Le jour J est arrivé pour le nouveau gouvernement. C'est aujourd'hui que le président de l'Exécutif présentera son programme devant les deux Chambres réunies du Parlement. Le règlement prévu par la nouvelle Constitution donne le droit de vote uniquement aux représentants, tandis que l'instance présidée par Mohamed Cheikh Biabillah devra se contenter d'exercer son droit à l'information concernant les détails de la politique générale du gouvernement durant les 5 prochaines années. «Ce qui est important, c'est que le programme soit mis en application, car il est très ambitieux et répond aux aspirations des citoyens», a souligné Benkirane durant son allocution devant son équipe, la veille du passage devant les mandataires de la Nation. Le doute n'est donc pas permis durant cette étape, où la majorité parlementaire, composée de 221 députés, cherchera à remporter haut la main le vote de confiance. La grande difficulté sera de convaincre l'USFP et le RNI d'adopter une attitude de neutralité durant cette étape d'investiture. «L'épisode du vote à l'unanimité du règlement intérieur du Parlement ne se répétera certainement pas aujourd'hui, estime un député de la majorité, mais nous comptons fédérer tout le monde autour des nouveaux objectifs». La majorité cherchera en effet aujourd'hui à montrer le même visage que lors de l'élection de Karim Ghellab, et activer la charte de la majorité que les 4 partis ont signée. Le programme suppose théoriquement que 263 députés, soit la majorité absolue des deux tiers, s'exprime en faveur de la nouvelle politique de l'Exécutif. Outre le soutien de l'UC, de l'alliance des partis du centre et de ceux du groupe «L'avenir», la majorité compte sur une abstention du PAM et éventuellement d'une autre formation de l'opposition pour avoir la légitimité politique nécessaire pour un bon démarrage. Au sein de l'opposition, les 3 partis majeurs n'ont pas encore tranché, même si certains partis de l'ex G-8 ont annoncé déjà qu'ils voteront contre le programme. «L'orientation du nouveau gouvernement est diamétralement opposée à celle des choix de modernisme adoptés par le Maroc avec des régressions pour les droits de la femme, l'amazighité et pour l'absence de courage politique pour la réforme de l'économie», justifie Mohamed El Ouchari, secrétaire général adjoint du parti travailliste. Une bataille rude en perspective La majorité confortable de Benkirane au sein du Parlement ne doit en principe pas lui donner d'appréhensions durant son passage devant les deux Chambres aujourd'hui. La charte de la majorité concerne le gouvernement, mais pas sa majorité parlementaire. Cette dernière sera par contre tenue d'apporter d'autres précisions durant le débat, même si le programme reste un document d'orientation que la loi des finances 2012 devra activer pour ses premières mesures urgentes. À la veille de la bataille qui s'annonce très rude autour de la présidence des commissions parlementaires, la position des groupes parlementaires n'est pas encore claire au sujet de l'attitude à prendre vis-à vis de la politique générale du gouvernement. Les impératifs constitutionnels Le programme qui doit dégager les lignes directrices de l'action que le gouvernement se propose de mener dans les divers secteurs de l'activité nationale, a puisé ses 5 axes de l'énoncé de l'article 88 de la Constitution, qui évoque notamment «les domaines intéressant la politique économique, sociale, environnementale, culturelle et extérieure». Benkirane est donc resté fidèle aux limites de l'action qui ont été tracées, en hissant cependant le volet identitaire au premier rang. «Ce programme fait l'objet d'un débat devant chacune des deux Chambres», note la loi fondamentale, ce qui suppose des réunions parallèles, avec la participation attendue des syndicats à la discussion, même s'ils sont privés du droit de vote. La participation des conseillers ne va pas être une pure formalité, car même privés du droit de sanctionner le programme par leur vote, les élus de la deuxième Chambre pourront par la suite réagir. Le texte constitutionnel leur accorde en effet la possibilité «d'interpeller le gouvernement par le moyen d'une motion signée par le cinquième au moins de ses membres, trois jours francs après son dépôt». Cette éventualité n'est pas envisageable pour l'instant par la majorité parlementaire de Benkirane. Le gouvernement ne sera investi qu'après avoir obtenu la confiance de la Chambre des représentants, «exprimée par le vote de la majorité absolue des membres composant ladite Chambre, en faveur du programme du gouvernement», stipule le texte constitutionnel. Dixit... Le programme répond aux attentes d'une large frange de la société marocaine. Ce programme est avant tout un prélude pour un vrai débat politique, et ouvre le chantier des réformes politiques. Ses chances d'être approuvé par les députés de la nation restent très grandes. El Habib Choubani, Ministre chargé des relations avec le Parlement et la société civile. Ce gouvernement est capable de répondre positivement aux attentes urgentes. Le programme apporte des solutions concrètes qui seront mises en œuvre juste après le vote de confiance. Plusieurs défis doivent être affrontés, à commencer par la reprise des grands équilibres, mais nous demeurons confiants pour tout ce qui touche les projets sociaux. Mustapha El Khalfi, Ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement.