La mise en place tant attendue de l'observatoire de la TPME laisse entendre l'avènement d'une nouvelle phase dans laquelle toutes les politiques déployées en faveur de la TPME seront basées sur des données précises, claires et fiabilisées. Mais au-delà du simple effet d'annonce, ce nouveau dispositif devra véritablement faire face à des défis majeurs. «L'Observatoire des très petites et moyennes entreprises est en bonne voie». C'est ce qu'avançait déjà Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib en début d'année. Chose promise, chose due. À l'issue du premier conseil d'administration de l'observatoire tenu lundi dernier, les choses sont plus claires : un observatoire de la TPME voit le jour avec des contours stratégiques bien définis (www.leseco.ma). Il s'agit plus concrètement d'un véritable scanner de l'environnement des TPME qui doit permettre, presque en temps réel, de dresser un état des lieux des conditions et de la structure même de ce tissu entrepreneurial stratégique pour l'économie nationale, comme le relève le gouverneur de la Banque centrale. Le conseil d'administration vient en effet de valider une feuille de route pour cet observatoire, tracée à l'horizon 2019 avec un plan stratégique qui prévoit dans un premier temps la mise en place de toute la structure avec son mode de gouvernance, de l'instance et de son mode de fonctionnement. De plus, outre ces aspects techniques une question se pose sur la réelle fiabilité des données qui seront produites par cet observatoire. Le spectre de l'informel Placé dans son contexte, la mise en œuvre dudit observatoire, devra en effet, de l'avis des experts s'adapter à une réalité de terrain qui risque de biaiser les statistiques : la grande proportion des TPME opérant dans l'informel, lesquelles constituent une partie importante du tissu économique national. Interpelé par les ECO sur la question, le wali de Bank Al-Maghrib s'est voulu rassurant en notant que la question de l'informel sera envisagée de manière à intégrer cette frange de structures graduellement dans l'échantillon des entreprises sondées régulièrement par l'observatoire. «L'identifiant commun de l'entreprise constitue aujourd'hui une bonne avancée en ce qui concerne la lutte contre le secteur informel. Cependant, nous avons travaillé avec les consultants sur un premier échantillon de 65.000 entreprises et nous avons pu noter que certaines entreprises ne déclarent même pas de chiffre d'affaires, ni le nombre d'employés, ni la nomenclature de leur activité et c'est dans ce sens que nous sommes conscients de la nécessité de faire converger nos efforts de façon à intégrer les entreprises opérant dans l'informel dans le secteur formel», explique Abdellatif Jouahri. Adhésion du périmètre d'intervention Les principaux défis de la mise en œuvre de ce nouvel observatoire reposeront de ce fait sur l'adhésion de l'ensemble de son périmètre d'intervention, qui comprend aussi bien le secteur informel que formel. S'agissant de ce dernier, le défi de son adhésion à ce projet est d'autant plus important qu'il devra reposer sur une mobilisation sans failles des TPME, lesquelles devront jouer le jeu et fournir les données nécessaires dans un esprit de totale transparence qui devra servir l'objectif primordial de fiabilité des données produites par l'observatoire sur cette base. Pour ce faire, comme l'explique le wali de la Banque centrale, «un travail de sensibilisation sera clairement mené de façon à expliquer la pertinence dudit observatoire au niveau national, en prenant en compte la dimension régionale afin que les entreprises concernées par ce travail puissent être conscientes des réels apports de ces données dans l'élaboration aussi bien des stratégies nationales mais également des stratégies de développement des entreprises». L'adhésion donc de toutes les parties prenantes à ce nouveau projet devra être assurée pour garantir sa réussite et pour ce faire il faudra donc, de l'avis des observateurs, faire preuve d'une grande convergence des intérêts de chacune des parties prenantes à participer à cette initiative. Echéancier Le travail de mise en place de l'observatoire se poursuit avec une prochaine réunion de son conseil d'administration prévue en fin d'année. L'observatoire n'étant prévu pour une opérationnalisation effective qu'en 2019, un certain nombre d'étapes inscrites dans la stratégie dudit observatoire devront être franchies. La première concerne le recrutement d'un directeur exécutif qui est, selon le wali de Bank Al-Maghrib, actuellement en cours avec le traitement de 18 candidatures formulées. 2017 et 2018 devront permettre de faire un travail sur la fiabilisation des données pour enfin lancer officiellement en 2019 la publication d'études économiques incluant des relations extérieures. Missions Les principales missions aujourd'hui assignée à l'observatoire de la TPME visent à mettre à disposition un tableau de bord d'indicateurs qui traduisent la démographie, le comportement économique ainsi que la situation financière des TPME. Ces données agrégées seront disponibles gratuitement. Il sera également chargé de produire des études généralistes et thématiques concernant le secteur de la TPME. Ces dernières seront disponibles en accès payant d'autant plus qu'elles pourront être diligentées pour répondre à des demandes ponctuelles. L'observatoire devra également mettre à disposition un portail d'accès vers les différentes institutions et prestataires en relation avec la TPME. Enfin, il sera chargé d'organiser des manifestations nationales et internationales et devra coopérer avec les institutions ainsi qu'ONG nationales et internationales actives dans l'accompagnement de la TPME. Abdellatif Jouahri Wali de Bank Al-Maghrib Après plusieurs mesures que nous avons prises pour améliorer l'environnement des TPME, ces dernières années, nous avons voulu aller plus loin dans l'information chiffrée mais également qualitative d'où la nécessité de mettre en place un observatoire de la TPME. Nous ouvrons donc la voie de façon à ce que toutes les informations concernant cette catégorie d'entreprises puissent être disponibles. Des études pourront également être menées sur les délais de paiement interentreprises et également pour les banques afin d'avoir des éléments plus fiables et de pouvoir faire en sorte sur le plan du financement qu'elles soient plus réactives. Tout ceci nous a pris beaucoup de temps dans la mesure où nous nous sommes engagés dans ce chantier avec l'aide de deux consultants hollandais ainsi que d'un financement hollandais. Nous avons un élément essentiel, la disponibilité des données mais également leur fiabilité et c'est dans ce sens que notre travail a été axé. Ce travail a d'autant plus mobilisé tous les acteurs pour ne citer que BAM, la CGEM, l'OMPIC, la CNSS, la DGI et le ministère de l'Emploi pour la mise à disposition d'un observatoire de l'emploi et qui dit observatoire de l'emploi dit également entreprises. Il y a aussi le ministère du Commerce extérieur pour l'aspect import/export. Il va donc falloir normaliser tout ça, le fiabiliser, l'agréger et mettre en place des indicateurs à faire ressortir, qu'ils soient démographiques, économiques, financiers, qui puissent être les plus larges possibles pour servir de base à l'appréciation des différents intervenants en ce qui concerne les TPME (gouvernement, entreprises, secteur bancaire, relations extérieures).