Malgré sa jeunesse, l'industrie marocaine du capital investissement a réussi à se structurer, à se professionnaliser et surtout à gagner la confiance des investisseurs. L'expérience acquise par les professionnels du secteur sur un marché en développement constitue un atout de taille pour aborder le continent africain. Avec une croissance économique de l'ordre de 7% et des besoins colossaux de financement des infrastructures, le continent africain suscite plus que jamais l'intérêt du capital investissement, qui est en quête de relais de croissance. C'est en ces termes que se sont exprimés les professionnels du capital investissement lors de la 5e édition de la conférence annuelle de l'AMIC (Association marocaines des investisseurs en capital), intitulée : «Journée du capital investissement», organisée le jeudi 21 janvier dernier à Casablanca. Cette édition a été placée sous le thème : «Le capital investissement, du Maroc à l'Afrique». «Le capital investissement joue un rôle important dans l'économie marocaine puisqu'il a assuré la principale source de financement externe en fonds propres dans les entreprises marocaine avec plus de 6MMDH investis, presque 12MMDH de capitaux levés par les opérateurs du secteur et plus de 200 entreprises investies, dont 98% sont des PME. À la suite de ces réalisations, l'Afrique s'est imposée comme un relais de croissance pour le secteur. Depuis 2012, une autre génération de fonds a vu le jour, des fonds transrégionaux qui intègrent le Maroc, le Maghreb et l'Afrique dans leur champ d'intervention» a souligné Omar Chikhaoui, président de l'AMIC, en guise d'ouverture du sujet. Plus d'une raison d'y aller L'intérêt que portent les acteurs marocains du private equity à l'Afrique se justifie également par une demande croissante de la part des entreprises marocaines, en quête de financement et d'accompagnement de leurs projets sur le continent. De plus en plus, dans les stratégies des entreprises marocaines figure une rubrique de développement en Afrique. L'attractivité grandissante de l'Afrique devient ainsi une réalité incontournable pour l'ensemble des acteurs économiques. Les chiffres le confirment. Les besoins en investissement du continent s'élèvent à plus de 100 milliards de $ par an. Aussi, face à une conjoncture économique difficile en Europe et dans les pays émergents, les économies africaines continuent d'afficher des croissances soutenues, faisant du continent l'un des moteurs principaux de la croissance mondiale. Ces besoins ainsi que le potentiel qui en découle, constituent un vrai vivier de croissance pour le capital investissement en Afrique. D'ailleurs, «l'industrie marocaine du capital investissement dispose aujourd'hui de vrais atouts pour son développement, à commencer par un hub financier qui se matérialise par la place financière de Casablanca Finance City, classée deuxième en Afrique selon le GFCI. Celle-ci permettra aux fonds une domiciliation aux mêmes standards que ceux que l'on peut observer sur des places comme celle du Luxembourg, de Jersey, ou Maurice. Aussi, plusieurs accords de libre- échange ont été signés entre le Maroc et un certains nombre de pays africains. L'industrie bénéficie aussi de la confiance d'un nombre important de bailleurs de fonds internationaux, en plus de la croissance soutenue du projet de développement des entreprises marocaines sur le continent africain», explique Omar Chikhaoui. Pour accompagner ce développement, son association, l'Amic, a opté en 2016 pour de nombreuses actions visant à promouvoir le développement du capital investissement Afrique à commencer par la création d'un club d'échanges entre chefs d'entreprise, investisseurs et gestionnaires de fonds. «Ce club vise à communiquer et partager des informations sur les défis à relever et sur les pratiques du marché africain ainsi que de faciliter des partenariats d'investissement sur le continent africain», affirme Chikhaoui. Le deuxième action de l'Amic consiste en l'établissement de partenariats avec des associations professionnelles. Dans ce sens, un premier partenariat a été conclu au mois d'octobre 2015 avec l'AVCA - African Private Equity and Venture Capital Association. Enfin, l'association entend mettre en place des programmes de formation pour les managers des entreprises constituant son portefeuille, leur permettant une meilleure connaissance des défis à relever dans les économies africaines. Des obstacles à surmonter Par ailleurs, malgré l'intérêt porté à l'Afrique, des risques considérables freinent encore la collecte de capitaux et les investissements sur le continent. «L'absence d'écosystèmes financiers et juridiques efficients et propices à l'investissement en est un. Il y a aussi le manque de profondeur et de liquidité des marchés boursiers africains, ces derniers étant importants pour la sortie des fonds de private equity. L'absence d'éducation liée au private equity de la part des investisseurs institutionnels africains, notamment les fonds de pension. Les restrictions des mouvements de capitaux entre le continent et le reste du monde n'incitent pas à l'investissement et freinent davantage son développement», a confié, pour sa part Saïd Ibrahimi, CEO de Casablanca Finance City Authority avant d'affirmer que le Maroc à travers CFC a tous les ingrédients nécessaires pour être un hub du capital investissement régional. «Les atouts du Maroc incluent principalement un secteur financier des plus développés, avec en particulier une industrie de la gestion d'actifs très performante, mais aussi un cadre légal et réglementaire dédié au capital investissement adapté aux besoins de l'industrie et en constante évolution pour s'ajuster à ses besoins. Nous avons aussi un écosystème déjà dense et opérationnel et de plus en plus d'acteurs du capital investissement qui couvrent toute ou partie de l'Afrique depuis Casablanca tels qu' Africa 50», a précisé le patron de CFCA. De son côté, Ismaïl Douiri, directeur général d'Attijariwafa bank, a attiré l'attention sur le fait que l'industrie marocaine du capital investissement reste relativement jeune au Maroc et qu'elle a encore de nombreuses étapes à parcourir et difficultés à surmonter. «L'industrie marocaine du capital investissement à de nombreux atouts, mais il reste du chemin à parcourir. Ainsi, certains obstacles s'opposent à son développement», a précisé Douiri. Selon lui, les TriNet proposés par les gestionnaires aux investisseurs, qui varient entre 8 et 15% en dirhams, peuvent être intéressants pour des institutionnels marocains, surtout dans un contexte de taux d'intérêt bas et au vu de la morosité du marché boursier ; mais ils sont loin d'être susceptibles d'attirer des investisseurs étrangers qui voient le Maroc comme l'un des 200 autres pays et qui regardent un certain nombre de risques supplémentaires. Aussi, le capital investissement n'offre pas une réponse pour l'ensemble des cycles de vie de l'entreprise tels l'innovation et la recherche avant même la création de l'entreprise, les sujets de liquidation et de restructuration des entreprises. En effet, 75% des investissements sont réalisés dans le cadre du capital développement. Nouveau cadre juridique «Il est aussi question de savoir si dans le cadre des relations entre gestionnaires et investisseurs, clés de réussite, les uns et les autres ont bien assimilé leurs rôles respectifs pour permettre à l'industrie de continuer à croître et d'améliorer ses rendements ?», s'est interrogé le DG de la banque marocaine avant de souligner que le cadre juridique et fiscal du capital investissement commençait à évoluer, mais laissait encore de très grandes zones d'amélioration. Soulignons à ce titre la mise en place en 2015 de la loi relative aux organismes de placement en capital risque (OPCC) qui a permis d'harmoniser le cadre juridique marocain avec les mêmes standards des grandes places financières internationales. Il a ainsi introduit les OPCC à politique d'investissement internationale. Ce nouveau véhicule offre ainsi une grande flexibilité d'investissement à l'international. L'industrie du capital investissement devrait inéluctablement tirer profit de ce cadre innovant et flexible.