Le taux de pénétration de l'industrie au Maroc dépasse de loin celui l'ensemble des pays de la zone MENA. Les levées affichent une progression supérieure à l'évolution des levées enregistrée au niveau mondial. Le capital investissement ne finance aujourd'hui qu'une part infime de la croissance des entreprises face à un secteur bancaire qui assure l'essentiel du financement de l'économie nationale, et draine une partie importante de l'épargne. Cependant, cette industrie qui demeure relativement récente au Maroc avec une vingtaine d'années d'existence a fait du chemin. Le capital investissement affiche certes un taux de pénétration de 0,06% en 2015, mais c'est un niveau qui est largement au dessus de l'ensemble des pays de la zone MENA (0,03%), à en croire le dernier rapport statistique 2015 de l'industrie marocaine du capital investissement. Ce rapport statistique, qui est réalisé annuellement par le Cabinet Grant Thornton sous la houlette de la Commission Etudes & Statistiques de l'Association marocaine du capital investissement (Amic), a couvert 22 sociétés de gestion gérant 46 fonds. Il représente ainsi la quasi-totalité de l'industrie marocaine du capital investissement. «Il y a encore un très grand champ d'innovation de construction pour cette industrie en devenir. Nous avons déjà réussi à instaurer les leviers de développement de notre métier, à commencer par le cadre réglementaire. Une fois ce cadre qui permet aux opérateurs de travailler dans des standards internationaux, a été mis en place, l'essentiel a été fait. Les piliers sont là et les équipes sont disponibles (ndlr : le secteur compte à ce jour 132 professionnels). Ce métier devient de plus en plus connu, mais pour professionnaliser tous les niveaux de ce secteur tout le monde doit y mettre du sien», souligne à cet égard d'emblée Omar Chikhaoui, président de l'AMIC. Chiffres à l'appui Selon le rapport statistique 2015, l'industrie du capital investissement s'inscrit dans un contexte économique international caractérisé par un manque de vigueur avec une croissance au ralenti dans les pays émergents et en développement ainsi qu'une reprise relativement modeste en Europe. Le Maroc a, quant à lui, bénéficié d'une campagne agricole satisfaisante et la croissance de son PIB s'est établie à 4,4% en 2015. Notons que ce rythme devrait considérablement baisser en 2016 en raison d'une faible pluviométrie et de la dépendance de l'économie marocaine à des facteurs externes telles que la croissance dans la zone euro ou l'éventuelle remontée des prix de pétrole. Ainsi après de fortes levées en 2013 et 2014 (2,5 MMDH), conformément au cycle de vie des fonds, l'année 2015 a connu des levées plus modestes, à savoir 490 MDH pour le capital investissement et 222 MDH pour l'infrastructure. Néanmoins, les levées affichent une progression de 15% par rapport à l'année précédente et sont supérieures à l'évolution des levées enregistrée au niveau mondial et dont la progression s'établit à 11%. À ce jour, ce sont donc près de 3,2 MMDH qui sont disponibles pour les PME. Notons que les capitaux levés auprès des organismes de développement internationaux (SFI, BERD) ont fortement augmenté et représentent 56% des fonds de 3e génération témoignant de la confiance de ces bailleurs de fonds à l'égard de l'industrie marocaine du capital investissement. Aussi, les fonds sous forme étrangère et S.A., représentent encore la majorité des fonds levés, soit respectivement 39 et 37%. «Avec la promulgation de la loi 18-14 relative aux Organismes de placement collectif en capital (OPCC), cette forme juridique a augmenté de 2% par rapport à l'année précédente et devrait fortement progresser dans les années à venir», affirme Omar Benchekroun, Manager, Fidaroc Grant Thornton. Cartographie des investissements L'année dernière, ce sont 606 MDH qui ont été investis dans 11 entreprises. La majorité des fonds reste généraliste. Le secteur industriel représente 48% des investissements réalisés depuis 2011 et s'arroge la première place tandis que celui des services et transport arrive en seconde position avec 22% des investissements. Depuis 2011, deux tiers des montants investis sont dédiés à des entreprises en développement. Les opérations de transmission atteignent 14% (versus 25% entre 2006 et 2010) et sont en perte de vitesse. L'amorçage plafonne à 2% depuis 2006. Comme les années précédentes, les investissements se concentrent dans la partie nord du Maroc. En effet, 75% des investissements sont sur l'axe Rabat-Casa, 8% dans la région de Tanger-Tétouan et 4% pour la région de Fès-Boulemane. Parallèlement, le montant total