurent un meilleur suivi des événements», 5% affirment choisir les chaînes publiques marocaines car «il n'existe pas pour eux une autre alternative» et plus de 8% pour une raison de «compréhension de la langue». Selon les observations du rapport, ces résultats «ne créditent pas spécialement les chaînes marocaines». Le fait que celles-ci doivent concurrencer, d'une part des chaînes occidentales, qui jouissent d'une forte expérience, et de l'autre de grosses machines médiatiques moyen-orientales n'est pas pour arranger les choses.Après Al Oula et 2M, les chaînes les plus regardées par les jeunes Marocains sont MBC2 (11%), Rotana (6,7%), Al Jazeera (6,3%), Dubaï (5,2%) ainsi que MBC (4,7%) et National Geographic (4,7%). Face à cette concurrence, le pôle audiovisuel public n'a pas les moyens suffisants pour produire des émissions de divertissement ou des fictions du même calibre. Il en résulte que «la plupart des programmes ciblant les jeunes sont importés», affirme le rapport de l'instance. Du coup, «les contenus et les messages qu'ils leur transmettent butent contre les spécificités de la culture locale». Ce constat ne concerne pas uniquement le Maroc, mais il s'agit là d'une réalité commune aux pays en développement, souligne le document. Fort heureusement pour nos chaînes publiques, les journaux télévisés existent. À ce niveau, une bonne nouvelle : 59% des jeunes préfèrent suivre les informations sur une chaîne TV marocaine, contre 28,7% pour ceux qui optent pour des chaînes étrangères. Entre les deux chaînes nationales, c'est à 2M que les jeunes font le plus confiance, avec près de 44% des interrogés qui jugent le JT de la chaîne plus important, contre 32% pour Al Oula. Ces chiffres ont de quoi décoller l'étiquette de «chaîne à feuilletons» qui colle à 2M et une piste à méditer pour les dirigeants du pôle audiovisuel public, en matière de développement des programmations.