APPORTS DE LA NOUVELLE LOI RELATIVE A L'EAU Dans le prolongement de sa stratégie de développement durable à l'aune de la COP 22, le Maroc a choisi le dessalement d'eau de mer comme une des solutions pour parer au déficit en eau dans certaines régions. Cette technologie, né́cessitant un approvisionnement en é́nergie consé́quent, est amené́e à être dé́veloppée en couplage avec des é́nergies vertes telle l'éolien. Après l'exploitation par l'Office National de l'Eau Potable (ONEP) d'une dizaine de petites stations, le pays s'apprê̂te à lancer des travaux de réalisation de grandes infrastructures dans ce domaine, en é́troite collaboration avec les institutions du Royaume ainsi que de certains ministè̀res tels que le ministè̀re de l'Agriculture et de la pê̂che maritime lorsque les projets de dessalement sont destinés à l'irrigation. L'é́volution récente de la législation notamment la loi n° 36-15 relative à̀ l'eau du 25 août 2016, qui inclut une section relative au dessalement des eaux de mer vise à̀ accompagner ces grands projets aux enjeux stratégiques pour le Maroc. Le cabinet DLA Piper Casablanca vous propose une analyse juridique des projets de dessalement au Maroc. Bien que la loi n° 10-95 relative à l'eau publiée en 1995 a permis de moderniser la gestion des ressources en eau, elle n'était plus adapté́e aux mutations qu'a connu le secteur de l'eau suite à l'é́volution économique et environnementale du Maroc. La loi n° 36-15 ré́forme sur les plans juridique et institutionnel la gestion de l'eau de sorte à̀ géné́raliser l'accès à l'eau potable, et faire face aux dé́fis auxquels sont confronté́s les autorités marocaines en matiè̀re d'acceès pour tous les citoyens à̀ l'eau potable. Ainsi, la gestion de l'eau se verra plus encadrée avec le maintien du Conseil Supé́rieur de l'Eau et du Climat qui a comme mission d'orienter la politique hydraulique. Ledit Conseil est accompagné́ d'un nouveau Conseil du bassin hydraulique (dont les attributions sont fixées dans la nouvelle loi) ainsi que neuf agences des bassins hydrauliques qui protè́geront pour leur part les ressources en eau. La loi n° 36-15 vient également combler plusieurs carences juridiques, relatives à la gestion de l'eau et à̀ sa protection, mais aussi au dé́veloppement des nouvelles techniques de façon à mettre en place un cadre ré́glementaire «exhaustif et clair». S'agissant plus particuliè̀rement du dessalement des eaux de mer, les principales innovations du législateur sont les suivantes : ■ Toute personne physique ou morale peut procéder à la satisfaction de ses propres besoins en eau ou celles d'autres usagers. ■ Droit de dessalement des eaux de mer conféfé à toute personne physique ou morale de droit privé par un contrat de concession et un cahier des charges. Les modalités d'établissement et d'approbation du contrat seront traitées par voie réglementaire; ■ Le dessalement des eaux de mer réalisé par des personnes physiques ou morales de droit privé pour la satisfaction de leur propres besoins peut être soumis au régime de l'autorisation qui sera fixé par voie réglementaire; ■ Le contrat de concession précise notamment l'objet, les biens objets de rachat ou de retour en fin de concession, la durée de la concession qui ne peut excéder 30 ans renouvelables, la nature des ouvrages et des installations, et les délais et les conditions de leur exécution, les conditions d'exploitation de la concession, les charges et obligations particulières du concessionnaire, le régime financier de la concession (rémunération du concessionnaire), les conditions de retour des ouvrages en fin de concession, et les clauses relatives aux pénalités applicables en cas de manquement aux obligations contractuelles; ■ Caducité de l'autorisation ou du contrat de concession du dessalement des eaux de mer en cas de non réalisation des ouvrages et équipements annexes dans un délai de quatre ans (possibilité d'octroi par l'administration d'un délai supplémentaire de deux ans maximum) et possibilité de cession et de transfert de la concession sous accord préalable de l'administration. Structuration juridique des projets de dessalement D'une manière simplifiée, l'une des structurations juridiques possibles d'un projet de dessalement pourrait être la suivante (voir schéma) : aprè̀s avoir choisi les investisseurs, le projet de dessalement pourrait être dé́veloppé dans le cadre d'un financement de projet sur la base d'un contrat de partenariat public-privé́ qui pourrait prendre la forme d'un BOT (Built Operate and Transfer) ou BOOT (Build, Own, Operate and Transfer) entre l'État marocain et le sponsor, via une Socié́té de Projet (SPV), qui serait créé́é pour porter le Projet. Le choix de la forme du contrat (BOT ou BOOT) sera dé́termineé avec l'État. Cela étant, jusqu'à très ré́cemment, nous avons noté́ que les projets de grande ampleur