Oui, je n'ai pas peur de le crier, haut et fort, du haut de cette tribune, pour que ce soit entendu partout, ici et ailleurs, des sphères les plus élevées aux gradins les plus dégradés. Hooliganisme ! Quel joli mot pour un si vilain défaut. Défaut ? Pas du tout ! En tout cas, pas chez nous ! Ah, qu'est ce que j'aurais aimé être, moi aussi, un hooligan. Un vrai. Mais, pas comme ces petits garnements qui gueulent avec rage comme des régiments ou ces grands voyous qui saccagent tout sur leur passage. Non, je voudrais être un hooligan du genre plutôt sympa, supporter fougueux mais pas coléreux, citoyen mais pas chauvin, patriote, mais pas... maskhoute. En un mot comme en un million, j'aurais voulu être comme ce jeune garçon, fassi nous dit-on, (alors qu'à mon avis, personne n'a vérifié son pédigrée), le dénommé Brahim Khattab. C'est lui qui, le jour du fameux et triste match contre le Cameroun, voyant nos soit disant lions gémir au lieu de rugir, a surgi de nulle part, bravé les forces dites de l'ordre, les unités dites de sécurité, et tout le personnel encadrant qui était sur la touche en train de pleurnicher, s'est emparé du ballon qui s'ennuyait faute de vrais coups de pieds et, devant des dizaines de milliers de spectateurs ébahis mais heureux, est allé tirer et marquer un très joli but dans les filets encore vierges du goal camerounais qui somnolait allègrement. Magnifique ! Historique ! Anthologique ! Oui, c'est comme ce hooligan que je voudrais être. Et je suis sûr que je ne suis pas le seul à avoir rêvé d'être à sa place, même si, en ce qui me concerne, je suis tellement peu adroit que j'aurais peut-être envoyé le ballon tout droit dans les bras ballants du gardien. À ce propos, j'aimerais profiter de cette occasion pour saluer le courage impertinent et l'audace inconsciente de notre jeune et sympathique ministre des sports en général et du foot malgré lui, lui qui a osé, sûrement sans réfléchir, déclarer sans peur, sans crainte et sans blêmir, que le geste de Brahim lui a «refroidi sa rage», c'est-à-dire – comment je vais traduire ça ? - a calmé sa colère ou, si vous préférez, a apaisé son courroux. Bravo, monsieur le Ministre, mais attention, ne vous faites pas trop d'illusions : je ne serais pas toujours aussi gentil avec vous. Maintenant, me connaissant, vous pensez bien que je n'ai pas fait toute cette tirade pour vanter les mérites du jeune Khattab, et faire guiliguili au presque aussi jeune Belkhayat. Le but final et stratégique de mon propos, c'est de vous donner, à vous ou à d'autres, l'envie soudaine ou réfléchie, de devenir un bon hooligan, autrement dit, d'intervenir, sur le terrain, à chaque fois que ceux qui sont chargés de faire un boulot, ne le font pas, soit parce qu'ils ne veulent pas, soit parce qu'ils n'en sont pas capables. Imaginez avec moi : vous voyez, par exemple, que notre ministre de la Santé se contente de nous donner chaque jour des statistiques tragiques sur l'évolution de cette satanée grippe cochonne, au lieu de nous donner les moyens de nous en préserver ; alors vous foncez à son bureau, vous prenez tous les cartons de vaccins qui roupillent dans son armoire, et vous allez les distribuer sur la place publique. Ça, c'est du bon hooliganisme ! Alors, si ça vous dit...