Abdellatif KABBAJ : Président de la CNT Les mauvaises nouvelles s'enchaînent pour les professionnels du secteur du tourisme. La suspension des activités des voyagistes au sein de la CNT et la démission du président de l'Association nationale des investisseurs touristiques met en exergue le malaise ambiant qui plane chez les professionnels. La CNT pointe du doigt les manquements de la vision 2020 et entend revoir en profondeur son organisation interne. Rien ne va plus chez la Confédération nationale du tourisme (CNT). La 1ère session de son Conseil d'administration qui s'est tenu, mardi dernier, à Casablanca s'est principalement intéressée aux questions de gouvernance. La CNT est en proie à des troubles internes depuis que certaines parties prenantes ont décidé de se désengager de l'organisation. C'est le cas notamment de la Fédération nationale des agences de voyage du Maroc (FNAVM) qui a décidé de suspendre toute participation aux activités de l'organisation ou encore de l'Association nationale des investisseurs touristiques (ANIT) dont la président a décidé récemment de démissionner pour contester la mauvaise gestion du secteur. Une suspension justifiée auprès de la FNAVM par des « comportements contraires aux valeurs d'éthique et de déontologie professionnelle». En réponse à ces désengagements (voir encadré), la CNT dénonce lors de son dernier Conseil d'administration « la fuite en avant de certains membres, qui s'est caractérisée par leur manque d'implication tant sur le plan humain que sur le plan financier dans les différentes actions et processus de prises de décisions mises en place par la CNT». Selon un observateur, «c'est l'ensemble des relations entre la confédération et les différentes entités qui la composent qui gagnerait à être redéfinie». Une position que semble finalement appuyer la CNT qui a confirmé dans le cadre de son dernier Conseil d'administration la nécessité d'un travail en profondeur sur l'organisation interne de la confédération, qui s'appuie sur ses deux piliers que sont les métiers et les régions. Une nouvelle organisation devrait d'ailleurs être présentée durant la prochaine session prévue le 12 février, à Marrakech, afin qu'elle soit entérinée par la prochaine assemblée générale. Fortes perturbations Il faut dire que les temps sont durs pour le secteur du tourisme qui connait de fortes perturbations et qui doit faire face à une frilosité constante des marchés. Dans ce contexte, la profession gagnerait à être plus soudée en vue de mieux défendre ses intérêts. La CNT, appelle donc «à la mobilisation de tous, pour permettre à la profession de concrétiser les opportunités qui s'offrent à notre pays grâce à son potentiel historique et à sa stabilité». Les membres du Conseil ont d'ailleurs été très virulent à l'égard du manque de réactivité des instances signataires du contrat programme Vision 2020. «Ce secteur qui emploie plus de 500.000 personnes, qui réalise près de 8% du PIB et qui est parmi les 1ers pourvoyeurs de devises et d'investissements n'est plus dans les priorités du gouvernement et se trouve livré à lui même, dans une conjoncture internationale particulièrement difficile», tranche la CNT. Sonnette d'alarme En effet, les drames qui ont affecté certains marchés émetteurs, principalement la France et la Belgique, devraient avoir un grand impact sur l'activité du secteur en 2016. Une situation qui s'est confirmée tout au long de l'année 2015 avec des chutes importantes sur certaines destinations phares comme Marrakech et Agadir. Le gouvernement à travers l'Office national marocain du tourisme (ONMT) tentera dans ce contexte de préserver ses parts de marché tout en visant la récupération des parts dans certains relais de croissance, tels que la Russie, la Pologne et les pays scandinaves. Un intérêt particulier sera d'ailleurs accordé aux marchés allemand et britannique, qui ont démontré une bonne résilience en 2015 vis-à-vis de la destination Maroc, avec des taux de croissance respectivement de 8% et 6%. Une situation qui s'apparente plus à des solutions de colmatage pour les professionnels qui continuent à s'interroger sur les raisons du retard constaté sur le contrat-programme 2020 et la plan Azur. C'est le cas en particulier pour les projets de stations balnéaires. Les recommandations des 11es Assises du tourisme ne semblent pas avoir eu un réel écho. Le Plan Azur qui accuse 5 ans de retard par rapport à son programme initial n'en est encore qu'à mi-chemin puisque seuls trois des six stations balnéaires prévues sont en fonction avec un bilan, là aussi, loin de satisfaire. Pour la CNT, ce manque de visibilité et d'intérêt porté au secteur engendre «une démobilisation totale des professionnels qui peut à moyen terme aboutir à des licenciements partiels dans tous les secteurs d'activité touristique». Les administrateurs ont tenu à tirer la sonnette d'alarme quant aux risques de cette situation et leurs capacités individuelles et collectives pour juguler la crise. Un fonds de garantie pour relancer l'investissement Les départements des Finances et du Tourisme viennent de lancer un fonds de garantie pour la dynamisation de l'investissement touristique. Ce fonds initié par la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT) et la Caisse centrale de garantie (CCG), prévoit un mécanisme de partage des risques avec les banques, qui fait preuve d'une grande responsabilité de l'Etat pour lever les problèmes de levée de la dette des entreprises touristiques. Il permettra de supporter une partie du risque par l'Etat et ce en garantissant 60% du crédit en principal pour les projets situés dans les stations balnéaires intégrées du «Programme Azur 2020 contre 50% du crédit en principal pour les projets situés en dehors desdites stations. En effet, les banques, qui jusque-là étaient réticente à financer des programmes d'investissements touristiques, sont aujourd'hui rassurées grâce à ce mécanisme de réduction de leur exposition au risque. Fruit de négociations pilotées par la SMIT auprès de ses partenaires, le fonds est doté d'une enveloppe globale de 400 millions de DH, sur la période 2015-2020, dont un montant de 300 millions de DH provenant du budget général de l'Etat et un montant de 100 millions de DH du Fonds Hassan II.