Les fédérations du secteur touristique donnent le ton. Elles ont décidé d'agir en allant à la rencontre -vendredi dernier-, du nouveau ministre du Tourisme Lahcen Haddad, pour présenter leurs doléances. Celles-ci semblent avoir trouvé un écho favorable, puisque le ministre de tutelle leur a fait part de son intérêt pour le dossier, en donnant d'ores et déjà des instructions pour agir. Suite à cette rencontre, tenue à Rabat, les professionnels comptent procéder à la rédaction d'un document qui sera présenté le mardi 24 janvier. Ce dernier mettra en exergue leurs inquiétudes et leurs recommandations pour «sauver» le secteur. Les chiffres officiels remis en cause À l'unanimité, la fédération nationale du tourisme (FNT), celle des investisseurs hôteliers, les fédérations des restaurateurs, des loueurs de voitures, des transporteurs, ainsi que les présidents des conseils régionaux du tourisme de Fès, Casablanca et Marrakech, ont pris à contre-pied les statistiques officielles lors de leur réunion avec Lahcen Haddad. Le but «est de sensibiliser le ministre sur la réalité du secteur», explique Lahcen Zelmat. «Cette année risque d'être pire que 2011», prédit-t-il. Il faut dire que la baisse du chiffre d'affaires des opérateurs «est de l'ordre de 30%», déclare Othmane Cherif Alami, directeur général d'Atlas voyage. Il ajoute, à titre d'exemple, qu'au niveau des TO, la baisse des ventes a atteint les 50% sur certains marchés classiques tels que la France, l'Espagne et l'Italie. À l'origine de cette chute, perdurent deux problèmes principaux. De prime abord, pour le marché français qui est le premier pays émetteur de touristes, «la destination Maroc est devenue quelque peu dépassée», s'alarme Cherif Alami. Deuxième problème, la connotation «pays arabo-musulman» fait perdre au Maroc beaucoup de marchés, dans le contexte troublé des révoltes arabes. Pour remédier à ces sources de blocage, la FNT lancera une étude pour concevoir une nouvelle stratégie de communication et de commercialisation afin de repositionner la destination. De leur côté, les professionnels ont préconisé des actions à court et moyen terme pour que cette année ne soit pas perdue, à l'instar de la précédente. S'agissant des actions immédiates, les opérateurs ont réclamé, en premier lieu, un soutien financier et logistique pour mener des opérations de promotion et de communication. Aussi, préconisent-ils un redressement de l'ONMT dans les meilleurd délais. Promotion, impliquer davantage les professionnels Dans cette optique, deux points principaux ont été discuté avec le ministre. Le premier consiste en la réorientation des actions de communication et de promotion de l'Office vers les marchés émergents, tels que la Chine, la Russie et les pays du Golfe. Aujourd'hui, «cet organisme dépense énormément d'argent pour relancer les marchés classiques, alors qu'ils sont en crise. Du coup, ces opérations n'ont pas de retombées substantielles sur l'activité», commente Zelmat. À ce niveau, les professionnels ont mis le doigt sur le point qui pourra rendre ces orientations difficiles à concrétiser. «Au cas où la nouvelle stratégie de l'ONMT est retenue par le gouvernement, elle doit être accompagnée par une politique de réduction des prix de la part des compagnies aériennes nationales», explique Zelmat. Sauf que compte tenu du contexte actuel, il parait difficile que ces compagnies acceptent le deal. S'agissant toujours de la réorientation de l'ONMT, les opérateurs ont recommandé la restructuration de son conseil d'administration. En effet, sur 40 administrateurs, seuls deux sont des professionnels du secteur du tourisme. Dans ce sens, «il est important d'augmenter le nombre de professionnels au niveau du conseil d'administration de l'ONMT», explique un opérateur du secteur. Et d'ajouter : «seuls ces derniers sont capables de relever les vrais problèmes et trouver les solutions adéquates». Actions à long terme Des doléances au sujet de la rectification de la vision 2020 ont été également présentées au ministre. Les grands axes en sont la modernisation de la gouvernance, l'activation de la régionalisation et le soutien aux investissements. Notons qu'à ce niveau, les professionnels n'ont cessé de déclamer que rien ou presque n'a été fait, cette année, en matière d'investissement et de promotion. «On devait créer la haute autorité dans les 6 mois après la signature de l'accord, cela n'a pas été fait. On devait créer 4 agences de développement territorial touristique, la première année», explique Cherif Alami. Par conséquent, les professionnels n'ont pas pu achever leurs projets à cause du financement ou de la lenteur de l'octroi des autorisations. Pour rassurer les professionnels, le ministre a confirmé que «l'activité ne peut avancer sans une collaboration entre le secteur public et privé», rapporte Cherif Alami. Il a ainsi souligné le fait que la régionalisation figure parmi ses priorités actuelles. Dans le même ordre d'idées, il a annoncé qu'il procédera dans les mois qui viennent à la création des agences régionales de développement du tourisme. De plus, le ministre s'engage sur une augmentation du budget de l'ONMT. Cette stratégie semble donc gagner en cohérence dans la mesure où elle suivrait les directives du programme gouvernemental présenté jeudi dernier par le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Lahcen Zelmat, Président de l'Association régionale de l'industrie hôtelière de Marrakech. «Le déploiement de la stratégie 2020 doit être activé» Les Echos quotidien : Quel a été l'objectif de cette rencontre que vous avez eue avec le nouveau ministre du Tourisme, Lahcen Haddad ? Lahcen Zelmat : Notre objectif était de lui expliquer les contraintes du secteur, loin des chiffres officiels, qui ne reflètent pas la réalité du tourisme au Maroc. Dans ce sens, nous avons présenté un diagnostic du secteur ainsi qu'une liste de recommandations. Quid de ces doléances ? Ces dernières portent essentiellement sur des actions à court terme, qui visent un redressement de l'ONMT et l'octroi de soutiens financiers aux opérateurs, afin de pouvoir préserver l'emploi. À long terme, nous avons demandé l'activation du déploiement de la stratégie 2020. Qu'elle a été la réaction du ministre ? Le ministre est d'ores et déjà conscient de ces problèmes. C'est en effet l'élément qui rassure les professionnels. Dans ce sens, il nous a demandé de préparer un document comportant toutes nos recommandations et de le présenter dans les plus brefs délais, afin qu'il puisse défendre au mieux ce secteur vital de notre économie auprès du gouvernement.