Les financiers et les commerciaux ne sont plus les stars de l'entreprise. C'est ce qui ressort des résultats de l'enquête Diorh. Les fonctions plus techniques et industrielles leur ont ravi la vedette. C'est ainsi que le directeur d'achat prend du galon en bénéficiant de 13% d'évolution de salaire pour cette année, suivi par le directeur de production et le directeur d'usine. Cette montée en puissance de ces postes, Es-said Bellal l'explique par «le plan Emergence, qui a fort contribué au développement de l'industrie dans le royaume». S'agissant du salaire du directeur financier, il n'a évolué que de 8%. Le salaire du directeur commercial quant à lui a connu une légère évolution de 3%. Cependant, il reste l'un des mieux payés, avec un salaire annuel brut de 1.417.655 DH, suivi par le directeur supply chain 1.346.121 DH. Les autres responsables achat, financier, maintenance, sont pratiquement au même niveau de salaire (600.000 DH). La tendance se confirme aussi par fonction. Les meilleures évolutions de salaire sont le lot de la production, avec 9,51%, l'ingénierie 9,42% et la maintenance (8,93%). En revanche, les systèmes d'information, semblent perdre du terrain avec un modeste taux d'évolution de 6,89%. Pour les métiers de management, le responsable juridique tient le haut du pavé, avec un taux d'évolution record de son salaire de base de l'ordre de 229% sur la période 1998-2011. Cette tendance, le DG de Diorh l'explique par «l'ouverture de l'entreprise marocaine sur l'international, un positionnement qui l'oblige à avoir dans ses équipes des juristes bilingues, voire trilingues». Et d'ajouter : «la situation est également accentuée par l'implantation des cabinets internationaux». Parmi ceux dont le salaire de base a le mieux évolué figurent aussi les responsables de la trésorerie. C'est un résultat logique, explique Bellal. Vu le prolongement des délais de paiement avec tout ce qu'il implique au niveau de la trésorerie, cette fonction devient la bouée de sauvetage de l'entreprise. Es-said Bellal, Directeur général de Diorh. «L'augmentation de salaire de base n'est plus une source de motivation» Les Echos quotidien : 92% des entreprises sondées déclarent pratiquer l'individualisation de la rémunération. Est-ce qu'elles déploient des outils transparents d'évaluation de la performance ? Es-said Bellal : L'individualisation de l'augmentation est une tendance lourde, qu'on trouve dans toutes les entreprises. Dans notre enquête, 92% des entreprises la pratiquent. En revanche, l'individualisation de l'augmentation, c'est en premier lieu un moyen pour différencier les collaborateurs performants des autres. Pour ce faire, les entreprises se basent sur des outils qualitatifs (l'assiduité, la prise d'initiative) et quantitatifs (les projets réalisés, les tâches occupées). Ceux qui se distinguent sur les deux aspects ont toujours droit à des primes de mérite plus élevées que les autres. Cette année a été marquée par la stagnation du salaire de base. Quelles en sont les raisons ? Est-ce que cela ne peut être un moyen d'évasion fiscale qui arrange les deux parties ? L'augmentation de salaire de base n'est plus une source de motivation. Ce qui motive vraiment les gens, ce sont les primes et les avantages en nature, tels que la voiture de fonction, qui a une symbolique très forte chez les cadres. C'est entre autres un moyen de motivation. Du coup, nous ne pouvons pas dire que c'est une sorte de détournement de la loi. De toute façon, la masse salariale augmente, quel que soit le type de l'augmentation offerte par l'entreprise. Cela veut dire que même si l'entreprise adopte ce type de pratique au niveau de sa politique de rémunération, elle ne peut échapper au fisc. Il faut savoir également que l'expression de l'augmentation par des avantages en nature ou par des primes ne peut durer dans l'absolu. Cela pénalise l'entreprise sur le marché, car elle cesse de rester compétitive par rapport au marché en termes de salaires de base. Du côté du salarié, il est sensible au salaire de base, parce qu'il considère que c'est important en cas de changement d'employeur et pour le calcul de sa retraite. Quid de la baisse des offres de salaires pour les nouvelles recrues ? Nous ne pouvons pas dire que c'est une baisse des salaires, mais plutôt que dans les périodes de crise, les entreprises se montrent moins généreuses. Autrement dit, quel que soient leurs moyens financiers, les grandes entreprises adoptent la même les PME qui composent le reste du marché. Cette situation ne peut pas durer. Une fois le marché stabilisé, les entreprises vont reprendre leur politique de recrutement d'avant la crise. Pourquoi les compétences sont-elles concentrées sur les grandes villes et refusent d'intégrer les entreprises installées dans les régions ? Le problème de la mobilité, est dû d'abord, à un facteur culturel. La plupart des jeunes trouvent difficile de quitter leur environnement pour aller s'installer dans une petite ville. Quant au reste, il est difficile de trouver des compétences. En outre, la grande majorité de ces villes n'ont pas les infrastructures qu'il faut, ni les moyens de divertissement. Par ailleurs, les entreprises font le choix de s'installer sur des petites régions car ils veulent profiter de l'encouragement de l'Etat, mais aussi de l'abondance de la main d'œuvre non qualifiée. Elles oublient que leur choix va les priver de bons profils de cadres supérieurs et moyens. Toutefois, il faut savoir que tout se paie. Pour attirer de bons profils, les entreprises doivent faire un effort pour proposer des packages intéressants, tels que la prise en charge du logement, une période de congé plus longue, mais aussi un salaire supérieur de 10% ou de 15% à celui proposé par le marché.