Le pourtour méditerranéen dispose d'une longue histoire dans le domaine hydrique, sachant que différentes civilisations humaines y ont été fondées autour de l'eau. Cependant, la Méditerranée présente aujourd'hui des signes alarmants de raréfaction, voire même de pénurie d'eau. Tel est le constat qui a été fait lundi à Marrakech lors du premier forum méditerranéen sur l'eau. Selon des études menées à ce sujet, la demande agricole reste prépondérante et très difficile à maîtriser par les seuls instruments courants de tarification et d'optimisation de l'eau, qui sont surtout propices à l'intensification de son usage. Il convient aussi de relever une difficulté croissante de maîtriser la surexploitation des aquifères, par manque de moyens d'assurer la police des prélèvements, et sans une concertation poussée entre usagers. Cette surexploitation peut représenter plus du quart des prélèvements totaux et réduire à néant les efforts de gestion de la demande. Des experts ont noté, par ailleurs, l'existence d'opportunités majeures d'utilisation des eaux usées dans les secteurs agricole et industriel, d'autant plus faciles à mobiliser qu'elles peuvent retrouver les schémas de grande adduction existants en projets et d'autant plus efficaces qu'elles permettent l'utilisation de ressources en eau saine, de surface ou souterraine, par la consommation domestique. Selon eux, il existe des solutions efficaces pour réduire les pertes en eau des réseaux agricoles et d'eau potable, qui représentent encore près du tiers de ces usages, soit 100 km3 à l'échelle de la région méditerranéenne. Ils déplorent le fait qu'au niveau du bassin méditerranéen, la couverture des charges d'exploitation courante par les recettes tarifaires est la plus faible, alors même que la tarification des services de l'eau potable, industrielle ou agricole, est un instrument de gestion durable de cette denrée vitale. Forte pression «La région de la Méditerranée présente des situations de pénurie d'eau ou de stress hydrique qui concernent plus de 200 millions d'habitants. Elle connaît une croissance démographique importante avec son cortège de difficultés d'approvisionnement et de pollutions, phénomènes susceptibles d'altérer des milieux aquatiques remarquables et sensibles», a affirmé le directeur Stratégie de l'Agence française de développement (AFD), Rémi Genevey. Pour cet expert, l'eau et l'assainissement concentrent 17% de l'ensemble de l'engagement de l'AFD au niveau méditerranéen, soit environ 250 millions d'euros par an, qu'il s'agisse de grandes infrastructures d'adduction, d'appui institutionnels et de modernisation des services d'eau et d'assainissement ou encore de gestion intégrée de l'eau. Rémi Genevey a insisté aussi sur l'implication de l'AFD dans le processus régional du Forum mondial de l'eau. Sa stratégie repose sur nombre de piliers, dont la dépollution de la Méditerranée, à travers la mise en place de stations d'épuration des eaux usées, la gestion intégrée des ressources en eau à travers une maîtrise de la demande et la mobilisation de nouvelles ressources, l'amélioration des usages tant agricoles qu'urbains, et la mobilisation des ressources non conventionnelles (réutilisation des eaux usées traitées et dessalement). Le président du Conseil mondial de l'eau, Loïc Fauchon, s'est arrêté amplement sur les facteurs qui engendrent une forte pression sur les ressources hydriques en Méditerranée à savoir : le développement urbanistique, la pression sur le littoral du fait du développement de l'activité touristique et de mauvaises pratiques en matière d'utilisation et de gestion de l'eau. Il a souligné que le temps de l'eau facile était révolu et qu'il était temps de concevoir des stratégies efficientes, sachant que la Méditerranée constitue un creuset d'initiatives très encourageantes dans le domaine de la protection et de la gestion rationnelle des ressources hydriques. Une fédération des efforts de tous à travers la promotion de la coopération et le partenariat entre les différentes parties prenantes et la promotion de la sensibilisation et la vulgarisation d'une véritable culture auprès des citoyens ne pourront qu'apporter leurs fruits dans ce domaine, estime-t-il. Pour approfondir la réflexion, les organisateurs ont prévu 4 ateliers thématiques liés, à savoir : «améliorer la gestion de la demande en eau», «recourir aux ressources en eau non conventionnelles», «améliorer la gouvernance de l'eau», et «collecter et traiter les eaux usées urbaines et industrielles».