Après le projet de loi instituant la transformation du Conseil déontologique des valeurs mobilières en Autorité des marchés, le gouvernement a adopté fin août dernier un projet de loi sur l'appel public à l'épargne, ce qui marque la dissociation entre l'appel public à l'épargne et le texte régissant le CDVM. Selon Alain Gauvin, avocat et associé à Lefèvre Pelletier, «la séparation de ces deux textes est une donnée logistique qui n'aura pas de conséquences fondamentales. Le législateur a voulu bien marquer le renforcement de l'autorité du régulateur, notamment l'ancien CDVM, dont le champ d'intervention ne se limitera plus aux valeurs mobilières, mais s'étendra à d'autres instruments». Grâce à cet élargissement, le CDVM aura donc un pouvoir encore plus étendu. La loi sur l'appel public à l'épargne, portant le n° 54.08, vient ainsi renforcer le pouvoir de cette institution dans ce domaine-là. Certes, elle n'apporte que des modifications mineures, mais leurs conséquences sont de taille. Parmi ces nouvelles dispositions, il y a lieu de souligner l'introduction de définitions de quelques concepts qui n'étaient que sous-entendus, et auxquels on faisait référence, ce qui posait des problèmes. Il s'agit notamment de la publicité, du démarchage financier et de l'intermédiaire financier. Du point de vue de Brahim Sentissi, directeur de Cejefic Consulting, «l'ajout de ces définitions permettra à tout le monde de parler le même langage pour l'application des textes, et d'éviter ainsi tout amalgame». Le second point apporté par le nouveau texte de loi instaure, quant à lui, la possibilité au CDVM de recourir à un expert externe pour contrôler les aspects techniques relatifs au métier de la personne morale désirant réaliser un appel public à l'épargne, chose qui se faisait jusqu'à aujourd'hui par les équipes du régulateur. «Cela permettra de vérifier de manière plus précise les informations communiquées, mais il faut que l'expert soit indépendant et qu'il puisse être constitué rapidement», souligne Sentissi, avant d'ajouter que le recours à cet expert demeure facultatif. Par ailleurs, le troisième apport concerne le pouvoir accordé au CDVM de retirer le visa accordé, dans le cas où la note d'information présentée par la société faisant appel public à l'épargne «comprend des informations fausses ou trompeuses ou des omissions de nature à induire le public en erreur ou contient des informations non conformes au document visé par l'AMMC», lit-on dans le projet de loi. Or, il y a lieu de rappeler qu'un tel cas de figure a été déjà vécu dans le passé. Le CDVM a été amené à retirer le visa octroyé à GSI Maroc, société de commercialisation de produits informatiques, avant le dénouement de l'appel public à l'épargne, car il s'est avéré a posteriori que la note d'information établie par la société n'était pas tout à fait transparente. Sentissi juge cette démarche comme normale car elle s'inscrit dans la mission du CDVM de protéger les épargnants. «Cependant, cette procédure n'était pas explicitement mentionnée dans les textes précédents et c'est maintenant chose faite». Le législateur marque donc un nouvel acquis dans la protection de l'épargne, sauf que «le renforcement du rôle du CDVM n'est pas sans limiter le contrôle du Parlement, ainsi que celui du gouvernement sur cette institution désormais autonome», martèle Gouvain, mais cela est une autre paire de manches. La notion d'intermédiaire financier précisée Désignant souvent les sociétés de Bourse de par leur activité d'intermédiation bien spécifique, le législateur étend la définition d'intermédiaire financier aux établissements de crédit, aux entreprises d'assurance et de réassurance ainsi que tout autre établissement dont l'objet est le placement ou le conseil en matière financière. Une nouvelle définition qui risque de mettre dans le même panier plusieurs établissements. Cependant, et afin d'éviter tout amalgame, le projet de loi limite ce statut aux sociétés figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre des Finances, sur proposition de l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC). Sauf que dans la théorie financière, on distingue bien l'intermédiation financière indirecte lorsque le monde financier sert d'écran entre demandeurs et pourvoyeurs de capitaux, c'est-à-dire lorsque les intermédiaires financiers achètent les titres émis par les entreprises et, pour se financer, émettent eux-mêmes des titres placés auprès des épargnants ou collectent des fonds sous forme de dépôts ou de livrets, qui diffère du simple rôle d'intermédiaire financier évoqué pour la finance directe. Interview de Brahim Sentissi, Directeur de Cejefic Consulting, structure de conseil et de formation en finance de marché Les Echos quotidien: Quel serait l'impact de l'instauration de ces dispositifs sur l'appel public à l'épargne d'une manière générale ? Brahim Sentissi : Tout d'abord, il faut préciser le contexte dans lequel apparaît ce projet de loi. En effet, le dahir portant loi n°1-93-212 est relatif à la fois au CDVM et à l'appel public à l'épargne. Il a apparemment été jugé opportun de séparer les deux composantes de ce texte, ce qui a donné lieu à deux projets de loi. Il y a tout d'abord le projet de loi 53.08 relatif à l'Autorité marocaine du marché de capitaux (AMMC), qui sera la nouvelle dénomination du (CDVM), qui vise, d'une part, à consacrer son indépendance et, d'autre part, à renforcer la responsabilité de cet organisme dans l'exercice de sa mission. Ensuite, le projet de loi 54.08, qui nous intéresse, et qui concerne l'appel public à l'épargne. Le cœur des amendements concerne une formalisation plus précise du contrôle des informations soumises par les personnes morales faisant appel public à l'épargne. Que signifie cette distinction pour le CDVM ? La séparation des deux textes permettra au CDVM d'avoir des outils d'investigation accrus. À titre d'exemple, en plus des analyses complémentaires qui peuvent être demandées aux commissaires aux comptes, et qui ne sont pas suspensives du délai d'octroi ou de refus du visa fixé dans deux mois, le CDVM peut demander le recours à un expert indépendant pour effectuer des «vérifications techniques», sachant que la désignation d'un expert indépendant est suspensive de ce délai. On remarque également que l'article 4, qui définit les opérations qui ne sont pas assimilées à un appel public à l'épargne, est légèrement plus restrictif. Ces apports impliqueraient-ils des modifications dans d'autres textes ? Effectivement, la circulaire du CDVM portant le numéro 03/04, relative à la note d'information exigée des personnes morales faisant appel public à l'épargne par émission ou cession de titres de capital sera certainement modifiée.