Les 39 «mâasras» basées à Fès sont à l'origine du dysfonctionnement de la station d'épuration des eaux usées. Il s'agit là d'un problème écologique de grande ampleur. Le système d'extraction à deux phases est beaucoup moins polluant que celui mobilisant les techniques traditionnelles. C'est la saison de la trituration des olives, et les unités de production, «les mâasras», tournent à plein régime. Généralement, la production d'huile d'olive au Maroc se déroule entre novembre et avril. Selon les dernières statistiques de la Direction régionale de l'agriculture de Fès-Boulemane (DRA/FB - Taounate, Taza, Fès, Sefrou ...), la région Fès-Meknès accapare plus de 36% de la production nationale d'olives. L'huile qui en dérive ne constitue qu'une part infime de la biomasse produite tout au long du processus oléicole. Les margines d'un brun rougeâtre à noires et les grignons d'olives représentent la biomasse restante considérée comme résidus de la trituration des olives. Ces résidus causent de sérieux problèmes environnementaux et techniques La STEP de Fès à l'arrêt En effet, de par leur forte charge en matières décantables et toxiques, les effluents industriels de la ville de Fès entravent considérablement le fonctionnement de la station de traitement des eaux usées de la ville. Sur ce point, nous avons saisi la direction de la Régie autonome intercommunale de distribution d'eau et d'électricité de Fès (RADEEF) afin d'avoir des éclaircissements sur le fonctionnement de la station, mais nous n'avons pas eu de réponse. Cependant, lorsque nous nous sommes déplacés sur les lieux, nous avons pu remarquer que la station était à l'arrêt. Mais le problème ne s'arrête pas là. La question qui doit être posée est la suivante : où finissent les eaux polluées (sans traitement) de la station ? Il faut savoir que ces eaux usées, provenant de la consommation de plus de 4 millions d'habitants, ne peuvent pas être retenues dans la station pendant longtemps. Cela dit, il faut savoir que depuis 2012, les 39 unités de production d'huile d'olive de la ville de Fès rejettent leurs déchets dans les égouts. Ceux-ci finissent dans le réseau d'assainissement de la RADEEF, puis dans la station d'épuration des eaux usées de la ville pour rejoindre enfin le bassin de Sebou. Pour les spécialistes de la filière, les rejets des margines dans la ville de Fès peuvent atteindre annuellement entre 80.000 m3 et 160.000 m3. Pour sa part, l'oued Sebou, qui est le récepteur final de l'ensemble des eaux usées de Fès, est le plus pollué du royaume (28% de la pollution totale). Le sous-bassin de Fès génère à lui seul 40% de la pollution de cet oued (selon des statistiques de la RADEEF de 2007). «Depuis 2012, nos margines sont jetées directement dans les égouts. Nous utilisons les bassins collectifs situés dans la commune Oulad Jamaâ», reconnaît un producteur de la zone industrielle de Dokkarat. À ce niveau, il faut souligner la situation géographique des bassins (jugés trop éloignés et non rentables par les industriels) et leurs capacités «insuffisantes» seraient à l'origine de la cessation, en 2012, de l'accord entre la RADEEF et les producteurs d'huile d'olive à Fès portant sur l'utilisation des bassins à évaporation naturelle construits dans la commune rurale d'Oulad Jamaâ, située à l'extérieur de la ville de Fès.. Taza, Taounate et Sefrou concernées... Avec une capacité de 40.000 tonnes d'huile d'olive par an, la province de Sefrou dispose de 590 mâasras traditionnelles et de 38 modernes. Plus de 90% des margines de ces unités étaient jetées, avec les eaux usées, dans la nature. Pour faire face à cette situation, les autorités locales de Sefrou ont opté pour la sensibilisation des unités traditionnelles sur l'importance des bassins imperméables à évaporation naturelle. Leur but est de limiter les dégâts des rejets des margines par l'information des producteurs d'huile d'olive sur les aides accordées par la caisse de lutte contre la pollution. Pour sa part, l'Agence du bassin hydraulique de Sebou (ABHS) a élaboré un projet pour le traitement des margines au niveau de la province de Sefrou avec une enveloppe de 7,8 MDH. Selon Oussama Chedadi, responsable de la qualité de l'eau à l'ABHS, «Les études d'impacts sur l'environnement sont aujourd'hui obligatoires pour les unités récemment installées. À ces études s'ajoutent des visites du comité provincial dédié à cette activité, et dont l'objectif est de contrôler ses unités». Cette année, une dizaine d'unités de production d'huile d'olive ont été fermées pour non respect des cahiers des charges. Technologies alternatives, la solution L'évaporation naturelle, seule technique à ce jour homologuée par les instances de tutelle et adoptée par les industriels pour le traitement des margines, a démontré ses limites tant au niveau du rendement qu'au niveau de sa faisabilité. D'où la nécessité de proposer de nouvelles technologies alternatives. Pour Noureddine Ouazzani, responsable de l'Agro-pôle Olivier Meknès, «à Meknès, la plupart des industriels optent aujourd'hui pour le procédé de trituration à deux phases qui est plus écologique que celui de trois phases». En effet, le système continu à deux phases permet de séparer, au moyen d'une seule centrifugation, l'huile et les grignons humides qui sont 3 à 5 fois moins polluants que les margines. Cela étant, on assiste, grâce, entre autres, aux travaux de l'Agro-pôle Olivier, au recours de plus en plus à l'épandage des margines et du compost des grignons sur les terres agricoles comme fertilisants. «Il faut souligner que certaines régions oléicoles marocaines, comme celle de Meknès, jouissent en plus d'une grande capacité de trituration, de la disponibilité d'un gisement de biomasse solide (grignon épuisé, noyaux d'olives et bois de taille) qui peut être transformé en énergie, en particulier pour la production d'électricité par cogénération», souligne Noureddine Ouazzani.