Comme il n'y a pas que les entreprises familiales qui sont concernées par le processus de transmission entrepreunariale, la deuxième édition du Baromètre de la transmission des entreprises au Maroc, réalisé par le cabinet d'études BDO Maroc et l'Agence nationale pour la promotion des PME (ANPME), a mis l'accent sur les PME marocaines dans leur ensemble. Néanmoins, dans la masse des PME nationales, la préférence a été donnée aux PME les plus performantes sur la base de leur chiffre d'affaires et selon le classement Essor/Inforisk. C'est ainsi que 102 entreprises parmi les 1.000 classées par Essor/ Inforisk ont été sondées. 43 sont des entreprises familiales et 50 ont vécu des cas de transmissions avérées. 20 experts internationaux et 7 nationaux ont également été mis à contribution. Pour la deuxième année donc, les repreneurs et cédants d'entreprises, les cédants potentiels et des experts ou professionnels du conseil en entreprise ont été interrogés. Encore une fois, l'objectif était «d'apporter un éclairage sur la transmission de l'entreprise et de susciter une réflexion pour la mise en place d'actions en vue d'encourager et de faciliter son processus de transmission». Profil des dirigeants Plusieurs éléments ressortent de cette étude. Tout d'abord, elle a permis de dessiner un profil du dirigeant d'entreprise souhaitant céder sa société. C'est ainsi qu'en moyenne, les dirigeants interrogés avait démarré leur activité dans leur entreprise actuelle depuis 12 ans. Le constat est sensiblement identique pour les entreprises familiales puisque celles-ci ont déclaré avoir démarré leur activité depuis 13 ans, en moyenne. De la même façon, le passé du dirigeant était mis en lumière. Dans l'ensemble, seuls 16% des dirigeants ont lancé leur entreprise actuelle directement après leurs études. Les repreneurs, en revanche, sont sensiblement plus nombreux à se lancer dans l'entrepreunariat sans expérience (31%). Néanmoins, le baromètre a montré que 84% des dirigeants interrogés opéraient déjà dans une activité, identique ou pas, avant de créer ou reprendre une entreprise : 41% étaient salariés dans le même secteur (53%) ou dans un autre (47%), 44% possédaient déjà une affaire dans le même secteur (72%) ou dans une autre activité (28%) et 15% ont cumulé diverses expériences dans le salariat et dans l'entrepreunariat. Enfin, 93% des dirigeants interrogés étaient des hommes. La création d'entreprise répond à un besoin d'autonomie Sans surprise, le baromètre 2011 a révélé également que pour 30% des dirigeants sondés, la création ou la reprise d'une entreprise répondait surtout à un besoin d'autonomie et à une volonté de créer et de gérer seul son affaire. 20% des entrepreneurs se sont lancés dans l'entrepreunariat à la suite d'une opportunité qui s'est présentée à eux. En revanche, ce qui est révélateur c'est le manque d'enthousiasme des dirigeants à l'idée d'avoir à céder leur activité. 54% des dirigeants interrogés n'ont ainsi jamais songé à céder leur entreprise et ne pensent toujours pas le faire à moyen terme. 30% ont déjà réfléchi ou sont en train de la transmettre et 16% ont dores et déjà repris l'entreprise actuellement gérée. La motivation de la cession de son activité varie bien sûr d'un individu à un autre. Cependant les résultats de l'étude BDO Maroc/ ANPME révèlent que 55% des dirigeants ont évoqué des raisons personnelles pour justifier la réalisation ou l'éventualité d'une cession de celle-ci. Il ressort également que 46% des dirigeants d'entreprises familiales acceptent l'idée de transmettre leur société. Ils n'étaient que 39% en 2009. Autrement dit, l'idée semble faire son chemin parmi les PME. Néanmoins, beaucoup de travail reste à faire pour faciliter les démarches, notamment grâce à la formation des cédants, repreneurs et experts en conseil. Un premier guide, baptisé Guide de la transmission des entreprises au Maroc, a d'ailleurs été produit par BDO Maroc et l'ANPME. De la même façon, ces deux organismes ont décidé de mettre en place un observatoire de la transmission entrepreneuriale. Réalisé avec le concours du spécialiste de la récupération d'informations légales, Inforisk, cet observatoire doit venir combler le vide en matière de statistiques sur le phénomène de la transmission des sociétés. La relève de l'actuel baromètre est finalement assurée. Président de BDO Maroc Zakaria Fahim, «L'observatoire de la transmission est prévu au cours du 1e trimestre 2012» Les Echos quotidien : Disposez-vous de chiffres permettant d'avoir une idée sur l'ampleur du phénomène de la transmission entrepreneuriale ? Zakaria Fahim : Aujourd'hui, nous mentirions en donnant des chiffres. Avec notre partenaire Inforisk, spécialisé dans le recueil d'informations légales, nous