Ce n'est une surprise pour personne, l'année 2011 est celle de la Berezina des investissements directs étrangers dans la région MENA. Ce qui l'est moins, c'est que le Maroc arrive à nager à contre courant en accroissant le nombre de projets d'IDE annoncées en cette année. L'observatoire ANIMA-MIPO des annonces d'investissements et de partenariats en Méditerranée, soutenu par Invest in Med, vient d'en donner la confirmation, au moins pour les neuf premiers mois de l'année. Le Maroc y tire réellement son épingle du jeu et voit le nombre d'annonces de projets d'IDE croitre de 15% par rapport à la même période en 2010, qui était déjà qualifiée de faste. Cette performance place d'ailleurs le Maroc juste derrière la Turquie et Israël en nombre de projets détectés. Toutefois, si les investisseurs n'abandonnent pas leurs projets d'IDE au Maroc, ils poursuivent néanmoins la dynamique de moindre implication financière, qui est à l'œuvre depuis 2009. Ainsi, les montants en jeu dans les projets d'IDE annoncés au Maroc au cours des 9 premiers mois de l'année 2011 diminuent encore de 50%. Un quatrième trimestre plus faste Encore faut-il relativiser ces chiffres, vu qu'ils ne comprennent que les trois premiers trimestres, sachant que d'importantes annonces de projets d'IDE ont été faites dans le royaume durant le dernier trimestre de l'année qui s'achève. Ainsi, il suffit de rappeler la signature de l'accord portant sur l'investissement dans le secteur touristique, de la part des pays du Golfe, pour plus de 20 milliards de dirhams. Il faudrait aussi y ajouter, l'annonce d'investissement faite par l'opérateur canadien Bombardier, pour un montant d'environ 200 millions de dollars. Ces annonces de projets d'IDE ne manqueront pas d'avoir un impact certain sur le bilan annuel des IDE au Maroc, pour le compte de l'année 2011. Le royaume confirmerait ainsi que la stabilité politique qu'il a réussi à préserver dans un contexte marqué par le Printemps arabe, lui a permis de garder son attractivité vis-à-vis des investissements directs étrangers. Ce n'est pas le cas de la plupart de ces voisins qui voient, selon le bilan d'ANIMA-MIPO, les annonces de projets d'IDE fondre comme neige au soleil en cette année de printemps arabe. Ainsi, le nombre d'annonces de projets d'IDE dans les 11 pays du voisinage méditerranéen de l'Europe diminue de 26% par rapport à la même période en 2010, avec 467 projets détectés au cours des neuf premiers mois 2011, contre 625 l'année précédente. Pire, les montants d'investissement diminuent également fortement, avec environ 20 milliards d'euros annoncés en 9 mois contre 40 au cours de l'année 2010. «L'année 2011, marquée par les bouleversements politiques en cours dans plusieurs pays du voisinage méditerranéen de l'Europe et la crise de la dette des pays de la zone euro, donne logiquement lieu à une baisse des annonces d'investissement direct étranger et de partenariat au sud de la Méditerranée», explique-t-on dans le bilan de l'observatoire. Toutefois, Il convient de faire état d'exceptions dans ce bilan négatif. Ainsi, outre le Maroc qui enregistre des chiffres en hausse, l'Algérie parvient à limiter la casse en maintenant le même nombre de projets d'IDE annoncés, même si cette performance est à relativiser au vu du mauvais bilan 2010. Par ailleurs, la Turquie et Israël sont, quant à eux, par effet d'opportunité, les premiers récipiendaires d'IDE de la région en 2011. IDE vs Révolution Cela est loin d'avoir été le cas pour les pays qui ont connu des révolutions comme la Tunisie, qui a vu le nombre de projets d'IDE annoncés diminuer de 40% par rapport à 2010, ou encore l'Egypte, qui subit une diminution de 50% en nombre d'annonces de projets d'IDE par rapport à la même période de l'année précédente tout comme le Liban et la Jordanie. La situation est encore plus catastrophique en Libye et en Syrie, qui enregistrent les plus fortes chutes avec environ 75% de projets en moins. Les chiffres enregistrés par l'observatoire ANIMA-MIPO ressortent en ligne avec ceux de l'enquête réalisée par la MIGA, groupe Banque mondiale, pendant l'été 2011. Il faut rappeler que d'après ce sondage, qui portait sur un échantillon de 115 multinationales investissant dans des pays en développement, plus de la moitié des entreprises qui avaient un projet d'investissement dans la région MENA ont choisi de retarder la réalisation de leurs projets, de les revoir ou de les annuler, en raison des incertitudes politiques actuelles. Aussi, dans la configuration actuelle, le Maroc fait figure, plus que jamais, d'exception, même si la vacance gouvernementale actuelle et surtout la recrudescence des mouvements de grève font planer le risque d'un amalgame qui ne saurait qu'être préjudiciable. L'observatoire ANIMA-MIPO explique d'ailleurs dans son bilan que «la dynamique d'évolution de l'investissement dans la région dépendra bien évidemment de la situation politique de chaque pays, mais aussi du contexte économique global». Climat des affaires Sur ce dernier point, le Maroc, à travers l'AMDI, est en train d'opérer une réorientation de ses actions de prospection vers les pays des BRIC et de l'Amérique du Nord, pour éviter d'être entraîné dans le sillage de la crise européenne. À quelques semaines de la fin de l'année 2011, la Banque mondiale estime que les flux d'IDE vers les pays de la zone MENA décroîtront en 2011 puis en 2012, avant d'entamer une reprise en 2013. Elle rappelle toutefois qu'à moyen et long termes, la région demeure attractive, en raison de facteurs économiques et démographiques, et le sera d'autant plus que des progrès auront été accomplis pour améliorer la gouvernance et réduire les pesanteurs bureaucratiques. En somme, les pays de la région, et le Maroc en premier, ont tout intérêt à améliorer leur climat des affaires.