Un unique "bisou" d'une adolescente amoureuse qu'il a repoussée, ou plusieurs baisers langoureux et des attouchements ? Le tribunal de Créteil dira vendredi si le trompettiste Ibrahim Maalouf est coupable d'une agression sexuelle, qu'il nie, sur une collégienne de 14 ans. Qui ment, de l'étudiante en lettres d'aujourd'hui 19 ans, ou de la pop-star de la trompette, 37 ans ? À l'issue d'une audience tendue le 9 novembre, le procureur avait requis six mois de prison avec sursis contre Ibrahim Maalouf, jugeant "crédible" la version de la jeune fille et estimant qu'il y avait bien eu "surprise" et "contrainte". Celle-ci était arrivée dans la petite salle, les larmes aux yeux, entourée de sa famille et évitant tout regard vers le musicien, lui visage tendu et l'air affecté. Pour elle, l'histoire commence avec un baiser "avec la langue" à la sortie d'un cinéma, dans le cadre d'un stage de troisième qu'elle effectuait au studio d'enregistrement du musicien franco-libanais à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), en 2013. Un "smack", un simple "bisou" initié par la jeune fille, assure lui Ibrahim Maalouf, 33 ans à l'époque. À la barre, il mime comment il lui a "pris les poignets" pour la repousser, "sans la brusquer". Deux jours après, selon son ancienne stagiaire, il l'aurait à nouveau embrassée, dans son studio d'enregistrement cette fois. "Attrapée par le bassin", "comme si on faisait l'amour, mais habillés", "je sentais son sexe derrière moi sur mes fesses", décrira-t-elle. Cette deuxième séquence n'a jamais existé soutient Maalouf, qui assure n'avoir jamais eu d'"attirance" pour cette "adolescente". Son avocate, qui a plaidé la relaxe, a pointé du doigt les incohérences du récit de la jeune fille - des changements de dates, la présence selon elle de la fille (quatre ans à l'époque) du musicien dans le studio, alors que lui affirme qu'elle était à l'école... et a surtout défendu la thèse du "dépit amoureux" d'une adolescente qui "aurait souhaité que cette transgression continue". Celle qui avait écrit dans son journal intime avoir "découvert l'amour" cette semaine a reconnu avoir été fascinée par le trompettiste. Elle a aussi admis ne pas avoir voulu le dénoncer pour pouvoir bénéficier d'un éventuel "piston", elle qui voulait suivre ses traces. Star au Moyen-Orient, Ibrahim Maalouf est découvert par le grand public français en 2014 en remportant une première victoire de la musique. Plusieurs fois disque d'or, son succès repose sur un mélange large des genres - jazz, classique, musique orientale, pop, rock, rap, qui fait grincer les dents de certains puristes. César de la Meilleure musique de film en 2017, il a joué avec Sting (lors du concert de réouverture du Bataclan après les attentats), Matthieu Chedid, Salif Keita, Oxmo Puccino... - et réussi à remplir, seul, Bercy (20.000 places) en 2016 pour fêter ses dix ans de concerts. Devant le tribunal, il fait profil bas, clairement déstabilisé face à la présidente et le procureur qui le bousculent, s'énervent de l'entendre répéter "je suis désolé", "je me sens responsable". Il se sent "coupable" de "ne pas avoir su mettre des limites" en tant qu'"adulte", lui qui enseigne la musique aux jeunes depuis 20 ans, "coupable" aussi d'avoir envoyé des textos pour "décourager" cette jeune fille "très insistante". Mais les textos ont, depuis, été effacés et là aussi, les versions sur leurs contenus divergent : la jeune fille, sa mère et sa tante qui disent les avoir vus, soutiennent que le musicien aurait demandé des photos d'elle dénudée. "Elles mentent?" demande la présidente. "Oui", répond Maalouf. Les parents n'avaient porté plainte qu'un an après, croyant d'abord que leur fille pourrait "gérer". Mais pendant cette année elle se scarifie, est victime de troubles alimentaires. "Je pensais que c'était quelque chose de génial qui m'arrivait", explique-t-elle à la barre. "Je lui étais reconnaissante, j'avais l'impression qu'il m'accordait une importance démesurée, à mon âge, avec sa notoriété. J'ai mis du temps à réaliser que ce n'était pas normal".