Après avoir eu du mal à s'entendre dans le passé, Madrid et Rabat semblent prêts à consommer une lune de miel méritée. Lors du premier déplacement du ministre marocain des Affaires étrangères, Saad-Eddine El Othmani chez le voisin, les responsables espagnols étaient à court de qualificatifs pour définir le chaleureux rapprochement entre les deux capitales. Les «magnifiques relations», l'expression utilisée par le ministre de la diplomatie espagnole Garcia Margallo, résume à elle seule l'état d'esprit des dirigeants des deux pays. L'arrivée de El Othmani à Madrid était de bon augure pour les espagnols. Vendredi, l'annonce de l'adoption par les ambassadeurs des vingt-sept d'un mandat de négociation de l'accord de pêche Maroc-UE a versé du baume dans le cœur des espagnols. Ledit mandat devrait être ratifié dans les jours à venir par le Conseil des ministres de l'UE. Les espagnols se frottent déjà les mains, persuadés que ladite ratification est une question de formalités. Garcia Margallo a annoncé la date du 10 février comme le jour où l'UE pourrait donner son feu vert pour entamer les négociations avec la partie marocaine. Le ministre a expliqué qu'il n'est plus nécessaire d'attendre la réunion des ministres européens de l'Agriculture et de la pêche vu que la décision pourrait être prise lors de la réunion des chargés du portefeuille de l'Education, prévue le 10 février. «Plus rapide ! Impossible», s'est félicité le ministre espagnol de l'Agriculture, Arias Canete, lequel attend sur du charbon ardent le retour des chalutiers ibériques sur les côtes marocaines. El Othmani n'a pas laissé s'envoler cette occasion sans rappeler à ses hôtes l'un des motifs de sa visite, à savoir réduire au silence les protestations contre le pacte agricole. D'ailleurs, comme l'a titré le quotidien conservateur La Razon, la visite du chef de la diplomatie marocaine entre dans le cadre de l'opération «poissons contre tomates». El Othmani a clairement exhorté le gouvernement espagnol à prêter la main au Maroc pour que le pacte agricole passe le cap de l'hémicycle européen. «Nous sommes optimistes. Le plus important est que le PE approuve l'accord. J'espère que tout le monde œuvre dans son sens», a-t-il lâché. Au demeurant, les deux pays ont multiplié les gestes et les déclarations courtoises prouvant qu'ils sont déterminés à travailler ensemble en parfaite entente. De sa part, Margallo a souligné que l'Espagne est partisane du fait que le Maroc soit bénéficiaire à partir de 2014, des fonds de cohésion (instrument financier instauré en 1994 pour réduire les disparités entre les membres de l'Union). Le diplomate en chef a fait part du labeur de l'Espagne pour que le Maroc jouisse d'un statut privilégié, qui va au-delà du statut avancé dont il jouit actuellement. Fallait-il attendre deux gouvernements conservateurs pour que les deux pays enterrent la hache de guerre ? Rien n'est moins sûr, la seule certitude est que les intérêts économiques ont le dernier mot dans le chapitre des relations hispano-marocaines. Le Parti au pouvoir a finalement compris que rien ne peut se faire sans le Maroc et que l'Espagne ne peut sortir qu'avantagée d'un rapprochement entre Rabat et Madrid. La preuve, les deux gouvernements ont décidé de laisser de côté les sujets qui fâchent comme le Sahara, les enclaves de Sebta et Mélilla, pour se concentrer sur les dossiers qui unissent. C'est de la sorte qu'ils ont convenu de continuer sur cette lancée positive en maintenant un rythme de visites soutenu. D'ailleurs Saad-Eddine El Othmani a annoncé l'éminente visite du ministre de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diez au Maroc pour rencontrer son homologue marocain. Les deux Etats ont fait part de leurs souhaits d'approfondir davantage la coopération en matière de sécurité et de contrôles des flux migratoires. La visite d'El Othmani était aussi l'occasion de tracer le programme de la réunion de la haute-commission mixte maroco-espagnole. El Othmani a souligné que la tenue de cette rencontre de haut niveau sera précédée de longues préparations de la part de l'ensemble des départements ministériels pour en assurer le succès. Concernant le volet des investissements espagnols, le diplomate marocain a rassuré les investisseurs espagnols et a promis l'engagement du gouvernement de Benkirane à résoudre toutes les difficultés que rencontrent les investisseurs ibériques sous nos latitudes. Une visite, plusieurs lectures Le tandem accords agricole et de pêche a dominé les réactions de la presse espagnole suite à la visite –haut en symbolisme pour ces deux projets de partenariat- de Sâad Eddine El Othmani auprès des autorités de Madrid. El Pais, s'appesantit sur les enjeux de la mise en œuvre de ces partenariats pour l'Espagne. Le titre met en effet l'accent sur la promptitude de rabat à s'engager dans une «renégociation de l'accord de pêche, dont les principales victimes du rejet sont les armateurs espagnoles», note-t-on sur la version électronique du quotidien espagnol. De bons augures, si l'on sait que l'Espagne ne lésine pas en moyens de pressions pour relancer la machine des négociations sur ce dossier, entre le Maroc et l'Union européenne. ABC, parle de «confiance» pour une très prochaine remise à flot de ces négociations. «Le Maroc ne compte cependant pas céder à une renégociation de l'accord agricole», actuellement en fin de processus de validation au niveau du Parlement européen. Un aspect que regrettent plusieurs titres de la presse ibérique. Force est toutefois de constater que les angles économiques ont bien pris le dessus sur le politique. La conjoncture de récession dans laquelle se trouve l'Espagne, en justifierait peut-être cet intérêt dominant. Le dossier du Sahara marocain n'a été abordé qu'en filigrane par quelques rares journaux, à l'image du Diario de Mallorca.