Hakim Marrakchi, DG de Maghreb Industrie Le directeur général de Maghreb Industrie est sollicité un peu partout pour présenter le modèle réussi de transition énergétique qu'il a mis en place au sein de son unité industrielle. Les détails... Les Inspirations ECO : Vous avez été sollicité lors du Forum Entreprises Climat Maroc pour présenter le modèle bas-carbone de Maghreb Industrie. Qu'est-ce qui a constitué le déclic pour que vous vous engagiez dans cette démarche ? Hakim Marrakchi : Tout a commencé lors de la visite à une usine en Belgique en fin 2014. Notre client dans la région d'Anvers m'avait proposé de m'inspirer de son unité pour la construction de notre nouveau site. Mon client produit une petite partie de son énergie à partir d'une centrale photovoltaïque installée sur son toit. Son modèle m'a donné à réfléchir. Je m'étais promis de faire mieux... La BERD nous a rapidement proposé son assistance technique qui a consisté à valider et parfaire nos choix. Il y avait alors deux contraintes majeures à dépasser : le problème de l'injection d'électricité dans le réseau qui est soumis à autorisation, et l'utilisation de l'énergie photovoltaïque (EPV) disponible durant les creux de consommation. Nous avons ainsi imaginé un système de stockage de l'énergie et un dispositif supplémentaire pour utiliser aussi souvent que possible les excédents. Notre équipementier a aussi mis au point un programme pour brider la production d'EPV sans pénaliser nos optimisations lorsque nous avons trop d'énergie disponible. Tout le plafond de votre usine est couvert de panneaux photovoltaïques. Pouvez-vous nous livrer les détails du projet (surface, nombre de panneaux, durée de réalisation, production et coût) ? Dans sa version finale, notre site devrait avoir près de 12.000 mètres carrés de toiture et 4.400 panneaux installés pour une capacité de 1.400 kWc. Nous avons pensé notre système en 2015 en même temps que nous avons élaboré les plans de l'usine, commandé les équipements en janvier 2016, installé les différents dispositifs entre juillet et décembre 2016 et les essais ont immédiatement commencé. La production d'électricité de votre installation dépasse vos besoins. Que faites-vous du surplus généré ? Avec le changement de l'heure légale, nous avons de forts excédents d'EPV entre 11h00 et 15h00. Nous avons aussi des excédents les jours fériés et lors des vacances. Nous avons mis au point des dispositifs d'optimisation par un stockage et une utilisation thermodynamique de l'EPV disponible. L'optimisation consiste à réguler notre consommation selon l'EPV disponible, la capacité du transformateur électrique ONEE et la tranche horaire. Nous évitons ainsi, et autant que possible, de brider la production EPV ou d'injecter dans le réseau. Cela nous a permis par exemple sur ces 20 derniers jours de réduire notre consommation d'électricité ONEE de 80% en heure pleine, de 50% en heure de pointe et de 40% en heure creuse. Accessoirement, nous réduisons aussi notre consommation de fuel et abaissons notre pointe d'électricité ONEE. Est-il vrai qu'il est plus intéressant de produire de la chaleur avec ce surplus pour de l'autoconsommation plutôt que de le vendre à l'ONEE ? Cela dépend en réalité du prix que paierait l'ONEE pour un kWh injecté dans le réseau. Il faut comparer ce prix avec le coût de production d'un cheval-vapeur à partir de la chaudière de votre unité. Pour ce qui nous concerne, au prix actuel du fuel et selon l'efficacité de notre chaudière, nous avons calculé que le prix d'équilibre se situe dans ce cas autour de 0,45 DH/kWh. Comment avez-vous financé ce projet et combien de temps faut-il en général pour un retour sur investissement ? Nous avons bénéficié d'un prêt de la BERD sur 7 ans avec un délai de grâce de 2 ans. Nous avons également bénéficié d'une prime d'innovation de Fintec qui est un centre de la BERD pour le financement et le transfert des technologies climatiques. En termes de cash-flow et par rapport à l'investissement considéré, le remboursement se fait à peu près grâce aux économies réalisées. La prime perçue et une partie du délai de grâce constituent un bonus. Le système de stockage a même un payback plus rapide parce qu'il nous a permis de réduire le coût de connexion au réseau ONEE. La durée de vie de l'installation est donnée supérieure à 20 ans moyennant un entretien approprié. Les financements sont-ils disponibles pour ce genre de projets? L'ingénierie financière est en effervescence pour financer ce type de projet : prêts, locations, leasing ... Compte tenu de la durée de vie de ce type d'investissement, de son payback et des contraintes physiques, il devrait être envisagé lors de la construction de nouveaux sites, dès la conception.