On imagine quelle beauté serait celle d'une scène qui réunirait des artistes français, subsahariens et marocains. Mais on n'en est pas très loin, grâce au festival Migrant'scène-Rabat, prévu du 31 octobre au 5 novembre. Organisé par le GADEM (Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants), en partenariat avec Dabateatr, cet événement se distingue par sa vocation humaine visant à favoriser la rencontre entre populations marocaines et étrangères. «C'est une occasion d'échange et de réflexion autour des questions liées aux migrations, à l'interculturalité et sur la situation spécifique du Maroc en tant que pays de départ, de transit et de destination», souligne-t-on au sein du GADEM. C'est la salle Gérard Philippe de l'Institut français de Rabat, déjà témoin de la réussite de l'expérience Dabateatr citoyen, qui abritera les différentes activités programmées tout au long du festival. Musique, lecture de pièces de théâtre, cinéma et théâtre font l'ossature de la programmation concoctée par les organisateurs. C'est d'ailleurs un spectacle de musique qui ouvrira le bal de Migrant'scène. Composé de jeunes musiciens du Maroc, du Sénégal et de Madagascar, le groupe Tal'Fine se produira lundi prochain, prouvant que la musique est avant tout un langage universel. D'ailleurs, ce mélange de cultures et origines est devenu aujourd'hui la signature particulière de ce groupe influencé par le reggae, la soul et le jazz. Le lendemain, les festivaliers auront rendez-vous avec la lecture de la pièce de théâtre «Bamako-Paris» de Ian Souliane. Un texte émouvant qui sera lu par les acteurs de Dabateatr et de Migrant'scène. Vive l'interculturalité ! Jaouad Essounani, considéré aujourd'hui comme un des meilleurs metteurs en scène marocains, participe au festival, via la pièce de théâtre «Wazoo». Mise en scène avec Salima Moumni, cette pièce aborde le thème des migrations et des réfugiés. Interprétée par le danseur congolais Sosthène Fidissa, «Wazoo» allie théâtre et danse. Côté cinéma, le documentaire «Larmes et alarmes» de l'association Espace Niger Citoyen sera projeté jeudi 3 novembre en présence de ses réalisateurs Abba Arimi et Abba Kiari. Tourné à la frontière entre la Mauritanie et le Mali, ce documentaire traite de la question des frontières en tant que barrières. Les deux réalisateurs ont fait en effet un zoom sur la ville de Nioro du Sahel, située à la frontière entre les deux pays et qui est considérée comme un lieu de refoulements de personnes ayant fait le choix de quitter leur pays d'origine. Un débat aura lieu juste après la projection du film pour traiter des sujets abordés. Les deux derniers jours du festival (vendredi et samedi), seront marqués par la représentation du produit phare de la semaine Dabateatr Citoyen, L'khbar F'lmasrah (les informations au théâtre). Ce concept, qui consiste en une dramaturgie et une mise en scène des informations du mois écoulé, se concentrera cette fois-ci sur les migrations. Afin de rester fidèle à la thématique du festival, les membres de Dabatetar ont fait appel à des bénévoles pour le travail d'écriture. Il s'agit, entre autres, des membres du partenaire du festival, le GADEM et des migrants. En présentant une programmation éclectique, Migrant'scène – Rabat, qui fête son deuxième anniversaire, compte apporter un nouveau regard sur une thématique épineuse. Sont-ils des délinquants ? C'est en 2006 que le festival Migrant'Scène a vu le jour en France. Organisée par la CIMADE (association active avec les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés), cette manifestation a réussi au fil des années à créer le débat sur les migrations, en posant des questions et en transmettant des informations. Pour contrer les idées reçues, les organisateurs ont donc décidé de s'éloigner des stéréotypes. Ils préfèrent plutôt «interroger leurs propres représentations». La sixième édition prévue du 12 au 27 novembre s'inscrit d'ailleurs dans cette démarche. Paris, Dijon, Lille, Besançon... vibreront au rythme de la manifestation. Spectacles (Tata Milouda...), ciné-concert, projets artistiques, pièces de théâtre, projections cinématographiques... tourneront autour de quatre questions : le travail, l'identité, les flux migratoires et l'histoire. Dans le souci de s'éloigner des sentiers battus, le festival pose cette année la question qui hante les esprits : les migrants sont-ils des délinquants ?