L'affaire ne concerne pas que l'Union européenne... La Chine et la Russie montent également au front pour contourner la décision américaine qui vise à se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien. Les prémices d'une «guerre commerciale» sont notables, avec un Donald Trump qui pointe du doigt «les ennemis économiques de l'Amérique». Il a commencé par désigner certaines entreprises européennes puis celles qui produisent des biens à base d'aluminium et d'acier. Sa récente lubie, ce sont les entreprises qui commercent avec l'Iran. En effet, il y a quelques semaines, le président des Etats-Unis a annoncé sa décision de se retirer de l'accord sur le programme nucléaire iranien imposant au passage aux entreprises étrangères des délais très courts, de l'ordre de trois à six mois, pour se retirer également de l'Iran. Ce retrait américain, accompagné du retour des sanctions américaines très redoutées, fait brusquement planer des risques financiers considérables sur les entreprises voulant investir en Iran depuis la signature de ce document historique en 2015. La Commission européenne a lancé vendredi la procédure officielle visant à activer la «loi de blocage», afin de contrecarrer les effets des sanctions américaines sur les entreprises européennes voulant investir en Iran, comme annoncé la veille par son président Jean-Claude Juncker. «Nous devons maintenant agir», a déclaré le président de la Commission européenne, à l'issue d'un sommet des dirigeants européens avec leurs homologues des Balkans à Sofia, éclipsé par le «front uni» que les Européens ont voulu afficher face à Washington. «C'est la raison pour laquelle nous lançons le processus de la loi de blocage, le "blocking status" de 1996, qui vise à neutraliser les effets extraterritoriaux des sanctions américaines», a-t-il déclaré devant la presse. «Nous devons le faire et nous le ferons demain matin à 10h30», a-t-il ajouté. L'outil évoqué est un règlement européen datant de 1996, créé à l'origine pour contourner l'embargo sur Cuba et qu'il s'agit désormais d'adapter. Il permet aux entreprises et aux tribunaux européens de ne pas se soumettre à des sanctions prises par des pays tiers. «Les conséquences indirectes de la décision américaine vont favoriser les positions russes et chinoises dans la région et avantager leurs entreprises», a relevé le président français, Emmanuel Macron, à Sofia, illustrant les craintes des Européens. Mais «nous n'allons pas déclencher une guerre commerciale avec les Etats-Unis sur l'Iran ou contre-sanctionner des entreprises américaines», a-t-il par ailleurs assuré. Les entreprises européennes restent pour l'instant sur la réserve. Mais face au retrait probable du Français Total d'un projet de développement du vaste champ gazier iranien Pars Sud, l'Iran a aussitôt prévenu qu'il serait remplacé par le géant énergétique chinois CNPC, partenaire de Total dans ce contrat de 4,8 milliards de dollars. La Chine, assoiffée d'hydrocarbures et premier partenaire commercial de Téhéran, semble effectivement avoir l'intention de passer outre les sanctions américaines afin de muscler ses investissements en Iran. Au risque d'aggraver les relations avec Washington, déjà tendues depuis l'introduction de droits de douane par les Etats-Unis sur l'acier et aluminium. De son côté, la Russie -alliée de Téhéran-, a fait un pas important pour rapprocher l'Iran de sa zone d'influence économique. En effet, l'Union économique eurasiatique, menée par Moscou et réunissant plusieurs ex-républiques soviétiques, a signé à Astana jeudi un accord préliminaire avec l'Iran. Réduisant d'ores et déjà les droits de douane sur certains produits pour trois ans, l'objectif est de créer à terme une zone de libre-échange.