Voilà une réforme de taille qui arrive au bout du tunnel, du moins on l'espère. D'aucuns vous diront que toutes les réformes sont plus ou moins douloureuses à faire passer. Parmi elles, une en particulier constitue un véritable casse-tête chinois, celle des retraites. Et comme il n'est absolument pas question de battre en retraite pour ce chantier, ni de le bacler, la décision sur le choix du modèle à retenir a été reportée maintes fois, jusqu'à avant-hier mardi. Lors d'un séminaire organisé par le pôle prévoyance de la Caisse de dépôt et de gestion, en effet, les débats ont été constructifs et, mieux, les conclusions ont largement dépassé la thématique principale. C'est que cette rencontre, organisée à la base pour discuter, notamment avec les concernés autour des «Attentes des professions libérales en matière de couverture retraite», a viré vers une analyse approfondie des schémas de la réforme jusqu'à en présenter les lignes concrètes. On apprend ainsi que la commission technique, qui se penche sur la réforme des retraites depuis des années, a enfin tranché. Parmi les quatre scenarios étudiés, c'est une variante du scénario dit «C», qui a été retenue par les experts. Il s'agit en l'occurrence de celle consistant à mettre en place un Régime de base universel (RBU), regroupant l'ensemble des régimes existants à l'heure actuelle et couvrant aussi bien les fonctionnaires du secteur public, les salariés du secteur privé, que les professions indépendantes. «Je ne veux pas me prononcer au nom de la commission, mais il semblerait que la réforme se dirige vers un système basé sur un RBU», annonce Jean-Claude Angoulvant, consultant indépendant expert en régimes et systèmes de protection sociale, qui a dirigé plusieurs caisses de retraite en France. Cette annonce a été confirmée sur le coup par Saïd Laftit, secrétaire général de la CDG, qui est en première ligne dans le cadre de la réforme. Pour rappel, les fonctionnaires du public et les salariés du privé ont aujourd'hui chacun leur propre régime de base, avec un régime complémentaire pour les privés, alors que les indépendants ne font tout simplement pas partie du champs de couverture. Scénario «C» Face à cette structure, couplée à l'insoutenabilité du déficit à moyen et long termes, la commission technique avait devant elle quatre scénarios de réforme : réforme paramétrique du système actuel (scénario A), réforme paramétrique après regroupement de certains régimes (scénario B), réforme du montage financier après regroupement des régimes (scénario C) et orientation vers un système de fonds de pension (scénario D). Le scénario C a donc été grosso modo retenu par la commission technique, mais avec des aménagements plus ou moins poussés. Ainsi, pour les cotisations obligatoires de base, dès le premier dirham, tous les régimes actuels devront être fusionnés. Par contre, la base plafond devra être revue à la baisse. Si l'on prend l'exemple de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) comme référence, le plafond du RBU devrait passer de 3 à 2 fois le SMIC. Aussi, le scénario retenu ne s'arrête évidement pas là. Il prévoit un second niveau de couverture obligatoire, et même un troisième, facultatif cette fois. Contrairement au niveau de base, qui sera unifié et fonctionnera par répartition, le second niveau sera spécifique et intégrera une partie non négligeable de capitalisation dans son montage financier. Dans le schéma présenté par l'expert, le secteur public se dote de son propre régime complémentaire. Tous les salariés stables du secteur privé devront être affiliés à leur propre régime complémentaire, alors que les travailleurs dits indépendants devront avoir une couverture complémentaire soit par profession, soit par groupement de professions, sachant que plus la masse couverte est grande, plus l'assiette de cotisation l'est aussi, et le système est viable et peu coûteux en frais de gestion. RCAR, l'usine des retraites Dans cette optique, le Régime collectif d'allocation de retraites (RCAR) est appelé à jouer un rôle central, en tant qu'usine à gestion, puisqu'ayant développé, en pionnier, une expertise désormais reconnue dans la gestion de «l'industrie de la retraite», comme l'appelle Angoulvant. Le séminaire, organisé mardi, a été pour le moins fructueux, et les représentants des professions libérales n'en seront pas sortis avec les besaces vides. Le secrétaire général de la CDG s'est en effet engagé à entamer, concrètement, le processus de réflexion autour de la couverture retraite des professions libérales. «Concrètement, nous pourrions nous rencontrer dès demain pour fixer une réunion préparatoire», coupe court Saîd Laftit en réponse à l'intervention énergique du Dr Lahlou, représentant l'Ordre des médecins. «En plus, dans la partie pratique, nous avons l'Usine, les professions libérales pourront bien entendu en bénéficier», s'engage pour sa part Ahmed Cherkaoui, directeur du pôle prévoyance de la CDG (RCARCNRA). Pour le reste, les professions libérales sont vivement poussées par ces experts à entamer dès maintenant la réflexion sur leurs propres régimes complémentaires, en attendant que le régime de base soit mis en oeuvre. En ce sens qu'il est bien entendu que le choix du scénario n'est que la première étape d'un long processus, enfin lancé, et qui ne sera pas de tout repos. «Le temps presse, chaque année de perdue compromet d'avantage la stabilité du système et complique encore plus la mise en oeuvre de la réforme», insistait pour sa part l'expert français, qui estime que dans 20 ans, le système sera tout bonnement défaillant, voire impossible à réformer. Il reste à espérer que le bout du tunnel ne soit plus aussi éloigné.