Le Marocain moyen est peu pollueur, ou du moins, est petit émetteur de Gaz à effet de serre (GES). Pourtant, au-delà des aspects environnementaux, l'atténuation de nos émissions de GES présente des opportunités concrètes pour la modernisation de nos activités reposant jusque-là sur la combustion d'énergies fossiles polluantes. À la tête de ces activités, l'on retrouve l'énergie, première émettrice de GES, avec une part de 56,5% du total de nos émanations gazeuses nocives, comme c'est d'ailleurs le cas dans la majorité des pays de la planète. Du coup, l'essentiel des projets marocains d'atténuation, et l'essentiel des budgets qui iront avec, concernent le volet énergétique, dans sa composante de production d'électricité d'abord, mais également en ce qui concerne la composante de consommation, dont une part importante est du fait des transports. Ainsi, en préparation de la COP22 de novembre prochain à Marrakech, le Maroc a présenté lors de sa Troisième communication nationale sur le changement climatique, une série de projets concrets, dont les coûts et les retombées sont déjà estimés, et qui visent, tous, l'atténuation des émissions de GES du Maroc, tout en évitant d'entraver le développement du royaume, et même de catalyser son avancée technologique. Les projets présentés dans ce qui suit sont parmi les plus remarquables dans le domaine de l'énergie. Ils sont aussi parmi les plus pragmatiques, n'écartant pas totalement les énergies fossiles, mais adoptant plutôt la logique du bilan de GES le plus positif possible. C'est le cas du gaz naturel, notamment dans le cadre des centrales à cycle combiné qui, malgré le caractère fossile de la ressource, est beaucoup plus efficient énergétiquement que le charbon ou le fuel, et bien moins émetteur de GES. Par cette liste de chantiers concrets, commence à se dessiner le visage futur de notre paysage énergétique. Le GNL va turbiner. Dans le mix énergétique durable du Maroc, le gaz naturel occupe une place prépondérante dans la structure future. Cette énergie fossile constitue en effet la base d'une part importante des mesures d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans les projets programmés par le Maroc dans son programme de lutte contre le changement climatique. Aussi, les projections retenues dans les initiatives marocaines prévoient l'extension des capacités des Centrales à cycle combiné de 836 actuellement à 4.750 MW à l'horizon 2030, utilisant principalement du gaz naturel liquéfié (GNL). Les centrales utilisant cette technologie nécessiteront un investissement de 3,7 milliard de dollars. L'importation et la distribution du gaz naturel dans les principales villes industrielles du royaume est également l'un des leviers d'atténuation retenus, alors que les premières phases du Plan national GNL ont démarré. Nucléaire : une mégacentrale de 1.300 mégawatts pour 2035. Jusque-là, le nucléaire civil au Maroc est perçu comme une piste énergétique de dernier ordre, mais le tout récent rapport sur les initiatives marocaines d'atténuation des émissions de GES rend l'utilisation de cette source d'énergie controversée bien plus concrète. En effet, parmi les mesures concrètes proposées dans le volet énergie figure la construction d'une centrale nucléaire d'une capacité de 1.300MW à l'horizon 2035. Dans le même rapport toutefois, la liste des barrières recensées pour cette source d'énergie est très longue, avec notamment la «contestation fréquente des projets nucléaires, ce qui accroît les risques de nature politique ou réglementaire, ou encore le besoin de solutions et de mécanismes de financement clairs pour la gestion des déchets radioactifs». Selon les prévisions officielles, cette centrale devrait coûter près de 5 milliards de dollars. Photovoltaïque : les privés vont enfin injecter des watts sur le réseau. Le programme national de développement des chauffe-eau solaires «Shemsi» a comme objectif d'atteindre une surface de 1.700.000 m2 à l'horizon 2025 pour un budget de 945 millions de dollars. Le Programme national de promotion des panneaux photovoltaïques basse tension pour une capacité totale de 1.000MWc mobilisera pour sa part plus de 2 milliards de dollars sur une surface de toiture considérée disponible de 175.000 m2. Le solaire photovoltaïque pour la production d'électricité injectée au réseau électrique se développe dans le monde avec une croissance annuelle de près de 25% par année. Du côté du vent, les parcs éoliens privés devraient connaître une extension à 150MW à l'horizon 2040, pour un coût limité à 11 millions de dollars. Transports : l'Etat compte donner l'exemple. Outre le rajeunissement du parc automobile national par incitations fiscales et mise en place d'un système «Bonus-Malus» lié aux émissions de CO2 des véhicules, l'Etat est appelé à donner l'exemple. En effet, le Maroc propose un programme de modernisation du parc automobile de l'Etat avec des véhicules électriques. Nous recommandons le remplacement de 50% du parc actuel par des véhicules électriques. Cela nécessite, outre le prix du véhicule, l'installation de bornes de recharge. De plus, les experts recommandent la réduction du parc actuel de 20%. Le nouveau parc serait ainsi constitué de 38.500 véhicules électriques et 23.100 véhicules classiques. Une subvention fixe de l'ordre de 50.000DH suffirait pour réaliser le programme à échéance de 3 ans. Après cette période, les véhicules qui n'auront pas été remplacés devront être mis hors circulation en tant que transport en commun. Le coût de ce programme est estimé à 540 millions de dollars. Marrakech, Fès, Tanger et Agadir auront leurs trams. Les projets de tramway retenus dans le cadre des initiatives marocaines d'atténuation des émissions de GES ont pour objectif de développer un système de transport collectif adapté reliant les principaux quartiers des villes. Il est ainsi destiné à renforcer et à moderniser le dispositif des transports collectifs urbains à l'horizon 2030. Aussi, les grandes villes du royaume comme Marrakech, Fès, Tanger et Agadir auront leurs lignes de tram. Les réseaux de tramways existant à Rabat et Casablanca seront pour leur part étendus. Le coût prévisionnel total de ces programmes est estimé à près de 4,3 milliards de dollars, dont plus de 40% pour l'extension du réseau casablancais. Hydraulique, éolien, solaire... les valeurs sûres. À l'horizon 2020, le Parc éolien national totalisera une puissance de 2.008 MW. Pour sa part, l'énergie solaire de puissance (CSP+PV) atteindra une capacité de 2.000 MW. Les projets relatifs à ces deux énergies renouvelables d'avenir devront mobiliser un investissement total de près de 12,5 milliards de dollars. Cette enveloppe englobe la centrale thermo-solaire de Ouarzazate qui vient d'entrer en service. À ces deux énergies renouvelables de premier ordre s'ajouteront des capacités supplémentaires en hydroélectricité. De nouvelles centrales hydrauliques permettront d'apporter une capacité supplémentaire de 775 MW et des «micro-centrales» rajouteront 100MW supplémentaires pour un budget total d'1,8 milliard de dollars. Les «NAMAs» du Maroc. Les projets évoqués ci-contre entrent dans le cadre des «NAMAs» marocaines. En effet, le Maroc a soutenu l'Accord de Copenhague en notifiant au Secrétariat de CCNUCC une liste de mesures d'atténuation appropriées au niveau national ou «NAMAs», qu'il a développée et compte mettre en œuvre pour atténuer ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020. «Nonobstant la mise en œuvre des différents projets et mesures planifiées dans ce cadre, ces derniers demeurent confrontés à l'insuffisance des ressources financières au niveau national», précise la partie marocaine dans son rapport officiel. L'appui de la coopération internationale et la mobilisation des ressources additionnelles sont cruciales pour la mise en œuvre de la Politique du changement climatique au Maroc (PCCM). Les NAMAs des différents pays prenant part à la COP22 serviront de base de discussion dans les scénarios retenus.