Deux ans après, qu'advient-il du projet de loi réglementant la profession des agents immobiliers ? L'Association marocaine des agences immobilières (AMAI) a revu à la baisse ses conditions restrictives d'accès à la profession. Le texte devrait bientôt être présenté pour discussion au Secrétariat général du gouvernement. Les agences immobilières voient rouge. La profession, qui tente actuellement de s'organiser en mettant en place une nouvelle loi réglementant le métier, se heurte à une réalité de plus en plus inquiétante... la prolifération de l'informel dans le cadre du courtage et de l'intermédiation. L'Association marocaine des agences immobilières (AMAI), qui a porté le projet de loi sous forme de proposition auprès du département de l'Habitat, entend mettre un terme à l'anarchie qui règne dans le secteur. Avec un secteur qui évolue à grande vitesse et des investisseurs étrangers qui s'intéressent de plus en plus au Maroc, le secteur a besoin de se réformer. Pourtant, rapporteurs d'affaires, «semsars» et autres agents non déclarés minent le marché. Non seulement ces personnes sont de plus en plus nombreuses, mais elles seraient «doublement dangereuses» selon l'AMAI. «Ce sont d'abord ces personnes, agissant dans l'informel, qui accaparent le plus gros du business dans ce secteur, ce qui constitue un manque à gagner important pour les caisses de l'Etat. Le comble, c'est qu'ils n'offrent aucune sécurité juridique et qu'ils n'ont aucune valeur ajoutée à offrir en matière de conseil à leurs clients», tempête Mohammed Lahlou, président de l'AMAI. «Le semsar m'a tuer» Cela fait plus de deux ans que l'association milite pour l'adoption du projet de texte réglementant la profession et coupant ainsi l'herbe sous le pied de l'informel. Mais l'affaire semble être plus compliquée qu'il n'y paraît. D'abord, les conditions d'accès à la profession incluses dans le cadre de la proposition faite par les professionnels ont été jugées «trop restrictives» par le ministère de l'Habitat et de la politique de la ville. Les professionnels proposent des conditions minimales d'entrée parmi lesquelles l'attestation d'une formation d'un minimum de BAC + 2, un stage et une formation dans la discipline. Les agents pouvant attester de 10 ans d'exercice au sein de la profession seront également intégrés. La proposition est actuellement à l'étude au sein du département de Nabil Benabdallah. Celui-ci a également émis des réserves concernant la mise en place de commissions d'étude chargées de recueillir les candidatures des personnes qui entendent devenir agents immobiliers. La question devrait finalement faire l'objet d'un décret d'application fixant la composition et les fonctions de ces commissions. Enfin, la question du montant des garanties financières reste également en suspens. Il s'agit de clarifier le montant de cette avance que l'agent immobilier peut toucher à l'occasion de contrats de location. L'association des agents immobiliers vise à combattre en particulier la pratique des «semsars». Des milliers de personnes vivent aujourd'hui de cette pratique qui s'est bien ancrée dans les habitudes des Marocains. «Si nous voulons lutter contre l'informel, nous devons absolument inclure les semsars qui arpentent les rues dans le cadre de notre activité». Coûts supplémentaires L'AMAI propose que ces derniers ne soient plus que les intermédiaires entre le vendeur et l'agence immobilière, laissant à cette dernière le soin de s'occuper de la relation entre l'acheteur ou le locataire et le vendeur. «Il doit pour ce faire disposer d'une patente et signer un contrat avec une agence agréée», explique Lahlou. Cela permettra de mieux verrouiller l'opération, l'agence se chargeant notamment d'assurer la sécurité de la transaction et des conditions de propriété du vendeur. Or, la multiplication des intermédiaires se traduira sans doute par un coût supplémentaire assumé cette fois-ci par le consommateur, en l'occurrence l'acheteur. Pour resserrer encore plus l'étau autour de ces agents de l'informel, le projet de loi devrait inclure la mise en place d'une liste d'agents agréés à destination des notaires. «Il y a beaucoup de détournement et de spoliation de terrain. Aujourd'hui, énormément de procès sont en cours de traitement. Il faut mettre fin à cette anarchie», témoigne un agent immobilier casablancais. Autre souci majeur pour l'AMAI, la montée en puissance de sites d'annonces de particulier à particulier qui sont très populaires auprès des usagers. Certains rapporteurs d'affaires utiliseraient même ce canal pour exploiter le business des agences immobilières reprenant des annonces faites par ces derniers. C'est à se demander si la profession pourra un jour en finir avec les maux qui pénalisent son développement. Un ordre des agents immobiliers ? Le projet de loi réglementant la profession devrait bientôt être déposé au Secrétariat général du gouvernement pour recueillir les remarques et commentaires avant son passage par le Conseil de gouvernement. Une fois adopté, la prochaine étape pour l'association des agents immobiliers serait de se constituer en ordre. «Nous voulons créer un conseil de l'ordre de notre profession ou du moins une fédération des agences immobilières pour mieux représenter la profession». Il est à noter que le secteur formel ne serait aujourd'hui représenté que par 400 agences, dont une grande partie agit sur l'axe Casablanca-Rabat.