Si les circuits classiques de financement montrent leurs limites, celui du capital risque, qui a fait ses preuves de par le monde, peine encore à décoller. Manque de projets à financer, régime fiscal peu attrayant, culture d'aversion au risque sont là autant d'éléments qui grèvent encore le développement de ce créneau Maroc. Aujourd'hui certaines organisations internationales misent sur le développement de l'écosystème entrepreneurial national en lançant bientôt de nouveaux fonds Le financement des entreprises a toujours été le talon d'Achille de l'écosystème entrepreneurial. Si les circuits classiques de financement montrent leurs limites, celui du capital risque, qui a fait ses preuves de par le monde, peine encore à décoller. Cette situation de blocage est aujourd'hui liée à un certain nombres de facteurs sur lesquels les différents témoignages aussi bien d'entrepreneurs que de capital risqueurs s'accordent. «Il n'y a quasiment pas de capital risqueurs au Maroc», déplorer Leyth Zniber, fondateur et CEO d' Eiréné4Impact. Et d'ajouter : «En dehors du réseau Maroc Entreprendre qui octroie des prêts d'honneur et de quelques investisseurs qui investissent de manière opportuniste, le capital risque est quasi inexistant». Face à ce constat sans appel, existe-t-il réellement un potentiel d'investissement ? De l'avis des organisations internationales qui semblent porter un regard neuf sur le développement de l'écosystème entrepreneurial national il semblerait que oui. Et pour cause, deux fonds d'investissement devraient très prochainement voir le jour. Le premier est lancé par l'Usaid tandis que le second émane d'une initiative portée par la Banque mondiale et la caisse centrale de garantie (CCG). Plus concrètement il s'agit de fonds spécialisés dans l'amorçage et le capital risque et se positionnent en fonds de co-investissement. Un troisième fonds devrait également être déployé au Maroc par la banque européenne d'investissement (BEI). Cette nouvelle dynamique devrait, de l'avis des observateurs, rassurer les investisseurs. Une machine qui grince encore Un certain nombre de points grèvent encore le développement d'un écosystème à proprement dit de capital risque. Et pour cause, les professionnels énumèrent un certain nombre d'éléments qui expliquent pourquoi une dynamique peine encore à voir le jour. «Il faut avouer qu'il n'y a pas encore assez de projet réels à financer. Outre cet aspect il faut également mettre en exergue le fait que l'environnement fiscal n'est pas du tout intéressant pour un capital risquer sans oublier la culture assez averse au risque au Maroc», souligne Leyth Zniber. Sur le terrain et au-delà de ces points de blocages d'ordre techniques, l'effectivité et l'efficacité de ce système au Maroc peinent à être démontrées. Et pour cause, le témoignage de Yassir El Ismaili El Idrissi, directeur général Careem Maroc est éloquent : «Je me suis alors adressé au début de l'été 2014 au MNF, seul fond d'investissement de la place destiné aux startups. Après 5 mois de travail et un passage en comité, nous avons pu trouver un accord sur la valorisation et le business plan. Mais le deal ne s'est pas fait car les conditions exigées, un passage exigé en S.A., clauses léonines notamment de veto et surtout la durée avant la libération des fonds, minimum 4 mois encore, étaient incompatibles avec une exigence d'agilité et de time to market. Un concurrent local se développait déjà et des concurrents internationaux allaient arriver incessamment sous peu», déplore le jeune entrepreneur qui se tournera finalement vers un investisseur étranger qui lui ouvre de nouvelles perspectives de développement après une expérience infructueuse liée vraisemblablement en manque de maturité du marché national sur ce créneau. Leyth Zniber Foundateur et CEO de Eiréné4Impact Aujourd'hui, nous constatons qu'il n'y a pas assez de projets. Ceci sans oublier le fait que l'écosystème au Maroc présente une durée d'investissement trop longue pour un capital risqueur. Ajouter à cela la culture marocaine qui est encore actuellement assez averse au risque. Enfin, il faut souligner que la Grande entreprise ne joue pas encore pleinement son rôle et nous gagnerons à fournir encore des efforts pour faciliter ces partenariats. En somme, tous ces éléments participent au fait que l'industrie du capital investissement peine à décoller chez nous». Yassir El Ismaili El Idrissi Directeur général Careem Maroc Fin juin 2014, j'ai créé Taxiii, la 1re application mobile marocaine de réservation de taxi. Au démarrage nous étions en mode «boostrapping», c'est-à-dire en autofinancement complet, destiné à gagner de la traction avant d'attirer des investisseurs. L'accueil des clients a été très favorable et le nombre de nouveaux clients par jour montait sans cesse. Dès lors il était temps de commencer à travailler à une levée de fonds permettant d'accélérer la croissance. Je me suis dans un premier temps adressé à un fonds d'investissement marocain et après une expérience avortée j'ai donc décidé de me tourner à l'international, et de là est née l'histoire du rapprochement avec Careem, acté en février 2015. Cela a été le début d'une belle aventure». Maigre moisson Dans un bilan d'activité du capital investissement, il est à noter que depuis les années 2010, le montant moyen investi par opération s'élève à 28 millions de dirhams. Il est de 42 MDH dans le segment du capital développement et de 67 MDH dans le segment du capital transmission. Il y a eu 17 opérations en 2013 (pour un montant total investi de 686 MDH ), 8 en 2012 (pour un montant total investi de 286 MDH), 15 en 2011 (pour un montant total investi de 344 MDH), 21 en 2010 (pour un montant total investi de 685 MDH). Notons que les opérations de capital investissement sont essentiellement des opérations de capital développement utilisées dans les PME déjà "installées" qui cherchent à financer leur croissance. Au Maroc, jusque là, les opérations réalisées par les fonds sont essentiellement des prises de participation minoritaires dans le capital des entreprises ciblées.