Il ne se présentera pas pour les prochaines élections, mais ça ne l'empêchera pas de briguer de nouveau un poste ministériel. En tout cas, comme le ton de sa voix le laisse transparaître, Taoufik Hejira prends ses actions à la tête du département de l'Habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace pour le moins très à cœur. Pour lui, et malgré toutes les critiques qu'il a essuyées, le programme «Villes sans bidonvilles» est un succès... «relatif». «Si le nombre des populations cibles n'avait pas été augmenté au cours de la réalisation du programme, nous en serions à 89% de taux de réalisation», martèle-t-il. Car entre le moment où les objectifs du programme avaient été fixés et aujourd'hui, 400.000 nouvelles personnes à reloger se sont ajoutées à la liste des bénéficiaires potentiels, ramenant le taux de réalisation à 70%. Mais ce n'est bien entendu pas le seul cheval de bataille du ministre istiqlalien. Le second porte d'ailleurs des innovations notables. Il s'agit en l'occurrence du dispositif d'accès au logement. Dans ce cadre, le mécanisme existant pour le logement social devrait être largement démocratisé. Un engagement au conditionnel, puisque le projet de loi relatif à ce chantier navigue encore dans les méandres du processus législatif. Par ce texte, le dispositif du logement social couvrira dans le même temps le soutien au logement de la classe moyenne, principalement celles «basses et moyennes», selon les termes du ministre. «Nous avons travaillé de concert avec les fédérations professionnels pour concevoir ce dispositif innovant», indique-t-il. «Il est d'autant plus exceptionnel qu'il ne coûte pratiquement rien à l'Etat, en comparaison avec le dispositif existant», poursuit-il, enthousiaste. En effet, force est de constater les changements importants qui sont proposés. Le dispositif existant pour le logement social prévoit des exonérations fiscales significatives pour l'acquéreur et le promoteur. Le premier bénéficie de la restitution de la TVA, alors que le second se voit offrir l'exonération de l'impôt sur les sociétés pour la partie sociale de son activité. Ces avantages sont conditionnés, sur le papier, par un cahier des charges détaillé. Toutefois, le dispositif actuel pêche par la rigidité de son offre quasi-unique, composée d'appartements tournant autour de 50 m2 à 250.000 dirhams, face à des besoins de logement diversifiés. L'idée expliquée par Hejira, et traduite dans le projet de loi déposé par son département élargit l'offre à toutes les superficies. Ainsi, le mètre carré devrait être proposé à 5.000 dirhams, pour des superficies allant de 25 à 80 m2. Le studio serait donc proposé à 125.000 dirhams, dans le cas où le projet est promulgué ! «Une véritable aubaine pour les étudiants et les jeunes actifs», estime Hejira. Mais comme pour tout mécanisme incitatif, l'enjeu est d'en garantir l'impact final, et par là même, éviter les détournements qui guettent, et qui n'on d'ailleurs pas épargné le dispositif en place, par lequel des immeuble entiers ont été vendus à un seul bénéficiaire, loin d'être dans le besoin de cet appui de l'Etat. Les deniers publics sont sacrés, et le contribuable est en droit d'en exiger la meilleure affectation. Dans cette optique, Hejira promet la fermeté et le respect de l'esprit de ce nouveau dispositif en projet. Pas plus d'un appartement par bénéficiaire donc, même si les canaux pour contourner cette limitation ne manquent pas, puisqu'un bénéficiaire se matérialise par son numéro d'identité nationale. Aussi, les logements qui seront acquis dans le cadre du programme ne pourront être revendus qu'au terme de la quatrième année d'occupation, en plus du fait que le logement subventionné devra impérativement être le logement principal du bénéficiaire pour prétendre à l'éligibilité. Vases communicants Pour prendre la problématique dans sa globalité, Hejira n'a cette fois-ci pas omis d'intégrer l'offre locative dans la démarche adoptée en concertation avec les professionnels. «L'objectif de la loi sur le loyer est de créer un vase communicant entre l'appui à l'accès à la propriété par le logement social d'une part et la promotion de la location de l'autre», explique-t-il. Cette mesure permettrait au bailleur/investisseur, expert ou particulier, d'acheter un nombre minimal d'unités de logement social, groupés dans un immeuble indépendant ou disséminé dans l'enceinte d'un programme intégré. Pour cette proposition, les professionnels avaient préconisé une durée de location arrêtée à 8 ans, avec possibilité pour le bailleur de revendre, une fois ce délai expiré. La détermination du montant du loyer serait pour sa part conditionnée par «le niveau de rendement escompté par l'investisseur et la décision d'arbitrage d'un futur locataire entre l'achat et la location». Aussi, les fédérations avaient également proposé de donner la priorité d'acquisition au dernier locataire, après expiration du délai contractuel de location. De bien belles choses donc... en théorie. Mais la réalité de la loi de finances qui est en train de mitonner dans le flou le plus total, laisse présager que le contribuable attendra encore longtemps avant d'en palper les avantages. Lire aussi : Hejira se lâche «Elections... je n'ai rien à gagner ou à perdre» Difficile de croire le ministre Istaqlien lorsqu'il affirme ne pas se présenter pour les prochaines élections, tant la force des arguments que Taoufik Hejira développe pour défendre son bilan à la tête du département de l'Habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace, s'inscrivent dans la logique d'une campagne électorale. Le membre régional du parti du Premier ministre au titre de l'Oriental s'en défend pourtant. La démocratie, plaide-t-il, c'est aussi de «savoir rendre des comptes à l'heure de vérité, c'est-à-dire, au moment des élections». Cette remarque vaut tout aussi bien pour l'opposition, «qui doit être interpellée aussi sur son rôle de régulation politique». Il y a bien de quoi, pour le ministre, dont le parti a gagné les élections de 2007, se positionnant donc au devant du gouvernement, ce qui place ses membres au devant de la vague de critiques qui sont légion à la veille des élections. Hejira sait qu'il sera très attendu surtout pour son passage à la tête d'un poste aussi sensible que celui de l'Habitat avec le fameux programme «Villes sans bidonvilles». Un chantier sur lequel, l'intéressé appelle plutôt, «chaque partie à assumer sa responsabilité», sur les problèmes ayant entravé la réalisation à terme de ce vaste chantier. Pour lui, le bon sens aurait voulu qu'il soit jugé sur ce qui a été fait plutôt que de mettre en avant les échecs du programme et surtout de faire la part des choses entre, «les intentions, les idées et les annonces officielles ou engagements publics». En tout cas, Hejira, pour l'échéance du 25 novembre, soutient «n'avoir rien à gagner ou à perdre», tout en se préparant avec son parti à jouer «un grand match, à l'image du classico Barça-Real» ! À défaut de savoir qui est qui, on serait en droit de demander à notre jeune ministre, si à défaut d'une place au Parlement, ce n'est pas le fauteuil de chef de gouvernement qu'il vise. Cela est loin d'être une utopie, avec la machine électorale de l'Istiqlal, qui pourrait récidiver en 2012 ! À l'Istiqlal, on reste «confiant et serein». C'est tout dire, pour ce parti historique qui a bien des fois déjoué tous les pronostics, à la manière d'un «clasico» !