En attendant la réforme du Code de droits réels, toujours objet de débats au sein de la Commission anti-spoliation, une réforme du Code pénal est à l'étude au sein de la Chambre des représentants... Alors que le phénomène de spoliation immobilière continue de s'étendre malgré les alertes de la société civile et les instructions royales du 30 décembre 2016, un texte vient enfin de tomber entre les mains de la Commission Législation de la chambre des représentants. Une réforme du Code pénal, plus précisément des articles 352 et 353, est donc à l'étude. Il s'agit ainsi «d'unifier les peines relatives aux écritures en faux applicables à toutes les professions qui interviennent dans le processus». L'altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie dans un écrit par un des moyens déterminés par la loi, sera désormais assortie d'une amende pécuniaire allant de 100.000 à 200.000 DH. Les concernés? Tout magistrat, fonctionnaire public, notaire, adoul ou avocat qui, dans l'exercice de ses fonctions, a commis un faux, soit par fausses signatures, soit par altération des actes, écritures ou signatures, soit par supposition ou substitution de personnes, soit par des écritures faites ou intercalées sur des registres ou sur d'autres actes publics, depuis leur confection jusqu'à leur clôture. Est également punissable la dénaturation de la substance et des circonstances des actes soit en écrivant des conventions autres que celles qui ont été tracées ou dictées par les parties, soit en constatant comme vrais des faits qu'il savait faux, soit en attestant comme ayant été avoués ou s'étant passés en sa présence des faits qui ne l'étaient pas, soit en omettant ou modifiant volontairement des déclarations reçues par lui. Concernant les peines privatives de liberté, le législateur a choisi de les réduire, les faisant passer de la peine perpétuelle à celle allant de 10 à 20 ans de prisons ferme. «Le législateur a songé à employer des mesures de prévention ou de sensibilisation auprès du public, l'indemnisation des victimes, des activités de formation auprès des personnes assujetties à la réglementation, la réparation des conséquences matérielles du manquement à la loi ou des mesures de contrôle d'application», explique ce magistrat correctionnel de Casablanca, qui indique que «Souvent, les peines pécuniaires sont plus dissuasives que les mesures privatives de liberté». Le Code des droits réels toujours en instance Si les associations de victimes de spoliation saluent cette mesure, elles continuent par ailleurs à revendiquer avec fermeté la suppression l'article 2 du Code des droits réels, protégeant l'acquéreur de bonne foi au détriment du propriétaire initial. Un acheteur qui conclut une vente avec le propriétaire apparent à la suite d'une erreur commune peut faire échec à l'action en revendication du propriétaire réel, s'il démontre sa bonne foi le jour de l'acquisition. Une disposition considérée comme «spoliatrice», mais que l'Exécutif hésite à modifier car «la bonne foi est un principe essentiel du droit et il ne s'agit pas de protéger un spolié pour en créer un autre», explique-t-on du côté du ministère. Pourtant, la jurisprudence de la Cour de cassation a brisé ce principe en protégeant le propriétaire initial si un faux était à l'origine de la vente. Sauf que, selon l'Exécutif, une modification brutale de ce texte pourrait avoir un impact négatif sur le climat des affaires, car cela pourrait être rédhibitoire à l'investissement. Il s'agit donc d'un débat houleux au sein de la commission créée au lendemain du discours royal. Cette dernière a néanmoins quelques propositions. «(…) Il s'agit par exemple de la création d'un site Internet par la conservation foncière que tous les propriétaires pourront consulter à distance, de la lutte contre les fausses procurations, de l'établissement au Maroc des documents (procurations) concernant des biens immobiliers situés au Maroc», poursuit l'ADJM. L'Association pour le droit et la justice au Maroc déplore néanmoins que «Les conservations immobilières accompagnent très rarement les victimes dans les plaintes, alors que cela devrait être leur devoir. Les administrations et ministères croulent littéralement sous le nombre de dossiers de spoliations, et peinent très souvent à les identifier en tant que tels».