Reine de la soul, du rock et du blues, elle a une voix qui transmet de l'émotion à chaque mot projeté, à chaque parole chantée. Elle a ce pouvoir de donner du sens aux mots, tout en ayant du coffre et un organe impressionnant. Beth Hart a donné, le 15 decembre à Casablanca, une leçon de musique dans le cadre des Casa Live Sessions, en marge du Jazzablanca. Coulisses d'un concert débordant d'humanité. Dès son entrée, elle invite tout le monde à se lever. Très vite, le public est séduit puisqu'elle est là où on ne l'attend pas : Beth Hart commence à chanter depuis la salle, au milieu de ses fans qui sont déjà sous le charme. Jeudi 15 décembre, au Megarama, le public savait déjà qu'il allait vivre un concert pas comme les autres. Après Ibrahim Maalouf et Al Di Meola, c'est au tour de la diva du rock-blues, qui chante la soul comme personne, de sublimer les Casa Live Sessions, proposées par Moulay Ahmed Alami en marge du festival Jazzablanca. Un rendez-vous qui permet à cette rencontre musicale qui aura lieu, cette année, du 8 au 16 avril, de durer toute l'année. Une diva au grand cœur Quand on rencontre Beth Hart, on s'imagine tomber sur une rockeuse, bête de scène, qui ne mâche pas ses mots et qui peut même se permettre d'être désagréable. Et bien pas du tout. Beth Hart est une belle âme dotée d'une énergie incroyable qui dérangerait presque par sa simplicité et sa profonde gentillesse. Elle parle de ses problèmes, de sa maison, de son mari, de sa vie tout simplement avec une facilité déconcertante. Et pour cause, elle avoue se sentir chez elle, au Maroc. «Je ne sais pas ce qui se passe ici, mais dès que j'ai posé les pieds dans votre pays, je n'arrête pas de sourire. Je m'y sens bien, je suis heureuse ! Il y a une énergie particulière, elle fait tellement de bien. Je suis vraiment reconnaissante. À chaque pays sa particularité, ses gens, son esprit. Mais le Maroc est particulier. Je n'ai vraiment pas envie de partir !», confie la chanteuse qui a profité de son concert au Maroc pour rester quelques jours de plus, profiter du pays. En s'imprégnant de l'énergie, elle arrive à mettre son public dans la poche, en lui proposant un concert qui lui colle à la peau. Et cela s'est vu, ressenti et entendu ce soir, là au Megarama. Jonglant entre blues, standard de soul et chansons plus pêchues et plus rock, elle brouille les pistes et propose des moments de grâce avec des chansons piano voix, tantôt à la guitare, assise, debout. «Je me prépare différemment, selon l'endroit où je joue, les gens, l'énergie encore une fois. Je prépare ma set list quelques heures avant de monter sur scène», confie la chanteuse qui donne une place importante à l'improvisation. «Quand on joue beaucoup et que tout est préparé, cela devient ennuyant. Le fait d'improviser transforme le concert en une expérience nouvelle à chaque fois. Il est important d'être aussi humble que possible. D'être à l'écoute du public. On joue beaucoup de chansons, souvent les mêmes qui reviennent, mais on doit être ouvert à d'autres possibilités et surtout proposer les mêmes chansons, mais de façon différente à chaque fois. C'est un devoir envers ce public fidèle qui me suit depuis des années». Un public composé de jeunes et moins jeunes, qui a su lui rendre toute cette belle générosité qui la caractérise. Des chansons en or Ce qui caractérise Beth Hart, c'est sa maîtrise de la scène certes, cette belle humanité, mais surtout des chansons qui marquent. Multi instrumentaliste puisqu'elle maîtrise à la fois la guitare et le piano, elle est auteure-compositrice en plus d'être une interprète incroyable, toujours au service de ses textes. «Le fait d'être triste ou mal quand on écrit une chanson vient sûrement du fait que j'ai commencé à faire de la musique pour panser mes blessures. J'ai commencé le piano, jeune, pour oublier que mes parents se séparaient. Mon père avait beaucoup de soucis, accro au jeu, il est allé en prison. Je cherchais Dieu quelque part, dans la musique, je voulais trouver une voie qui me permettait de me rassurer sur le fait que les choses allaient s'améliorer. Je cherchais des réponses à mes questions, j'étais à la recherche du confort», confie la chanteuse qui nous a fait voyager avec des titres comme «Skin», «Your heart is as black as night», «Baddest blues», «Love is a lie», «Live the light on», «Broke and ugly», «Saint Theresa», avant de laisser le public repartir le baume au cœur avec «No place like home». Aujourd'hui, avec les années, la sagesse, elle veut s'essayer à un autre exercice : écrire lorsqu'elle est heureuse ! «Avec la maturité, je cherche vraiment à écrire de façon différente, c'est un challenge pour moi aujourd'hui d'écrire quand je suis heureuse ou sereine. Quand je suis heureuse, je cuisine pour mon mari, je suis avec mes amis, je profite de mon jardin mais quand je me sens mal, je vais vers le piano presque machinalement. C'est pour ça que cette année, je cherche à essayer autre chose, explorer la voie du bonheur pour écrire !», confie celle qui a partagé la scène et les studios avec le bassiste virtuose, Joe Bonamassa ou encore la légende de la guitare rock et la star de Guns N' Roses : Slash ! Talent brut, elle écrit avec grande maîtrise sans se soucier de ce qui se passe dans le monde. Elle puise dans son être. Elle avoue d'ailleurs avoir écrit à deux ou trois reprises sur la guerre ou la violence, mais d'une autre façon. Dans «Today came home», Beth Hart raconte l'histoire d'un soldat qui revient de guerre et explore sa vie après l'horreur. «Mon processus d'écriture n'est pas forcément affecté par ce qui se passe dans le monde. Je ne pense pas. Je suis souvent plus réactive à ma peur de mourir, mes problèmes de couple, après une dispute avec mon père ou ma sœur. Je ne sais pas pourquoi je n'écris pas sur ça», avoue celle qui se considère comme une âme ancienne, qui a toujours été attirée par les anciennes chansons. Fan inconditionnel de Leonard Cohen et Tom Waits, elle considérait Amy Winnehouse comme un talent à part et admire le travail de Florence and the Machine. Passionnée et accroc au travail, elle est toujours à l'affût de nouvelles collaborations, nouvelles idées et elle est assoiffée de nouvelles rencontres. Une chose est sûre, cette belle âme du rock & blues n'a pas encore dit son dernier mot, et a beaucoup à apporter au monde de la musique encore. N'oubliez pas ce nom : Beth H(e)art.