é́taient financés au Maroc sous un sché́ma BOT. Dans la mesure où̀ le site du projet appartient souvent au domaine public de l'État, un droit de jouissance pré́caire (plutôt qu'un droit réel) est octroyé́ sur le site au bénéfice de la socié́té de projet. Ainsi, aucune hypothè̀que au profit des prê̂teurs ne pouvait être constituée. Le domaine public étant inalié́nable, le site ne peut être transfé́ré à une autre entité pour une durée indé́terminée. Pour accroître la bancabilité de ces projets, un autre schéma de financement de projet a é́té́ adopté. Ainsi suivant un schéma BOOT, l'État marocain peut reclasser les zones concernées du domaine public au domaine privé́ de l'État et octroie un droit de superficie (droit ré́el) à une entité privée, susceptible d'ê̂tre grevé́ d'hypothè̀ques au profit de ses prêteurs. Modes de partenariats applicables à un projet de dessalement Le Maroc dispose d'une longue tradition de partenariat avec les opérateurs privés que l'on pourrait qualifier de «ad hoc» puisqu'ils ont été développés en dehors d'un cadre juridique spécifique sur les PPP. Ces partenariats ont souvent été conclus sur la base de lois sectorielles (énergie, transports, construction et gestion des ports, etc.) ou sur la règlementation relative à la délégation de services publics. LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ «AD HOC» Les partenariats fondé́s sur des lois sectorielles Mê̂me si le Maroc dispose d'une longue tradition de partenariat «ad hoc», nous pensons que les lois sectorielles sur lesquelles ils reposent ne sont pas suffisamment adapté́es à la nature globale d'un projet de dessalement des eaux de mer du fait qu'elles ne s'appliquent souvent qu'à̀ un secteur particulier, et que les projets de dessalement ont par nature une vocation multisectorielle (eau, agriculture, énergie). Cette pluralité́ de secteurs pouvait compliquer le dé́veloppement d'un projet du fait d'un possible conflit de lois que pourrait soulever l'application des textes. Les partenariats fondé́s sur une dé́légation de services publics Une seconde option pourrait ê̂tre de recourir au régime de la dé́légation de services publics, dont la concession constitue l'archétype, et qui consiste à transfé́rer à un opérateur privé la réalisation et/ou l'exploitation d'une infrastructure publique en vue de rendre un service public aux usagers, le dé́lé́gataire supportant alors les risques de l'exploitation et tirant l'essentiel de ses ressources des usagers. Cela é́tant, la loi n° 54-05 promulguée par le Dahir n° 1-06-15 du 15 moharrem 1427 relative à̀ la gestion dé́léguée des services publics ne s'applique qu'aux contrats passé́s par les collectivités locales ou leurs groupements et par les é́tablissements publics. L'État et les entreprises publiques en sont exclus. LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ INSTITUES PAR LA LOI PPP La Loi n° 86-12 relative au partenariat public privé́ du 5 février 2015 (La "Loi PPP") définit le contrat de partenariat public-privé́ comme «un contrat de duré́e déterminée, par lequel une personne publique confie à un partenaire privé́ la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de financement de tout ou partie, de construction ou de réhabilitation, de maintenance et/ou d'exploitation d'un ouvrage ou infrastructure ou de prestation de services né́cessaires à̀ la fourniture d'un service public». Ce type de partenariat peut être conclu par l'État, les établissements publics de l'État et les entreprises publiques. Les contrats de partenariats public-privé́ institués par la Loi PPP permettent donc de pouvoir conclure des contrats globaux dans le cadre desquels l'État confierait au partenaire privé́ le dé́veloppement, le financement, la construction, l'exploitation et la maintenance d'une infrastructure né́cessaire à la fourniture d'un service public en contrepartie d'une ré́muneération dont les modalités de détermination restent assez souples puisque contrairement à̀ la délégation de services publics, le contrat soumis à̀ la loi PPP permet de convenir d'une ré́muné́ration supportée par l'autorité́ publique et non par les usagers uniquement. Les dispositions de la Loi PPP relatives aux conditions de ré́munération du partenaire privé́ prévoient en effet que cette ré́munération peut être effectuée (i) en totalité ou en partie par la personne publique et/ou (ii) en partie par les usagers et/ou (iii) par les recettes dé́coulant de l'exploitation des ouvrages, biens et é́quipements relevant du projet. En contrepartie, les conditions de ré́munération doivent pré́voir la disponibilité du service et le respect des objectifs de performance. Par ailleurs, le contrat de partenariat soumis à la Loi PPP, de par son caractè̀re général et global, peut couvrir des projets multisectoriels. Sarah Péuch Collaboratrice Sénior, DLA PIPeR-Casablanca