des désinvestissements effectués en 2015 s'élève à 186 MDH soit une hausse de 84% par rapport à 2014 malgré l'absence de sorties en bourse. Depuis 2011, la majorité des sorties en valeur (41%) sont des cessions industrielles et les cessions à d'autres sociétés de capital investissement augmentent timidement. La durée moyenne d'investissement, elle, est de 6 ans. Des impacts vérifiés Par ailleurs, le TRI brut moyen, calculé sur les sorties effectives, se situe à 13% à fin 2015. De leur côté, les taux de croissance annuels moyens (TCAM) du chiffre d'affaires et des effectifs des entreprises investies à fin 2015, sont respectivement de 17,6% (versus 15,4% en 2014) et 4,9% confirmant l'impact positif du capital investissement même dans un contexte économique peu favorable. L'intervention des fonds dans les entreprises crée également une dynamique extrêmement bénéfique en matière de responsabilité sociale et environnementale avec la mise en œuvre de plans annuels de formation et de chartes d'éthique et de valeurs, gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences ou encore actions environnementales et sociétales. L'impact des fonds est encore plus significatif en matière de gouvernance. Cette dernière s'impose de façon drastique dans les mois qui suivent la prise de participations. En effet, selon les statistiques de l'Amic, 99% des sociétés investies sont auditées, 98% disposent d'outils de reporting, d'indicateurs de performances et de tableaux de bord ainsi que de comités de suivi d'activité et 97% mettent en place une politique de définition et de suivi des budgets. Perspectives prometteuses En termes de perspectives, sur la 3e génération de fonds venant à terme en 2016, 27% des fonds planifient logiquement la sortie de la majorité des entreprises encore en portefeuille. Si 28% des fonds ont prévu la levée de nouveaux capitaux avant la fin 2016, 50% des fonds ont planifié des levées dans le courant de l'année 2017. Pour les 5 prochaines années, la tendance aux investissements multisectoriels se confirme avec une légère préférence pour le secteur agroalimentaire (13%) et la diversité des zones géographiques envisagées témoigne de politiques d'investissement opportunistes n'excluant aucune région du Maroc. Enfin, le secteur du capital investissement prévoit d'investir près de 900 MDH en 2016. Les sociétés de gestion se professionnalisent Signe d'une maturité croissante et notamment d'une professionnalisation des équipes de gestion, l'indépendance des sociétés de gestion se confirme avec 40% d'entre elles exerçant une gestion discrétionnaire à savoir une gestion où le pouvoir décisionnel repose entièrement sur l'équipe de gestion et non sur les bailleurs de fonds. En valeur, 63% des fonds de 3e génération (créés à partir de 2011) sont totalement indépendants, versus 47% pour les fonds de 2e génération (créés entre 2006 et 2010). D'autre part, on constate que les équipes de gestion détiennent 31% du capital des sociétés de gestion traduisant une responsabilisation croissante de ces équipes de nature à rassurer les bailleurs de fonds. Omar Chikhaoui Président de l'AMIC Les Inspirations ECO : À la lecture des chiffres de l'AMIC, on constate que les compagnies d'assurance sont peu présentes dans vos fonds, contrairement au marchédes actions. Quelle en est la raison ? Omar Chikhaoui : Pour les compagnies d'assurance, il s'agissait d'une problématique purement technique, puisque les investissements dans les fonds n'étaient pas considérés comme la réserve technique des compagnies, mais plutôt comme un investissement en fonds propres de l'assureur. La structure juridique dans laquelle les fonds évoluaient ne permettait pas d'avoir cette couverture pour l'assurance. Aujourd'hui, l'OPCC est considéré comme un instrument qui entre dans les réserves techniques des compagnies d'assurance. Cela a donc permis d'ouvrir ce champ et à nous de l'exploiter. Nous faisons d'ailleurs des réunions avec la fédération des assureurs pour les sensibiliser par rapport à notre métier, nos performances ainsi que nos perspectives. Une majorité des fonds compte réaliser leur sorties en 2016. Quelles sont les voies qui seront opérées ? Généralement les fonds regardent toutes les voies possibles. C'est l'introduction en Bourse qui est généralement la voie royale quand la Bourse se porte bien et que la conjoncture économique est favorable. La cession à un industriel peut être des fois plus intéressante qu'une introduction en Bourse. Généralement, la Bourse représente entre 20 et 25% des possibilités de sortie. Les statistiques et l'historique le montrent clairement.