Les Echos quotidien : Quelles sont les différentes formes du lobbying d'entreprise ? Driss Alaoui Mdaghri : Pour faire simple, je distinguerai le lobbying politique à des fins économiques, le lobbying technique effectué par des cabinets spécialisés ou directement par les opérateurs, et enfin le lobbying médiatique qui fait intervenir les organes de presse mobilisés dans le but d'obtenir une décision dans un sens donné. Chacun de ces types de lobbying présente des avantages et des inconvénients. C'est l'usage modéré et combiné de ces formes qui permet plus d'efficacité. Quel intérêt concret a une PME à faire partie d'un réseau ? L'on peut citer l'accès plus facile à l'information utile commercialement, à des ressources financières plus grandes et de bénéficier d'expertise extérieure identifiées ainsi plus sûrement. Et puis, il faut bien le dire, il y a toujours, surtout quand on est dans l'export, ce qu'on appelle la chasse en meute, expression chère à un expert de l'intelligence économique marocaine, Abdelmalek Alaoui. C'est une technique qui peut s'avérer très rentable. Dans quelle mesure cette appartenance peut-elle aider des PME opérant dans le même secteur dans l'élaboration d'une stratégie commune ? Il est certain que le fait d'appartenir à des groupements professionnels, à des unions d'entreprises et à des associations du secteur est de nature à faire passer des messages, favoriser l'émergence de stratégies communes, permettre d'exercer de l'influence et obtenir parfois des décisions conformes aux intérêts que l'on défend. Ceci étant, il faut tout de même relativiser les choses dans la mesure où les entreprises du même secteur peuvent être concurrentes et avoir des intérêts contradictoires. Il s'agit donc de trouver le dénominateur commun qui va conjuguer intérêts collectifs et particuliers. Au niveau de l'économie d'un pays, le lobbying ne présente-t-il que des avantages ? Bien sûr. Il y a sûrement quelques effets pervers du lobbying, ne serait-ce que parce que cela pousse les autres pays à agir de même et révéler parfois des stratégies que l'on voudrait garder secrètes. De plus, il y a toujours un prix à payer pour une affaire remportée grâce à un lobbying réussi, ne serait-ce qu'en termes de renvoi d'ascenseur. Mais il faut bien se rendre à l'évidence. Toutes sortes de raisons font que le lobbying est indispensable pour un pays, en particulier parce que les économies nationales sont en compétition les unes avec les autres et que leurs entreprises sont également en compétition sur différents créneaux et marchés. C'est la raison pour laquelle on voit les autorités politiques et les gouvernements faire ouvertement du lobbying pour que telle ou telle entreprise remporte tel ou tel marché. Par ailleurs l'attraction des investissements extérieurs est un axe stratégique de la politique économique de nombreux pays qui sont en concurrence les uns avec les autres. Un certain lobbying a été constaté lors des discussions qui ont précédé le vote de la loi de finances 2010, beaucoup l'ont qualifié de lobbying «primaire», dans le sens où son but était de défendre des niches, des intérêts fiscaux... Qu'en pensez-vous ? C'est de bonne guerre. On ne peut reprocher aux entreprises d'essayer de défendre leurs intérêts. Cela ne dédouane pas les instances publiques de leur obligation d'éviter l'accaparement et de ne pas verser dans la satisfaction d'intérêts illégitimes ou anormaux, de pratiquer la transparence et l'égalité de traitement de tous les partenaires. Là, c'est aux responsables des instances de contrôle politique et technique de faire leur travail. Certaines formes de lobbying doivent être privilégiées, telles que le rapprochement entre décideurs des instances élues et décideurs publics aussi bien nationaux que locaux pour expliquer, dialoguer et, si possible, convaincre quand il s'agit de demandes logiques et défendables. Existe-t-il d'autres aspects de l'intelligence économique qui ne sont pas assez exploités par les PME ? Oui, assurément, notamment la panoplie considérable des outils de veille aujourd'hui disponibles et auxquels les PME n'ont pas facilement accès, soit en raison de leur coût, soit en raison de la non-disponibilité de ressources humaines qualifiées suffisantes. C'est pourquoi l'AMIE peut s'avérer, à cet égard, un réseau très utile, essentiellement de par les actions de sensibilisation, les séminaires et rencontres ainsi que les actions ciblées à l'adresse des entreprises.