Les écarts entre le régime des entreprises de zones franches d'exportation (ZFE) et celui des sociétés opérant en dehors de ces zones inquiètent de plus en plus organisations internationales et économistes. L'OMC recommande une réforme réglementaire d'envergure permettant de simplifier le système de taxation, une plus grande liberté de change ainsi que le rétablissement de l'équilibre entre les entreprises locales et étrangères. Faut-il revoir le régime des zones franches ? L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a tiré la sonnette d'alarme dans le cadre de son dernier examen de la politique commerciale du royaume. L'institution du GATT préconise d'«harmoniser le régime des entreprises de zones franches d'exportation (ZFE) avec celui des sociétés opérant en dehors de ces zones». Autrement dit, d'accorder aux entreprises situées en dehors de ces zones des avantages de nature à réduire l'énorme fossé qui les séparent des bénéficiaires des ZFE. L'organisation déplore la présence de plus en plus marquée d'une concurrence déloyale entre les entreprises nationales et les entreprises étrangères installées dans ce type d'infrastructures. Ces dernières bénéficient d'avantages importants et de plusieurs incitations (fiscales, bancaires et de change) en comparaison avec les sociétés marocaines. Le serpent qui se mord la queue Cette question inquiète au plus haut point la CGEM. «La compétitivité nationale se dégrade d'année en année. En insistant sur les avantages de ces zones franches pour attirer l'investissement étranger, la politique économique du pays ne favorise pas le développement d'outils de production locaux», regrette Hakim Marrakchi, vice-président de la CGEM. Pour le patronat, il ne s'agit pas de supprimer ces avantages mais de fournir d'aussi bonnes incitations aux entreprises agissant en dehors de ces zones. «Le développement des entreprises nationales ne s'oppose pas à celui des entreprises étrangères agissant dans le cadre de ces ZFE: les deux doivent se compléter», précise Marrakchi, également président de la Commission développement à l'international au sein de la confédération patronale. Certaines entreprises dénoncent ce qu'elles appellent une concurrence déloyale indirecte : «En profitant d'un faible coût d'installation et d'avantages fiscaux intéressants, ces entreprises se permettent de renchérir en termes de salaires et proposent des rémunérations importantes à leur collaborateurs, proposant parfois des niveaux de rétribution que les entreprises locales ne peuvent atteindre, ce qui est de nature à créer un énorme déséquilibre», explique Marrakchi. En effet, les ZFE profitent d'exonération de tous droits et taxes directes ou indirectes frappant l'importation, la circulation, la consommation, la production ou l'exportation sur les marchandises entrant ou sortant des ZFE. Ce régime offre également aux sociétés une exonération totale d'IS durant les cinq premiers exercices consécutifs, un taux d'imposition à l'IS réduit à 8,75% pour les 20 exercices consécutifs suivants, et aux personnes physiques une exonération totale d'IR durant les cinq premiers exercices consécutifs et un abattement de 80% pour les dix années consécutives suivantes. Les transactions en devises étrangères sont libres, de même que le rapatriement de capitaux et la convertibilité des changes. Les actes de constitution et d'augmentation de capital des sociétés installées dans les zones franches sont exonérés de droits d'enregistrement. Enfin, les entreprises s'installant au sein d'une ZFE bénéficient de procédures simplifiées (guichet unique) leur permettant de contourner les lourdeurs administratives. Dans ce contexte, les entreprises agissant en dehors de ces ZFE se voient de facto défavorisées. Transfert de technologie Comme le note l'OMC : «les conditions d'exportation et de ventes nationales par ces entreprises sont spécifiées au cas par cas. Ce régime est donc susceptible d'engendrer une concurrence défavorable au reste de l'économie locale». Il faut savoir que cette situation s'inscrit même en rupture avec les principe de l'OMC, notamment la question du «traitement national». Ce principe voudrait que les mêmes avantages accordés aux entreprises nationales soient accordés aux entreprises étrangères en vue d'éviter toute discrimination. Il semble, dans ce cas de figure, que ce soit plutôt le contraire qui tend à se généraliser au Maroc. Surtout que cette politique ne semble pas se traduire par un vrai transfert de technologie pour certaines industries y compris l'automobile et l'aéronautique. «Le processus demeure très lent et le temps que le transfert se fasse, de nouvelles technologies auront déjà dépassé celles nouvellement acquises», prévient un économiste. Pour éviter le pire, l'OMC recommande une réforme réglementaire d'envergure permettant de simplifier le système de taxation, une plus grande liberté de change et le rétablissement de l'équilibre entre les entreprises locales et étrangères. «Une telle réforme devrait permettre à l'économie de renforcer davantage sa compétitivité et de faciliter la création de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois», précise le secrétariat de l'OMC dans le cadre de son résumé de l'examen de politique commerciale. Elargissement des ZFE de Salé et de Kénitra Le Conseil de gouvernement vient d'acter l'élargissement de la zone franche d'exportation de Technopolis de Salé. Cette expansion a fait l'objet d'une demande de la société Technopolis Rabat Shore, en sa qualité de responsable de l'aménagement et de la gestion de la zone franche afin d'étudier la possibilité de fusion entre la société Corporation Electronic Morocco et l'entreprise Mimotec Technology. Outre le projet de décret relatif à la zone franche de Technopolis, le Conseil du gouvernement a également adopté le projet de décret portant sur l'élargissement de la zone franche d'exportation de Kénitra. Un projet qui vise à modifier la délimitation de cette zone franche afin de contenir deux assiettes foncières, dont 199 hectares pour la zone actuelle et 150.53 hectares supplémentaires pour le projet de l'usine PSA Peugeot-Citroën. Pour rappel, le Maroc s'est engagé à accompagner le projet qui vise à créer près de 23.500 emplois (directs et indirects) par plusieurs mesures, notamment l'élargissement de la zone franche d'exportation de Kénitra. Qui gère les zones franches ? L'aménagement et la gestion des zones franches d'exportation (ZFE) sont concédés, après appel à la concurrence ou de gré à gré, sous certaines conditions (conformément à l'article 7 de la loi n° 19-94, tel qu'amendé), à un organisme de droit public ou de droit privé sur la base d'un cahier des charges définissant les droits et obligations du concessionnaire. Ce dernier a la charge de l'aménagement, la gestion, la maintenance de l'ensemble de la zone franche d'exportation et la soumission des dossiers des investisseurs à une commission locale des ZFE pour approbation. L'organisme sert alors, entre autres, de guichet unique aux demandes de statut d'entreprise de ZFE. Actuellement, le Maroc dispose de plusieurs ZFE dont la plus importante est située à Tanger (ZFT) (voir tableau).