Les signes se multiplient et se ressemblent... Mariano Rajoy, le tout nouveau chef de gouvernement espagnol, vient de confirmer sa venue au Maroc le 18 janvier. Le menu de cette visite n'est pas encore définitif, mais tout porterait à croire que le dossier de la pêche sera en tête de liste. Au moment même où cette confirmation tombait, officiels et professionnels espagnols du secteur venaient de boucler une réunion marathon avec les autorités communautaires de Bruxelles. Depuis le rejet du projet de renouvellement de l'accord de pêche entre le Maroc et l'UE, les Ibériques ne cessent d'interpeller l'UE sur la nécessité de trouver au plus vite une bouée de sauvetage pour ce partenariat. Cette énième opération de lobbying s'inscrit donc dans la même tendance, surtout si l'on sait que l'option d'un accord de partenariat bilatéral entre le Maroc et l'Espagne, dans le domaine de la pêche, est purement et simplement «impossible». C'est une question juridique. «L'UE a certaines prérogatives qui obligent tout Etat membre à sacrifier sa souveraineté pour les intérêts communautaires. Aucun pays ne peut s'engager dans des négociations d'accord ou de convention, en dehors de la communauté. À moins que l'Espagne ne décide de se retirer de l'ensemble européen, ce qui est impensable», nous explique Jawad Kerdoudi, le président de l'Institut marocain des relations internationales (IMRI). Du coup, la rive nord du détroit ne trouve plus pour le moment que deux exutoires possibles. D'une pierre, deux coups... Le premier est de «mettre la pression sur Maria Damanaki» - dixit Omar Akkouri, président de la Fédération marocaine de la pêche maritime et de l'aquaculture (FPMA) et membre de la Commission mixte maroco-espagnole des professionnels de ce secteur - pour l'élaboration, dans les meilleurs délais, d'une nouvelle proposition d'accord à soumettre au royaume. Ce point était au centre des discussions menées entre Arias Canete, le ministre espagnol de l'Agriculture et la présidente de la Commission parlementaire européenne pour la pêche. Sur cet aspect, les professionnels et politiques marocains continuent par ailleurs de camper sur leurs positions et réitèrent leur autosuffisance et leur capacité à se passer de tout accord avec l'UE... du moins dans le domaine de la pêche et pour le moment. La seconde option jouable pour l'Espagne, est de trouver une sorte «d'arrangement» avec le royaume, pour avoir l'autorisation exceptionnelle d'opérer dans ses eaux territoriales. Pour rappel, ce cas de figure s'est déjà produit en 2003, lors de la terrible marée noire causée par le naufrage du pétrolier «Prestige», sur les côtes galiciennes. ...Pour deux dossiers clés L'accord de pêche n'a toutefois pas été le seul sujet d'intérêt pour les relations maroco-espagnoles, ces derniers jours. Les officiels qui avaient fait le déplacement à Bruxelles, mardi dernier, y étaient aussi pour une toute autre cause, beaucoup moins conciliante avec les positions marocaines. Il s'agit en effet du projet de ratification d'un autre accord, mais concernant, cette fois-ci, les échanges de produits agricoles entre le royaume et l'UE. Le dossier, qui traîne encore dans le circuit de la codécision européenne - au Parlement européen, plus précisément - est aussi un autre sujet sur lequel le gouvernement de Rajoy compte peser de tout son poids. L'objectif est de pousser les eurodéputés à rejeter ce projet de ratification de l'accord agricole avec le Maroc. L'argument ? «La mise en œuvre de cet accord signifierait un raz de marée des produits agricoles marocaines sur le marché espagnol et menacerait dangereusement le secteur agricole de ce même pays», s'exprimait Arias Canete, ministre espagnol de l'Agriculture. Ce dernier conduisait justement la délégation de son pays lors de la récente visite à caractère lobbyiste auprès des hautes sphères européennes. Au final, c'est donner de la main droite ce que l'on reprend de la main gauche. C'est un positionnement schizophrène et plein de contradictions, que les chefs de gouvernement des deux pays tenteront sans doute d'aborder lors de leur prochaine rencontre, avec toute la délicatesse que requièrent les relations d'un couple que, finalement... tout réunit et désunit à la fois. Le 18 janvier...pour le «remodeling» ? Le chef du gouvernement espagnol se rendra au Maroc le mercredi 18 janvier. Pour son premier déplacement au Maroc et à l'étranger, il est prévu que Rajoy soit reçu par le souverain. L'audience royale devrait être suivie par un tête-à-tête avec le Premier ministre marocain Abdellilah Benkirane. La date a été communiquée durant le déplacement du ministre délégué aux Affaires étrangères Youssef El Amrani à Madrid, hier mercredi. El Amrani, venu prendre congé officiellement de l'Espagne comme pays hôte du siège de l'Union pour la Méditerranée (UpM), s'est entretenu avec le Président du gouvernement avant d'aller à la rencontre de Garcia Margallo, le chef de la diplomatie espagnole. Outre la mise en place du programme de la visite du chef de l'Exécutif espagnol, les deux diplomates ont abordé plusieurs sujets relatifs à la coopération maroco-espagnole comme la situation des entreprises ibériques installées au Maroc, indique le communiqué du ministère espagnol. À cet effet, Margallo a exprimé son souhait d'élargir les domaines de coopération à d'autres secteurs tels que l'énergie ou les télécommunications. Il était également question de l'organisation de la 10e réunion mixte maroco-espagnole de haut niveau, celle-ci aurait dû avoir lieu durant le mandat des gouvernements sortants. Margallo a transmis au gouvernement marocain, par le biais d'El Amrani, les souhaits de son gouvernement «d'approfondir davantage des relations bilatérales déjà étroites».