La mondialisation existe, mais elle n'est pas encore arrivée chez nous. Elle est bloquée à la frontière, mise sous quarantaine, fouillée de fond en comble des fois qu'elle porterait des gènes gênants pour la bonne marche de notre «jeune démocratie locale en construction». Je délire ? Pas tout à fait. Bien entendu, cette histoire de mondialisation, c'est de la provoc. Bien sûr, elle est là, chez nous, depuis bien longtemps, bien installée dans nos belles et puissantes berlines, notre super matériel électronique, nos cartes de payement à puce ou magnétiques, nos ordinateurs très portables et nos portables presque ordinateurs, nos innombrables chaînes de télé satellitaires, tout ça et bien d'autres trucs comme ça, si ce n'est pas de la mondialisation, ça lui ressemble vachement. Oui, mais, excusez-moi, je ne suis pour autant pas convaincu que nous sommes réellement mondialisés. J'ai toujours eu l'impression qu'au Maroc, et depuis la nuit des temps, on prend juste ce qui nous arrange, et on jette tout ce qui nous dérange. Tenez ! Prenons l'exemple de la «modernité». On va prendre un bonhomme bien né, bien élevé, et bien instruit, disons un type BCBG. On va lui mettre un costume, une cravate, des lunettes, le tout dûment signé. On va lui offrir une jolie montre, tiens, une Rolex, pourquoi pas, signe de la réussite, n'est-ce pas, on va lui remettre un Palm dernier cri, et on va le faire monter dans une superbe limousine, une des stars du dernier salon auto-expo. Donc, plus moderne que ça tu meurs ! Quelques secondes après, vous allez constater que notre prototype va se transformer en un sauvage en furie, klaxonnant comme un fou furieux, jetant par-dessus vitres, canettes de limonade ou autres produits spiritueux, traversant lignes continues, grillant allègrement feux rouges, bref, nous faisant voir la modernité de toutes les couleurs. Vous l'aurez mis dans un jet privé, ça n'aurait rien changé. Vous avez dit moderne ? Je vais vous donner un autre exemple. Hier, j'ai regardé l'excellente émission «Complément d'enquête» (Moi aussi, je suis «moderne» : je regarde France 2). On a parlé éthique politique à la lumière des nouveaux scandales qui ont éclaboussé dernièrement bon nombre d'hommes et de femmes politiques en France, dont une majorité de ministres. On a donné des noms, on a fait des reportages, on a interviewé certains concernés, on a harcelé certains accusés, on a interrogé des témoins, bref, on a enquêté, et, je vous le rappelle, c'était à la télé. On appelle ça, mondialement, «la démocratie». L'émission terminée, je zappe au hasard et je tombe pilepoil sur une chaîne nationale. Je l'aurais reconnue entre 1.000 : on y parlait langue de bois. Imaginez que le pauvre animateur, pourtant assez virulent il n'y a pas bien longtemps, n'osait même pas répéter le nom de... allez, on va le dire, d'un grand nouveau dirigeant de parti qui est, certes, puissant, mais, je crois, pas si méchant que ça. Mondialisation ? Il va falloir repasser...