Quand le luxe rencontre le Street Art, le mariage est parfait. Il est même bluffant. C'est ce que propose la boutique Bvlgari à Casablanca en permettant à trois gaffeurs de s'exprimer librement dans un écrin de luxe. Quand la joaillerie fête la Art Week, elle le fête avec goût. La première édition de la Art Week de Casablanca a permis des rencontres qu'on pense improbables. La sobriété du luxe avec la belle débauche du Street Art se marient parfaitement et Bvlgari Casablanca vient de le prouver, mercredi 5 avril. Dans son espace sur la rue Ain Harrouda, les couleurs et la vie se sont emparés des murs de la joallerie pour en faire un écrin de beauté. Une idée de Soumaya Kanouni, directrice associée chez Bvlgari qui a décidé d'accueillir Abid, Senzo, et Majid El Bahar, 3 street artistes marocains actifs depuis plus de 15 ans ayant peint à Paris, à San Francisco, à Londres et à Dubaï. Chacun de ces 3 artistes à une approche bien particulière, ce qui a permis de donner un éventail de styles riches et surprenant. «J'ai voulu accueillir les graffeurs, leur offrir un écran de luxe pour montrer aux gens que ça match très bien avec le monde de la joaillerie», confie Soumaya Kanouni qui, sitôt la boutique fermée à 19h30, offrait son espace aux artistes qui travaillaient toute la nuit pour ouvrir la boutique aux clients dès le lendemain matin. Un rituel qui a duré 12 jours. «À19h30, lorsqu'on ferme, c'est échafaudage, bâches, bombes, masques jusqu'au matin. La nuit, les artistes travaillent, le jour, l'équipe Bvlgari reprend possession de la boutique», continue la maîtresse des lieux, passionnée par l'art de rue et émerveillée par le travail accompli. Et pour cause, les fresques murales sont à couper le souffle. Avec beaucoup de liberté tout en s'inspirant de l'ADN de la marque et de son Serpenti ou encore des collections Moza, Cocktail, Intarsio, les trois artistes se sont appropriés les lieux avec chacun sa touche personnelle. Senzo avec bombes, aérosols, acrylique, marqueurs, pochoirs s'imprègne de sa fascination pour le nuage qu'il qualifie d'élément naturel symbolique et onirique. Il développe actuellement une série qui s'intitule «Géo-Cumulonimbus» autour des textures abstraites, des dynamiques géométriques en mêlant cet élément naturel pour un rendu oscillant entre l'abstrait, l'onirisme et le graphisme moderne. Celui qui rencontre l'art dans un contexte douloureux dans un centre hospitalier très jeune, le graffeur marocain qui vit dans le Sud de la France se réfugie dans le dessin qui devient vite son échappatoire. Réintégré à l'école il excelle dans le dessin et se fait même payer en gâteaux par ses camarades pour leur faire leurs devoirs de dessin. Contraint de changer de nom pour éviter des démêlés avec la justice, il monte le collectif «One Salam» et se spécialise dans le portrait. Il sillonne l'Europe grâce à son art. Il peint son premier graffiti au Maroc en 2004 et décide de s'y installer en 2010. Quant à Majid El Bahar avec ses bombes, aérosols, acrylique, vernis, pochoirs, aérographes, il choisit le contestataire avec une série baptisée «Fucklorism» en s'inspirant de patterns à la fois avant-gardistes et traditionalistes pratiquant des inserts figuratifs en conservant la dynamique et l'énergie du Street Art. Pour lui il n'y a pas besoin de faire du folkore pour faire de l'art marocain. Le folkore est une identité et l'être humain est en constante mouvance. Il ne peut être réduit qu'à son identité. D'où «Fucklorism». Majid El Bahar est le pionnier du Street Art de la région de Beni Mellal. À 8 ans, il volait le maquillage de son entourage pour peindre les murs. Il commence plus tard à peindre les murs de sa ville avec des portraits de Ray Charles et Jimi Hendrix. En parallèle à une carrière de basketteur, Majid El Bahar continue de perfectionner sa passion jusqu'à ce qu'une blessure mette fin à sa carrière sportive et marque le début de sa carrière artistique. Il enchaîne avec les Rempars d'Azemmour, «La Nuit des galeries» de Béni Mellal ou encore à Jidar à Rabat. Du haut de sa «Renaissance», Abid choisit le retour aux sources en rendant hommage aux traditions. Sa dernière série «Berberism 2.0» est une rencontre entre l'univers berbère traditionnel et le futurisme numérique et l'allégorie du temps. Il commence à dessiner en défiant l'autorité à faire des caricatures de ses professeurs à l'école. Il puise son inspiration des trains qu'il voit tous les matins sortir de la gare face à chez lui, des trains vandalisés par les graffeurs de son quartier. Culture Hip Hop, skate et sport de combat, le graffiti est tout naturel chez Abid qui devient son mode de vie à part entière. Trois artistes qui ont su vulgariser de façon sophistiquée le luxe sans le dénaturer, qui ont su capter la beauté et le charisme des bijoux pour en faire de la magie et du féerique. Une initiative que compte bien renouveler Soumaya Kanouni l'année prochaine mais en dehors de la boutique cette fois-ci. Affaire à suivre.