Dans le cadre des efforts visant à apporter des solutions durables aux différentes problématiques liées à l'eau en Méditerranée, chaque pays de la région oeuvre à concevoir des solutions, que ce soit dans le cadre de sa politique nationale ou encore de partenariats bilatéraux et multilatéraux. Ces mesures portent sur la recherche d'une efficience accrue en matière de gestion et d'utilisation de l'eau dans ses différents secteurs d'usage. Pour nombre d'experts, qui ont pris part au 1er Forum méditerranéen de l'Eau, organisé les 19 et 20 décembre à Marrakech, les ressources en eau dans la région méditerranéenne sont très inégalement réparties dans l'espace et dans le temps. Les pénuries d'eau, tout comme les périodes de sécheresse sont fréquentes. Elles affectent tout particulièrement les pays du Sud et de l'Est, au moment où la population méditerranéenne «pauvre» en eau, celle ne dépassant pas 1.000 m3/hab/an de ressources renouvelables, pourrait atteindre 250 millions d'âmes en 2025, dont 80 millions en situation de pénurie avec moins de 500 m3/hab/an. La demande en eau de l'ensemble des pays méditerranéens a doublé dans la 2e moitié du 20e siècle, pour atteindre en 2007, 280 km3/an et celle-ci pourrait s'accroître encore de près de 20 % d'ici à 2025, estiment-ils, relevant que, malgré les progrès encourageants réalisés en matière de rendement d'utilisation de l'eau, les pertes lors du transport, de la distribution ou des différents usages représentent encore près de 40 % de la demande totale, soit plus de 100 km3/an à l'échelle méditerranéenne. Dans le contexte de pénurie croissante affectant une partie de la région et face aux incertitudes liées aux changements climatiques, il devient de plus en plus nécessaire d'adopter de véritables politiques de gestion de l'eau, de mieux en gérer les différents usages et d'optimiser les ressources, pour répondre aux besoins des populations et des hydro-systèmes en vue d' assurer le développement d'aujourd'hui et de demain. Selon eux, il est temps de gérer ce déséquilibre entre l'offre et la demande en eau en Méditerranée et de développer des approches économiques de type coûts- avantages et coût-efficacité, en intégrant les impacts environnementaux et sociaux à court et long termes. Ils appellent aussi à la nécessité pour les Etats de faire de la gestion intégrée des ressources et demandes en eau, une priorité dans le cadre des stratégies nationales d'adaptation aux conditions climatiques. L'agriculture, le grand assoiffé Selon les études menées, l'agriculture dans les pays du pourtour méditerranéen consomme près des deux tiers de leur demande en eau bleue (dérivée des eaux superficielles et souterraines) et près de 90% de leur demande totale en eau, touchant également l'eau verte issue des précipitations ainsi que l'eau virtuelle issue de leurs importations de produits alimentaires. Dans ce sillage, les experts estiment que l'agriculture constitue un enjeu clé pour libérer des volumes d'eau significatifs, surtout si on doit noter que ce secteur représente le plus gros potentiel d'économie en volume, avec plus de 65% du potentiel total d'économie d'eau identifié en Méditerranée. Ils ont fait observer que face à l'impact des changements climatiques, il est crucial d'adapter les politiques hydriques et agricoles des pays méditerranéens pour que ceux-ci puissent relever un triple défi : satisfaire les besoins humains, servir le développement et préserver l'environnement. Ressources non conventionnelles Les ressources non conventionnelles ont gagné en notoriété ces dernières années, notamment dans les pays méditerranéens. Ainsi, la réutilisation des eaux usées traitées constitue actuellement une technique commune à tous les pays du pourtour méditerranéen, bien qu'il existe encore de grandes différences concernant l'objectif et le degré d'avancement dans ce domaine entre les différents pays riverains. Les pays de la Méditerranée recourent aussi au dessalement de l'eau de mer, mais seuls quelques-uns l'ont fait dans un cadre intégré et planifié alors d'autres ont parié sur des plans très ambitieux, bien que le dessalement se trouve principalement appelé à répondre à des besoins d'approvisionnement urbain et à quelques utilisations industrielles spécifiques. Selon eux, l'expérience a démontré que l'utilisation exclusive et directe de l'eau dessalée pour l'agriculture reste hypothétique, en raison de son coût élevé, ses impacts sur l'environnement et sa consommation excessive d'énergie. Et d'ajouter que tous les usagers s'accordent à dire qu'il est temps d'encourager les pays de la région à développer des plans de gestion de l'eau contenant explicitement des analyses de faisabilité et des programmes concernant le développement des ressources non conventionnelles. La gouvernance, un impératif majeur Les enjeux stratégiques de l'eau en Méditerranée, comme ailleurs, prennent actuellement de nouvelles dimensions du fait des profondes évolutions attendues. La promotion d'une bonne gouvernance des ressources hydriques à différents niveaux est une question clé pour le bien-être, la paix et la stabilité, notamment dans le sud et l'est de la région. Nombre d'observateurs s'accordent à dire que la nécessité d'améliorer la gouvernance s'impose résolûment dans les pays de la Méditerranée, déplorant le fait que, dans cette optique, les acteurs locaux publics et privés restent insuffisamment impliqués, au profit de structures centralisées aux décisions parfois difficilement applicables localement. Ils estiment dans ce cadre qu'il appartient désormais aux pays du pourtour méditerranéen de favoriser la coopération et le partenariat entre eux, d'échanger expériences et expertises, de manière à pouvoir en tirer les meilleurs modèles, de promouvoir les financements innovants et surtout, d'harmoniser les législations nationales relatives à l'eau. Un effort de sensibilisation des citoyens doit être mené pour inculquer aux jeunes et aux moins jeunes une véritable culture citoyenne, celle d'usagers d'eau, responsables et protecteurs de cette denrée vitale. Les travaux de ce forum de deux jours déboucheront sur une batterie de recommandations, sorte de feuille de route, à présenter et à débattre lors du 6e Forum mondial de l'eau, prévu du 12 au 17 mars 2012 à Marseille (France). Loïc Fauchon Président du Conseil Mondial de l'Eau. «Le temps de l'eau facile est révolu et la ressource hydrique est attaquée par plusieurs facteurs liés à l'extension urbanistique, au boom démographique, aux changements climatiques, à la pollution, et aux pressions exercées sur le littoral, notamment avec la floraison de l'activité touristique. Il faut savoir toutefois que ces problématiques liées à l'eau ne sont pas inhérentes à une zone spécifique du globe, tout comme les changements climatiques qui se font sentir au niveau des cinq continents. La Méditerranée ne fait dont pas exception, même si c'est vrai aussi que cette région risque de connaître une situation de pénurie d'eau des plus lourdes dans les années à venir. Nous sommes désormais appelés à nous préparer à répondre à un double impératif, à savoir l'obligation de consacrer plus de ressources hydriques pour le développement, sachant qu'il ne peut y avoir de développement humain véritable sans une garantie d'accès permanent à l'eau. De plus, nous avons aussi le devoir de restituer à la nature des ressources hydriques de qualité. Nous avons besoin d'eau pour l'alimentation et nous avons besoin d'eau pour la santé. Nous devons lutter d'une part contre les maladies hydriques et d'autre part, contre la pollution causée par l'Homme».