Officiellement lancé en décembre 2016, le projet de Gazoduc Africain Atlantique permettra l'acheminement du gaz des pays producteurs, comme le Nigéria, vers l'Europe en faisant bénéficier toute l'Afrique de l'Ouest de cette dynamique. La stabilité politique du Maroc et son expertise en matière de gestion et de financement de ce type de projet ont été déterminante dans l'adhésion de plusieurs pays. Le projet de gazoduc Maroc-Nigeria est sans doute l'un des plus grands coups de maître de la diplomatie économique marocaine durant ces dernières années. Le royaume est parvenu, non seulement à gagner un nouvel allié - traditionnellement proche de l'Algérie et des mouvements séparatistes - mais aussi à damer le pion à l'Algérie qui ambitionne depuis 2002 de concrétiser un tel projet. Discuté entre le roi Mohammed VI et le président nigérian Muhammadu Buhari en marge de la COP22, le projet a été officiellement lancé en décembre 2016 suite à la visite royale au Nigéria. Le chantier en est encore à ses débuts. Difficile de déterminer à ce stade les modalités d'exécution de ce projet ni de connaître l'ensemble des parties prenantes. Tout au plus sait-on que le projet de Gazoduc Africain Atlantique permettra l'acheminement du gaz des pays producteurs, comme le Nigéria, vers l'Europe en faisant bénéficier toute l'Afrique de l'Ouest de cette dynamique. Les fonds souverains des deux pays procéderont incessamment au lancement des premières études pour déterminer le coût et le montage financier de ce grand projet. Le Maroc aurait toutefois déjà recueilli l'engagement de plusieurs pays africains dont le Sénégal, la Côte d'Ivoire ou encore la Guinée. Il faut dire qu'auprès de plusieurs pays africains, l'on croit de moins en moins au projet de pipeline transsaharien lancé en 2002 par l'Algérie. Celui-ci devait relier sur 4.000 km le Nigeria à l'Algérie via le Niger, mais il n'a jamais vu le jour en raison notamment des risques sécuritaires sur le tracé. Le Nigéria est l'un des grands producteurs de gaz sur le plan continental. Ses réserves prouvées de gaz naturel sont estimées à 5.100 milliards de m3 fin 2014 (180,1 trillions US de pieds cubes), soit 132 années de production au rythme de 2014. Ces réserves classaient le Nigeria au 9e rang mondial avec 2,7% du total mondial. En 2014, le Nigéria a produit 38,6 milliards de m3 de gaz naturel, soit 34,7 Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole), en hausse de 6,6 % en 2014 et de 58% depuis 2004. Il se classe au 22e rang mondial avec 1,1% de la production mondiale. Face à une Algérie gangrénée par des problèmes socio-politiques internes, le Maroc présente un îlot de stabilité gage de confiance tant pour les différents pays africains partenaires de ce projet que pour les bailleurs de fonds étrangers qui seront certainement partie prenante du financement de ce projet. A travers ses partenariats avec l'Europe et plusieurs pays développés, le Maroc a fait montre d'une grande maîtrise dans la gestion des dossiers de financement de ce type de projets. Il a également une grande expertise dans la réalisation de projets d'infrastructure tant au Maroc que dans plusieurs pays d'Afrique. Le royaume a aussi de l'expérience en Afrique à travers une forte présence sur le continent des secteurs privés comme publics marocains et ce, depuis au moins une vingtaine d'années. En somme, le royaume garantit le financement et l'adhésion des pays de l'Afrique de l'Ouest, loin des foyers de tension. Le Maroc met également en avant l'application du win-win pour l'ensemble des pays concernés. Autant d'arguments qui ont dû peser lourd dans la balance décisionnelle nigériane. Il reste que le cas de la Mauritanie inquiète toujours certains observateurs. La réussite technique d'une telle entreprise serait particulièrement liée à l'adhésion du voisin du sud dont la position géographique le rend incontournable dans le tracé du gazoduc. La récente tension entre le Maroc et la Mauritanie suite aux déclarations du secrétaire général du parti de l'Istiqlal ont fait peser quelques doutes sur la question. Le chef du gouvernement a dû se déplacer en urgence à Nouakchott pour présenter des excuses officielles aux dirigeants mauritaniens. Surtout qu'à la veille du sommet de l'Union Africaine qui devait porter sur le retour du Maroc à l'Organisation panafricaine, le vote positif de la Mauritanie était symboliquement important. Selon toute vraisemblance, la Mauritanie fait partie des 39 pays ayant fourni une réponse écrite positive à la Commission concernant le retour du Maroc, sans pour autant prendre parole pour défendre ce retour en séance plénière. Il reste maintenant à disposer d'un engagement de la part de Nouakchott concernant le projet de gazoduc. Le spectre du gazoduc Maroc-Algérie L'Afrique est déjà reliée à l'Europe via deux gazoducs qui démarrent en Algérie (région de Hassi R'mel), au centre du pays. L'un part vers le Maroc par l'Oriental, Fès puis Tanger avant de relier l'Europe via la côte sud de l'Espagne. L'autre part vers l'est de l'Algérie pour traverser la Tunisie et atteindre la Sicile, en Italie. Certains observateurs n'ont pas manqué de faire le lien entre la fin du contrat liant l'Algérie et le Maroc arrivant à échéance en novembre 2021 et ce nouveau projet de gazoduc qui viendrait se positionner comme une alternative pour l'approvisionnement du Maroc. En effet, en contrepartie d'un droit de passage par son territoire, le Maroc obtient des redevances en nature du gaz algérien. L'option d'une non-reconduction de ce contrat se traduirait par un manque à gagner de près de 750 millions de m3 de gaz par an pour le Maroc.