La stratégie Maroc Digital 2020 dévoilée en juillet dernier vise à positionner le Maroc en véritable hub numérique africain. Pour ce faire, le pays doit compter sur toutes les parties prenantes, principalement le secteur privé. Dans cette configuration, le rôle des professionnels du secteur semble déterminant. Ceux-ci nous livrent leur avis sur cette dynamique. «Positionner le Maroc en premier hub numérique d'Afrique»: voilà l'objectif ambitieux que se fixe la nouvelle stratégie Maroc Digital 2020. L'enjeu est donc important, et une mise en œuvre efficace s'avère «primordiale», selon les opérateurs du secteur. Réunis la semaine dernière à l'occasion du Salon international de l'information AITEX, les professionnels du secteur sont unanimes: il faudra intégrer la composante «entreprises» et aider les plus petites d'entre elles à émerger. Il faut dire que le plan Maroc Digital 2020 met l'accent sur ce point précis en présentant tout un chapitre sur les actions à mettre en œuvre pour les startups, puisque l'objectif fixé dans ce cadre vise à en faire émerger 200 en 2020. «Il y a effectivement une série d'actions qui concernent cette catégorie d'entreprises. Nous avions organisé à l'annonce du détail de la stratégie, en présence du ministre de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique, Moulay Hafid Elalamy, et du ministre délégué en charge de la Petite entreprise, Mamoun Bouhdoud, une rencontre avec les entreprises du secteur dans le but de leur expliquer en détail ce qui suivra», souligne Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de l'APEBI. Et d'ajouter: «Aujourd'hui, les startups marocaines développent des solutions extraordinaires et vont au Moyen-Orient pour les vendre parce qu'ils n'ont pas assez accès au marché marocain». C'est, concrètement, le principal constat dressé à l'issue des tables rondes organisées lors de la dernière «grand-messe» des professionnels des NTIC. «Nous avons réellement besoin, aujourd'hui, de mesures concrètes et urgentes pour attirer les meilleurs talents, assurer un accès sans obstacle aux commandes privées et publiques, et d'une simplification administrative et fiscale. Nous n'attendons pas de coup de pouce ni de financement, juste de lever les obstacles et laisser les meilleurs émerger», note Yassir El Ismaili, startupper dans le secteur des NTIC. Rattraper le retard Le Maroc accuse aujourd'hui un retard concernant la réglementation du secteur; en attestent les dernières polémiques autour de la VoIP. «Nous sommes en effet très en retard sur ce point, et je pense que nous devrions, dans un premier temps, tout libérer et ensuite contrôler une fois le secteur développé», propose Saloua Karkri-Belkeziz. La grande majorité des startups du secteur reposent en effet sur le commerce électronique avec paiement en ligne. C'est dans ce sens qu'en perspective de la loi de Finances 2017, l'APEBI a présenté une doléance au niveau de la Direction générale des impôts (DGI) afin d'exonérer de la TVA l'ensemble des paiements électroniques par carte bancaire. «Il s'agit là d'une mesure très importante qui a d'ailleurs vu le jour il y a plus de 15 ans aux Etats-Unis et qui a vraiment permis de développer le secteur du commerce électronique outre-Atlantique», note la responsable. Actuellement, 80% des achats en ligne se font en espèce; il n'y a donc aucune transparence dans ces transactions. C'est dans ce sens que les professionnels du secteur comptent sur une exonération de la TVA pour encourager la dynamique du paiement électronique par carte. Les dés sont aujourd'hui jetés: outre les propositions complémentaires faites par les professionnels du secteur, une stratégie nationale ambitieuse a été lancée, et son exécution est impatiemment attendue sur le terrain. La présidente de l'APEBI l'explique: «Nous sommes tous des professionnels des NTIC mobilisés pour la réussite de ce plan ambitieux, et nous attendons d'avoir davantage de visibilité sur la mise en place de la nouvelle agence de développement numérique, dont le directeur devrait être nommé après les prochaines échéances électorales». Larbi Belrhiti DG d'Avito et président de Maroc Digital Donner un avis précis sur Maroc Digital 2020 me semble, à l'heure actuelle, un exercice difficile en ce sens où nous n'avons pas encore eu connaissance du détail de ce plan stratégique. Cependant, ce que je peux vous dire c'est que le secteur avait grandement besoin d'un plan ambitieux comme celui-là en ce sens que le secteur des NTIC est stratégique pour l'économie nationale. Ceci étant, ce que nous pouvons