Dans le film de Todd Phillips, en compétition à la 76e édition du Festival international du film de Venise, Joaquin Phoenix propose une version unique du méchant de Gotham City. Une prestation qui lui offre déjà un ticket pour la prochaine édition des Oscars. Révélations. Dès le premier plan, le public sait que le film de Todd Phillips ne mise pas que sur un grand acteur et son interprétation. Le Joker est un grand film. On voit un Joaquin Phoenix transformé, maigre et diminué. Devant son miroir, il se maquille, se prépare pour son numéro de clown. Gros plan sur son visage qu'il défigure de ses mains en se forçant à sourire. Glaçant. Il campe le rôle d' Arthur Fleck, celui qui deviendra le Joker, terreur de Gotham City et cauchemar de Batman. Acteur de stand-up raté, il vit chez sa mère dans un appartement en plein centre d'une ville à la veille du chaos. Interprétation monstrueusement habitée Fidèle à l'excellence, Joaquin Phoenix a déjà à son actif des rôles marquants comme dans «Gladiator», où il est le maléfique Commode, fils de Maximus Decimus Meridius, «Walk the Line», où il entre dans la peau de Johnny Cash ou «The Master» où il joue Freddie Quell, vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui lutte pour s'adapter à une société d'après-guerre, qui lui valent des nominations aux Oscars. Son rôle dans «The Beautiful Day» lui offre une consécration à Cannes en 2017, outre d'autres rôles passionnés. Mais avec le Joker, l'acteur américain confirme qu'il est l'un des acteurs les plus talentueux de tous les temps et qu'il a de grandes chances de marquer l'histoire du cinéma. Avec le Joker, il invente un passé au futur tueur en série sans cœur. «Je ne suis pas allé le chercher dans d'autres performances» (en référence aux Jokers de Heath Ledger ou Jack Nicholson), confie Joaquin Phoenix. «J'ai essayé de le construire avec Todd, comprendre pourquoi il était devenu comme ça. Je ne voulais pas qu'un psychiatre arrive à le diagnostiquer», continue l'acteur qui propose différentes nuances de folie, de la plus intériorisée à la plus criante et fatale. Une performance qui a nécessité 8 mois de travail. «Le Joker du 1er jour de tournage n'est pas le même que celui du dernier jour». Habité, l'acteur ne joue pas. Il devient, il est le Joker. Comme ce rire maléfique. Arthur est atteint d'un trouble du rire. «J'ai commencé par le rire. J'ai regardé des vidéos de personnes atteintes de rires pathologiques, un syndrome neurologique qui provoque des crises incontrôlables de rire», confie l'acteur qui, encore une fois, ne se contente pas de trouver un seul rire mais plusieurs. Il se réinvente même dans l'intrigue du film et l'on voit la naissance d'un futur monstre à cause de la violence dans les rues, l'injustice, les frustrations, les secrets d'un passé trop lourd à porter, le manque d'amour. «C'est son combat pour trouver le bonheur, pour ressentir la chaleur et l'amour qui m'intéressait. Ce personnage représente tellement de choses pour moi. Ce qu'il était les premières semaines s'est révélé complètement différent de ce qu'il était à la fin. Il a constamment évolué. Je n'avais jamais eu une expérience comme celle-là. Plus imprévisibles et libre nous étions, plus excitants». L'acteur est possédé dans sa chair et dans son corps. On voit le personnage monter en puissance, s'incarner de scène en scène, de plan en plan. La chorégraphie du Joker est envoûtante et il entre allègrement dans cette danse de la mort quand elle est plus libératrice que la vie. Chef-d'œuvre Le film qui aurait pu se contenter d'une grande interprétation d'acteur raconte un personnage de bande dessinée autrement. Il n'y a pas d'effets spéciaux, de combats surréalistes, de bavardage. Il n'y a que du vrai. Une belle mise en scène, une réalisation brillante et une photographie saisissante, le Joker est le premier film d'auteur aux airs de Marvel. Le film de Todd Phillips raconte l'histoire d'un homme blessé, que la vie n'a pas épargné et qui se transforme peu à peu en monstre. «Il s'agit d'un film sur l'empathie avant tout», confie le réalisateur qui signe une fresque sociale et politique proche de l'Amérique troublée et du monde fou dans lequel nous vivons. Comme si Arthur Fleck n'avait pas d'autre choix que de devenir ce qu'il est devenu. À travers la naissance du Joker, le film pose brillamment quelques questions de société et met en exergue les maux dont souffre le monde actuel. Le Joker est moderne, puissant et sincère. Même la violence est maîtrisée. Il n'y a pas de déballage de sentiments, tout est juste. Un film qui compte tout rafler sur son passage, Lions d'or et Oscars. Un film aussi explosif que jouissif.