sommes justement en train de mettre en place un observatoire de la transmission. Nous travaillons sur le concept depuis un mois et espérons le lancer au cours du premier trimestre 2012. Celui-ci permettra d'observer le flux de tout ce qui concerne les cessions de fonds de commerce et les cessions d'entreprises. Bien sûr, nous établirons des critères, afin de distinguer les vraies transmissions. En l'état actuel des choses, il est très difficile de rassembler des statistiques et d'avoir une idée sur l'ampleur du phénomène. Personne ne centralise les statistiques de façon claire. Toutefois, ce que nous pouvons d'ores et déjà annoncer c'est que par rapport à l'échantillon que nous avons pris pour réaliser la deuxième édition du baromètre, il y a aujourd'hui un marché potentiel d'au moins 46% d'entreprises familiales qui seraient concernées par le processus de transmission. Néanmoins, nous ne sommes pas encore en mesure d'affirmer que notre échantillon est représentatif. Nous pensons tout de même ne pas être loin de la réalité. La majorité des entreprises familiales qui ont aujourd'hui pignon sur rue ont démarré dans les années 70. Considérant l'âge du capitaine, ces entreprises sont concernées à plus d'un titre. Parmi elles, certaines ont fait leur révolution, d'autres pas encore. Malgré tout, avons-nous une idée du profil type du repreneur dans les cas de transmission au Maroc ? S'agit-il plus souvent d'un parent, d'un cadre interne, de salariés réunis en collectif ou encore d'une entreprise concurrente ? D'une part, les gens restent très souvent secrets sur ce volet. D'autre part, la manière dont l'information est centralisée aujourd'hui ne permet pas de faire remonter cette information. Malheureusement, il n'y a pas encore de mécanisme qui permette de faire remonter cette information. Nous essayons, avec Inforisk, de changer la donne. Puisque personne ne centralise l'information, comment allez-vous mettre en place votre observatoire ? Au début, nous allons être obligés d'aller chercher l'information. Spécialisée dans la récupération d'informations légales, Inforisk saisira par exemple 11 informations au lieu d'en saisir actuellement 10. L'idée est de vérifier au fur et à mesure la moindre information (changement de nom) permettant de déceler une transmission d'entreprise. Actuellement, quels sont les obstacles qui bloquent les opérateurs voulant transmettre leur entreprise ? Ce qui est malheureux pour l'instant, c'est que la culture de la transmission n'est pas encore présente. C'est pourquoi nous avons réalisé cette année le «Guide de la transmission des entreprises au Maroc», en collaboration avec l'Agence nationale pour la promotion de la PME (ANPME). Nous espérons que le type de manifestation que nous organisons vont vulgariser le concept. L'idée est de mobiliser plus d'entreprises familiales qui seraient intéressées à sortir un peu des sentiers battus et de les convaincre que l'affaire serait intéressante pour elles. Nous estimons également que l'expert comptable a un rôle majeur. Tous les chefs d'entreprises sont d'accord pour gagner de l'argent, mais peu sont prêts à miser. Il faut donc arriver à financer 70% du coût de la reprise. Justement, nous avons l'impression que beaucoup de mécanismes existent pour faciliter la création d'entreprises, mais trop peu cherchent à encourager la reprise d'entreprises. Quelles sont aujourd'hui les aides disponibles dans ce domaine ? Il n'y en a aucune. La seule exception est quand vous êtes de la famille, puisque dans ce cas, vous avez l'avantage d'un droit de succession à taux zéro. Nous pensons également que l'absence de fiscalité sur la transmission des entreprises lorsque le propriétaire est vivant fait qu'aujourd'hui la plupart des transmissions se passent mal. Si demain, on décide que la transmission du vivant du propriétaire doit se réaliser en suivant un certain processus, je pense qu'on pourra réussir plus de transmissions. Les fameux fonds publics-privés, imaginés par le ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, qui englobent une enveloppe de 700 MDH, répartis à 50 /50 entre l'Etat et le privé, sont un premier pas. Il faut cependant aller plus loin et développer d'autres moyens de financement à coût modéré. Au final, quels sont les efforts qui restent à faire pour faciliter le processus de transmission ? En premier lieu, il faut que le repreneur soit protégé dans son opération. Il faut qu'il ait une garantie pour récupérer sa mise si demain il subit un échec, comme c'est déjà le cas dans d'autres pays. De la même façon, il faut mettre l'accent sur la formation à la fois des cédants et des experts. Il est également évident que de nombreux efforts sur l'aspect fiscal doivent être appliqués.