Les Inspirations ECO a posé 4 questions à l'économiste Mohammed Benmoussa pour décrypter la loi de Finances 2017. Il répond aujourd'hui à la première question. Quel est l'impact du projet de loi de finances 2017 sur les banques et les marchés financiers et quels sont les non-dits ? L'impact sera quasiment nul. Aucune mesure concrète n'est prévue pour relancer le crédit bancaire ou pour dynamiser l'activité de la Bourse de Casablanca. Rien de significatif n'est prévu pour 2017 même s'il y a eu quelques décisions utiles qui ont été prises en 2016, comme la promulgation d'une nouvelle loi sur les organismes de placements collectifs immobiliers, la mise en place d'un fonds de garantie pour le secteur du tourisme, la démutualisation de la Bourse de Casablanca et l'ouverture de son capital aux banques et compagnies d'assurances, à la CDG et à CFC, la poursuite de la réduction du taux directeur de la Banque centrale... Mais tout ceci a été notoirement insuffisant pour relancer la machine économique. Il faut aussi garder à l'esprit que la politique générale et la politique économique plus précisément du gouvernement El Othmani s'inscrit dans la parfaite continuité du gouvernement précédent. Il est d'ailleurs assez révélateur de remarquer que le ministère de l'Economie et des finances reste dirigé par la même personne et que le projet de loi de finances 2017 n'a subi aucune modification après la constitution du nouveau gouvernement. Pourtant beaucoup de choses doivent changer en matière bancaire et boursière, si l'on veut assurer aux entreprises marocaines les financements nécessaires à leur croissance pour booster les embauches. Si le gouvernement persiste à nier les réalités telles qu'elles sont, nos entreprises iront au devant de difficultés encore plus grandes. Quel est le constat actuel ? Une mortalité effrayante des TPE & PME (plus de 7.000 en 2016), une montée et une concentration des risques bancaires, une situation bancaire oligopolistique qui entrave la libre concurrence, une faible transparence dans la facturation des taux d'intérêts débiteurs et des commissions, un crédit bancaire atone, des banques frileuses qui réorientent leurs emplois vers les placements en bons du Trésor au détriment du financement des agents économiques, un top management bancaire déphasé par rapport aux enjeux actuels et à venir de l'économie nationale, une politique monétaire excessivement conservatrice qui maintient le taux directeur à un niveau encore élevé, sanctifie les marges bancaires et s'interdit toute mesure non conventionnelle, une confusion entre le concept d'indépendance opérationnelle de la Banque centrale et le nécessaire contrôle politico-parlementaire des décisions de politique monétaire, une application à marche forcée et sans discernement des règles prudentielles de Bâle III qui sont totalement inadaptées aux spécificités du tissu économique et industriel marocain, un financement de l'économie exclusivement «intermédié», via le système bancaire, une toute petite Bourse de Casablanca qui parle beaucoup, agit peu et ne convainc personne, ... Quelle est la bonne politique économique face à cette situation ? Prendre assez rapidement un ensemble de décisions pertinentes : favoriser l'implantation de banques étrangères au Maroc, notamment anglo-saxonnes et asiatiques, sans condition d'actionnariat marocain, créer une Banque publique d'investissement (BPI) conjointement détenue par l'Etat et la CDG, avec une doctrine d'intervention basée sur les 3 lignes de métiers que sont le financement bancaire, la garantie et l'investissement en fonds propres, rendre obligatoire la rémunération des dépôts à vue et en garantir l'application sans aucun plancher ni aucune limitation de solde, décider d'un moratoire pour l'application de Bâle III, refonder les normes comptables sur des principes qui ne se résument pas à la référence à la valeur instantanée de marché et tempérer l'application des normes IFRS basées sur le concept de «fair value» dans la détermination des fonds propres réglementaires, refonder la politique monétaire en établissant des règles de transparence politique, économique, procédurale et opérationnelle, élargir la mission de la Banque centrale à la stabilité économique, au soutien à la croissance et à la sauvegarde de l'emploi, moderniser le fonctionnement du Conseil de Bank Al-Maghrib et renforcer la coordination entre les politiques monétaire et budgétaire, améliorer la transparence des régulateurs du marché financier en renforçant l'information du Parlement sur leur action et en clarifiant, par l'élaboration et la publication de règlements intérieurs, leurs règles et modalités de fonctionnement, renforcer les sanctions financières et pénales en matière de délits boursiers et constituer un corps de juges spécialisés en matière de droit boursier, introduire dans la loi bancaire et le code des assurances une obligation de cotation à la Bourse de Casablanca pour toutes les banques et compagnies d'assurances agréées au Maroc et accorder aux établissements, concernés par cette disposition, un délai d'un an pour une mise en conformité, sous peine de retrait de l'agrément bancaire ou d'assurance... Vous voyez bien que beaucoup de choses restent à faire et personne ne doit se satisfaire de la résignation ambiante constatée au niveau du secteur bancaire et du marché financier. Mohammed Benmoussa Economiste