Michael Porter a identifié trois stades de développement économique: tiré par les facteurs, tiré par l'investissement et axé sur l'innovation. La transition vers le stade de l'innovation est la plus difficile, car nos entreprises sont dans une position de rattrapage et leurs principales activités sont l'apprentissage et l'utilisation de nouvelles technologies plutôt que la création d'innovations. Certains experts parlent plus d'un système d'apprentissage techno-économique plutôt que d'innovation (Brésil, Corée du Sud). Dans les pays comme le Maroc, l''asymétrie d'informations conduit à de faibles flux d'informations et de connaissances parmi les acteurs du système d'innovation. Les universités et laboratoires de R&D restent souvent éloignés des systèmes de production. Les sphères du Système national d'innovation (SNI) demeurent faiblement intégrées les unes aux autres. Ce manque d'intégration entre les centres de recherche et le manque de liaison avec le système productif s'expliquent par deux motifs : l'accroissement exponentiel des effectifs dans les universités produit un effet d'éviction des activités de recherche au profit des activités d'enseignement et d'encadrement entraînant une formation théorique abstraite coupée du secteur productif. Ensuite, l'insuffisance de grands groupes industriels conduit à l'isolement des unités de production par rapport aux centres de recherche et aux fournisseurs et clients les privant d'effets de feed-back sur le processus d'apprentissage technologique. Pour une stratégie nationale rénovée Pour construire les systèmes nationaux d'innovation, les économies émergentes comme le Maroc devraient se concentrer davantage sur leurs systèmes de production que sur les contextes institutionnels. Le principal défi pour les économies émergentes est tout d'abord de créer un système de production puissant. Alors le SNI devrait être en service pour les entreprises, pas à l'inverse. Le système de soutien ne devrait pas se concentrer sur le développement des domaines institutionnels sophistiqués, mais encourager la création d'entreprises et de projets innovants. L'innovation va dépendre de l'effet de grappe, au niveau local et par l'intégration dans la chaîne de valeur mondiale. Ainsi l'économie marocaine devrait se concentrer davantage sur ses systèmes régionaux et locaux d'innovation et leurs relations avec les systèmes mondiaux d'innovation. Au Maroc, le Système national de l'innovation est encore très dépendant de la recherche publique Par ailleurs, les mécanismes et les instruments d'aide au financement de l'innovation ne répondent pas encore aux attentes des porteurs d'idées et de projets innovants, que ce soit en termes de budget ou d'approche. A cela, il faut ajouter que le manque de coordination entre les différents intervenants, l'absence d'un véritable guichet unique de l'innovation et l'insuffisance des fonds alloués au financement de la recherche dans le secteur privé, ralentissent le rythme d'amélioration de l'écosystème de l'innovation au Maroc. (cf : Etude Grant Thornton). Un pôle de compétitivité a vocation à soutenir l'innovation. Il favorise le développement de projets collaboratifs de recherche et développement (R&D) particulièrement innovants. Il accompagne également le développement et la croissance de ses entreprises membres grâce notamment à la mise sur le marché de nouveaux produits, services ou procédés issus des résultats des projets de recherche. En permettant aux entreprises impliquées de prendre une position de premier plan sur leurs marchés locaux et à l'international, les pôles de compétitivités sont des moteurs de croissance et d'emplois. Les forces en présence au sein d'un pôle de compétitivité sont multiples. Toutes sont nécessaires à l'essor d'écosystèmes dynamiques et créateurs de richesse. Le programme d'Accélération Industrielle a prévu des pôles de compétitivité dans des zones dédiées pour l'offshoring, l'automobile, l'aéronautique, l'électronique, l'agroalimentaire, les produits de la mer. Stimuler l'innovation par le transfert de technologie Il est nécessaire de convertir les résultats issus de la recherche publique en applications concrètes pour répondre aux besoins des entreprises et des citoyens, en favorisant favorise le transfert de technologies : c'est une passerelle innovante entre recherche publique et développement économique. Pour les personnes qui sont dans la recherche publique, qui ont développé un concept innovant et qui cherchent à le rendre exploitable par une société existante ou à créer, il y a lieu d'entamer une démarche qui permet de passer de l'invention à l'innovation. Pour l'entreprise qui cherche à se différencier par l'innovation, il s'agit de trouver une solution technologique qui puisse être intégrée dans la R&D. Il s'agit de favoriser un accès naturel aux inventions et aux savoir-faire les plus pointus, ceux-là même qui répondent aux défis de notre société et de contribuer à la large dissémination des technologies issues des laboratoires vers le monde économique, en vue de créer de nouvelles passerelles entre ces deux mondes. Deux possibilités s'offrent à la nouvelle technologie issue d'un laboratoire : soit elle permet de créer une startup via l'incubation soit elle permet à une entreprise d'être plus compétitive. Les droits d'exploitation de la propriété intellectuelle associée aux projets d'innovation peuvent être transférés soit à une entreprise existante soit à une startup en vue de leur commercialisation. C'est le choix de la stratégie de transfert. Il s'agit ensuite de structurer cette stratégie afin de fournir un socle juridique solide au futur succès commercial des innovations. L'ouverture sur le monde économique, un impératif Dans la culture de recherche académique, l'accent est mis sur l'approfondissement des connaissances, l'autonomie du chercheur, l'évaluation par les pairs, une recherche débouche sur un sujet de recherche. Dans la culture de recherche-développement, la recherche est orientée vers l'application, l'Université devient porteuse d'une responsabilité économique et sociale et l'évaluation se fait par les tiers.Il s'agit d'un changement de paradigme qui nécessite de repenser les missions de l'université et d'introduire, outre la démarche et la rigueur scientifique, des comportements et des tâches nouvelles telles que la gestion des contrats, la gestion des brevets et le statut de spinoff. Il s'agit aussi de répondre aux nouvelles demandes de l'environnement social et économique et de collaborer avec des acteurs multiples ayant des logiques différentes. Abdelmajid Iraqui Vice-président CGEM-Rabat Président de la Commission Innovation et Relation avec l'Université