Après un an de travail, le groupe d'experts de haut niveau sur la finance durable (HLEG) a remis dernièrement son rapport final à la Commission européenne. Les vingt experts de la finance et de l'environnement ont élaboré 28 recommandations destinées à réorienter les milliards de la finance vers des investissements plus verts. Ce rapport de 100 pages est «la feuille de route la plus ambitieuse jamais réalisée sur la question de la finance verte», s'est félicité Pascal Canfin, le directeur général du WWF France, membre du HLEG. C'est le plan d'action le plus complet et le plus ambitieux en matière de finance durable au monde», a surenchéri Philippe Zaouati, le directeur général de Mirova (filiale d'investissement responsable de Natixis), également membre. Bon nombre de ces recommandations étaient déjà connues et reconnues comme nécessaires, notamment la définition de ce que sont les actifs verts, la création d'un label et d'un standard européen en matière de «green bonds», ces obligations émises pour financer des projets ayant un impact favorable sur l'environnement. De même, pour les exigences en matière de transparence et de publication du risque climat, sur le modèle du fameux article 173 de la loi française sur la transition énergétique et dans la lignée des préconisations de la TCFD (le groupe de travail sur le reporting financier des risques liés au climat). En revanche, un sujet a fait l'objet d'âpres débats: la pertinence ou non de créer un «Green Supporting Factor», un bonus prudentiel pour les banques les plus vertes et vertueuses en matière de finance durable, qui consisterait à alléger leurs exigences de fonds propres. Une proposition poussée par la Fédération bancaire française (FBF), à laquelle la Commission s'est montrée favorable, mais le groupe d'experts émet de sérieuses réserves et pose des conditions. Vert n'est pas sans risque Lors du One Planet Summit, à l'initiative du président Macron, début décembre à Paris, le commissaire Valdis Dombrovskis avait déclaré que les banques avaient besoin d'incitations et que Bruxelles «regardait de façon positive» cette proposition. «Pour limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés, l'Europe a besoin de 180 milliards d'euros par an d'investissements supplémentaires. L'argent public ne suffira pas. Il faut rediriger les capitaux privés vers des investissements verts et durables. Nous pourrions stimuler les prêts et les investissements verts en introduisant ce qu'on appelle «un facteur de soutien vert»», a-t-il déclaré dernièrement lors d'un déplacement à Dublin. Le commissaire letton a toutefois reconnu que l'exercice serait délicat. «Vert ne veut pas dire sans risque». Mise en garde Le groupe d'experts, qui évoque l'idée de mettre en place un malus, un «Brown Penalising Factor» (facteur brun pénalisant), souligne que le Green Supporting Factor ne pourrait être efficace qu'à certaines conditions cruciales : en identifiant les actifs verts (et bruns) selon des définitions établies par des autorités publiques, et non laissées à la libre interprétation des banques elles-mêmes, en établissant la preuve d'un risque moindre au niveau micro-économique, car «à ce stade, les propositions existantes ne sont pas fondées de façon quantitative sur une évaluation des risques», souligne le rapport. Autrement dit, tout investissement dans l'économie verte n'est pas forcément dénué de risque (cf l'effondrement du marché du solaire en 2012; et en plafonnant le montant des actifs verts éligibles à l'abaissement des exigences de fonds propres, afin «d'éviter toute bulle verte». Enfin, il s'agit de surveiller les prêts immobiliers, qui bénéficient déjà d'un traitement prudentiel allégé, afin d'éviter des niveaux d'endettement trop élevés et d'établir des projections permettant de calculer le différentiel de risque entre actifs verts et bruns afin de moduler les exigences des capitaux propres. Le rapport ne conclut donc pas à une recommandation sur la mise en place du Green Supporting Factor, mais invite la commission à «enquêter sur l'existence d'un différentiel de risque justifiant ce facteur» (ce qui a été fait pour les PME) et sur la façon de le mettre en place, «en prenant garde aux inconvénients». En attendant, le groupe d'experts souligne qu'il existe d'autres outils de politique publique pour stimuler les prêts aux projets verts : «les subventions, la fiscalité, les garanties publiques».