La proposition de loi sur le Conseil de la jeunesse remet au goût du jour la problématique du cumul des fonctions. Un sujet qui va sans doute être en tête des discussions parlementaires à la veille des élections... et même avant. Les propositions de loi sur l'incompatibilité des mandats et le cumul des indemnités du PJD et de l'USFP vont-elles franchir le cap du Parlement ? Les pays démocratiques tendent de plus en plus à restreindre le cumul des fonctions et des responsabilités en vue de rénover la vie publique. Au Maroc, le problème demeure en dépit des critiques acerbes et des contestations émanant même des membres de la majorité gouvernementale. Après des années de tergiversation, gouvernement et Parlement sont très attendus sur cette question qui réveille la polémique à la veille de chaque élection. Mais rien n'est moins sûr en raison des contradictions dans les discours et pratiques qui nourrissent davantage le scepticisme à l'égard de la vie politique. Le sujet refait surface suite à l'adoption de la proposition de loi des groupes parlementaires de la majorité à la Chambre des représentants amendant la loi relative au Conseil de la jeunesse et de l'action associative pour permettre aux parlementaires de siéger dans cette instance. Ce texte est passé comme une lettre à la poste (à l'unanimité) à la chambre basse et devrait bientôt franchir le cap de l'institution législative, alors que des projets importants sont bloqués dans les tiroirs des commissions depuis des années, ce qui n'a pas manqué de susciter de virulentes critiques de part et d'autre. Il faut dire qu'à l'heure où les parlementaires sont appelés à contribuer au processus de restauration de la confiance dans l'échiquier politique- qui n'est visiblement pas encore enclenché, ils continuent de reproduire les mêmes pratiques qui ternissent l'image des institutions et des politiciens. Un parlementaire a-t-il besoin de siéger dans une instance consultative? Les élus de la Nation, en vertu de la loi, sont déjà présents dans quelques instances de gouvernance dont le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique et espèrent visiblement étendre leur représentativité à d'autres organismes, alors que sous d'autres cieux, le cumul des fonctions est très limité voire interdit. Le problème est de taille au Maroc, dont l'arsenal juridique autorise aux parlementaires la multiplication des casquettes (électives, organisationnelles, représentatives…) comme c'est le cas de Driss Azami Idrissi qui est député, président du premier groupe parlementaire et maire d'une grande ville. Les membres du gouvernement sont aussi concernés par cette problématique. Parmi les cas jugés aberrants figure celui de Aziz Rabbah, ministre et président de commune. Incompatibilité des fonctions Déontologiquement parlant, cette situation est inacceptable dans plusieurs pays en raison non seulement du conflit d'intérêts mais aussi du souci d'efficacité et d'optimisation de rendement. Chacune de ces fonctions doit être exercée à plein temps pour donner du sens à la gestion des affaires publiques. En France, à titre d'exemple, la charte de déontologie des membres du gouvernement leur interdit d'exercer une fonction exécutive locale. Au Maroc, il semblerait qu'on n'ait pas encore atteint cette maturité, même si le débat sur la nécessité d'imposer les incompatibilités des mandats a été lancé il y a plusieurs années. En 2015, à la veille des élections législatives et locales, la question avait suscité des débats houleux au sein de la commission parlementaire de la législation. Les parlementaires avaient alors réussi à introduire un amendement de fond de l'opposition sur l'article 32 de la loi organique relative à l'organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et au statut de ses membres en ajoutant aux cas d'incompatibilité celui de président de commune, avant que cet amendement soit rejeté par le gouvernement en deuxième lecture. Le revirement de position dans les rangs des députés de la majorité qui avaient voté contre cette disposition en plénière alors qu'ils l'avaient approuvée en commission avait suscité l'ire de l'opposition et des observateurs. Cette fois-ci, les textes seront-ils amendés pour enfin pouvoir rénover la vie publique? Rien n'est moins sûr, bien que deux groupes parlementaires de la majorité aient élaboré des propositions de loi sur le cumul des fonctions. Le groupe socialiste a axé son texte sur l'interdiction du cumul des indemnités qui est vivement critiqué, notamment sur les réseaux sociaux. Déposée au bureau de la Chambre des représentants en novembre 2017, cette proposition de loi a été gelée aussitôt après sa présentation au sein de la commission des finances et du développement économique en raison de l'élaboration d'une autre proposition par le groupe parlementaire du PJD, le plus pointé du doigt pour cette question de cumul des mandats. Les députés du parti de la lampe veulent aller au-delà de l'interdiction du cumul des indemnités en instaurant l'incompatibilité des fonctions de membre de gouvernement ou de parlementaire avec celle de président de commune, à l'instar de ce qui a été décidé en 2015 pour le cas de président de région. Mais encore faut-il que cette proposition formulée il y a une année recueille le consensus au sein de la coalition gouvernementale pour éviter toute reproduction du scénario de 2015. Révision des lois électorales D'aucuns estiment que le Maroc, qui tend à réformer son échiquier politique, gagnerait à s'inspirer des pays démocratiques dont certains sont allés jusqu'à instaurer le cumul «chronologique» des mandats afin de donner un véritable coup de fouet au renouvellement des élites et à l'efficacité de l'action publique et politique. Outre la question de l'incompatibilité des mandats, d'autres sujets ayant trait à la vie politique devront être débattus afin de procéder à une réforme législative globale, comme le réclament certains acteurs politiques. L'enjeu est de réviser l'ensemble des lois électorales ainsi que la loi organique sur les partis politiques, qui nécessitent des amendements de fond pour réhabiliter l'échiquier politique et restaurer la confiance perdue. Les discussions doivent dès à présent être lancées pour éviter la précipitation qui caractérise toujours la révision des textes électoraux et qui déteint sur la qualité des moutures finales.