Samia Orosemane, Wary Nichen et Jalil Tijani sont les nouvelles stars de l'humour français et marocain. S'ils semblent, sur scène, aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau, c'est le résultat de beaucoup de travail. La deuxième nuit du Rire a tenu toutes ses promesses. Il faut dire que l'affiche était de qualité. Top Event Production a, en effet, réuni samedi dernier au Studio des Arts vivants à Casablanca trois stars montantes de l'humour français et marocain. Il s'agit de Samia Orosomane, Wary Nichen et Jalil Tijani. Des artistes qui maîtrisent bien leur sujet. Et cela n'est pas le fruit du hasard. De fait, pour atteindre ce niveau c'est le résultat d'années de travail. Et dont les récompenses sont, selon ces artistes, les applaudissements et les rires qui fusent en continu dans la salle. La première à se jeter dans l'arène a été Samia Orosemane qui est loin d'être inconnue du public. Sa vidéo qui conseille à ces «cinglés d'islamistes» de «choisir une autre religion», publiée au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, en janvier 2015, a fait un méga buzz. En quelques minutes, Samia s'est subitement retrouvée propulsée sous les feux de la rampe. La consécration pour cette Franco-tunisienne qui rêve depuis l'âge de 12 ans de faire du théâtre. Après des études au Conservatoire de Paris, elle enchaîne les petits boulots car les propositions ne pleuvent pas. Elle pense que c'est dû au foulard qu'elle a décidé de porter à l'âge de 21 ans. «À ce moment-là, je me suis dit que c'était fini artistiquement. Puis un jour, j'ai réalisé que les barrières étaient dans ma tête et que je devais tout faire pour remonter sur scène». C'est ainsi qu'elle monte son spectacle «Femmes de couleurs» qui prône le vivre-ensemble et le respect au droit à la différence. Avec son turban, son col roulé et son boubou, elle représente la France de la diversité. «J'essaie de changer les mentalités», dit-elle sans toutefois vouloir être le porte-drapeau d'une cause quelconque. Porte-drapeau Wary Nichen ne veut pas l'être non plus. «Je suis un artiste. C'est tellement difficile de trouver une vanne qui fasse rire, qui soit percutante alors si tu dois t'inquiéter du message, t'en sors plus», déclare-t-il. Après un début de carrière assez prometteur dans les télécoms, ce natif d'Oran claque tout en 2011 et s'installe à Montréal où il se lance dans le stand-up. Il enchaîne les scènes et les concours artistiques et commence à se faire un nom dans le milieu. Enfin, après un passage à Londres, il débarque à Paris et monte son premier vrai spectacle Diwan Man Show, où il s'amuse avec le public, l'interpelle comme les comiques américains. Il joue aussi du guembri («contrebasse souffrant de malnutrition», dit-il), tout en parlant de son identité, de ses états d'âme. C'est certain, pour faire rire aujourd'hui, il ne suffit plus de raconter des histoires, mais plutôt de raconter sa vie. Ou celle des autres, comme le fait parfaitement Jalil Tijani, qui cartonne depuis plusieurs mois avec sa galerie de personnages. Au gré des sketches écrits pratiquement à la virgule et au détail près, il scanne comme un sociologue la société marocaine dans toute sa complexité, avec ses beaux côtés et ses névroses. Entre fiction et réalité, mais toujours sans vulgarité et sans méchanceté. Son style est soigné et selon la situation, il s'exprime en français ou en darija. Son inspiration semble inépuisable. «C'est vrai, le Maroc est l'Eldorado pour les humoristes. Les sujets ne manquent pas», déclare celui qui se dit passionné par le Maroc. Après l'Ecole du jeu à Paris, où il a appris les ficelles du métier de comédien, il aurait pu essayer d'y faire carrière. Mais il choisit de rentrer «au bled». Travailleur acharné, il a plein de projets dans la tête. Ses maîtres à penser que sont Molière ou Bergson, qu'il cite souvent, le guident sur les chemins de la gloire.