réellement dire, c'est que nous attendons la mise en œuvre de ce plan et de rencontrer les responsables du nouveau gouvernement qui seront en charge du suivi de ce dossier et de son opérationnalisation sur le terrain. Nous attendons également de voir quels seront les budgets alloués à cette mise en œuvre». Saloua Karkri-Belkeziz Présidente de l'APEBI «Nous nous heurtons actuellement à la difficulté d'accès aux marchés» Les Inspirations ECO : Le secteur devrait bénéficier d'une nouvelle stratégie ambitieuse baptisée Maroc Digital 2020. Quel sont les principaux enjeux de cette nouvelle vision ? Saloua Karkri-Belkeziz : Les grands enjeux de cette stratégie Maroc Digital 2020, qui succède à Maroc Numeric 2013 et qui a été élaborée en 2015 en collaboration avec la profession, visent à assurer une vraie transformation digitale sur l'ensemble des piliers, à savoir le pilier gouvernement, et de ce fait la dématérialisation des procédures au citoyen, le pilier entreprise pour justement rendre l'entreprise marocaine, tous secteurs confondus, plus productive et plus compétitive et pouvoir exporter. Le troisième pilier consiste en une approche régionale consistant à développer des ressources humaines régionales et à être Le hub africain. C'est une stratégie ambitieuse qui se fixe d'emblée des objectif très ambitieux. À titre d'exemple, au niveau de la PME, le taux de pénétration des technologies de l'information ne dépasse pas 6% actuellement. L'objectif aujourd'hui est de parvenir aux 20% à horizon 2020. Au niveau des procédures administratives dématérialisées de type paiement des impôts, nous sommes passés de 5% en 2008 à 10% en 2010, ce qui est très peu, mais l'objectif est d'aller au-delà des 50% à horizon 2020. C'est une stratégie ambitieuse certes, mais qui nous paraît parfaitement réaliste dans le sens où elle a été réalisée avec les différents départements ministériels, notamment 20 projets qui ont été décidés au niveau de 12 ministères. C'est ce qui va permettre d'entamer cette transformation radicale au niveau de la société. Il s'agit également d'une stratégie qui vise à développer le secteur lui-même. L'objectif est d'arriver, à horizon 2020, à voir 5 ou 10 grandes entreprises championnes. On se heurte actuellement à la difficulté d'accès aux marchés parce que l'entreprise est petite, mais les donneurs d'ordre publics ne confient pas leurs projets aux petites entreprises. L'idée est de rassembler pour faire émerger de grands champions pour pouvoir justement mettre en œuvre des projets d'envergure au niveau des grandes banques et des grands donneurs d'ordre. Concrètement, qu'apporte-t-elle aux startups du secteur ? Il y a aussi le volet startups. L'objectif est d'accompagner 200 startups à horizon 2020. C'est un point important. Ce qui nous rassure par rapport à l'exécution de cette stratégie, c'est d'avoir créé une agence de développement numérique qui devrait avoir trois rôles principaux. Le premier consiste à sensibiliser l'ensemble des citoyens, des entreprises et des administrations à l'intérêt de la transformation digitale. Son deuxième rôle consistera à accompagner ces départements ministériels en leur trouvant des financements -notamment internationaux- pour lancer des projets d'envergure. Enfin, le troisième rôle de cette agence est de faire des propositions de loi pour changer tout l'arsenal juridique de notre secteur. Ce dernier est toujours régi par des CPS très anciens qui sont plus adaptés aux travaux publics qu'à l'informatique. Là, si on se dirige vers une transformation digitale, des solutions cloud -vers du SAS au niveau des PME- il faut impérativement que la législation suive. C'est une stratégie que nous, en tant que partenaire, encourageons. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est de commencer la mise en œuvre de cette stratégie très rapidement. On espère, juste après les élections, pouvoir nommer le directeur de l'agence et démarrer le travail rapidement. Comment se fera le travail en synergie avec les PME et les startups ? Notre slogan à l'APEBI est de fédérer pour mieux se développer. Nous avons effectivement réussi à fédérer les acteurs du secteur avec notamment des associations comme Maroc Numeric, tous membres de l'APEBI. Même au niveau de l'AITEX, nous avons donné une place prépondérante aux startups et aux TPE. Notre objectif est de mettre en avant ces jeunes et ces startups. Ils ont de bonnes idées, développent de bons produits mais n'ont pas accès aux marchés et cela reste leur principal défi. Un salon comme l'AITEX est justement fait pour ça.