Après plusieurs années d'attente, le projet de loi relatif à la transformation de la Direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS) en autorité de contrôle a finalement été adopté lors du dernier Conseil de gouvernement. Il devra ainsi être remis pour approbation par les deux Chambres. Toutefois, vu l'agenda trop chargé des députés, projet de loi de finances, élections législatives...), son adoption devrait attendre un peu. Ce projet stipule que «l'autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale sera créée sous la forme de personne morale publique, dotée de l'autonomie financière, à l'instar de la forme juridique adoptée pour Bank Al-Maghrib». Bien évidemment, la nouvelle autorité aura pour mission le contrôle sur les opérations d'assurances, de retraite et de prévoyance sociale. À cet effet, elle pourra prendre des circulaires qui seront homologuées par arrêté du ministre des Finances. Cette autorité s'appuie sur trois organes pour son organisation et son fonctionnement (le Conseil, le président et la commission de discipline). Le Conseil se compose en plus du président, du vice-gouverneur ou du directeur général de Bank Al-Maghrib, du directeur du Trésor et du directeur général du Conseil déontologique des valeurs mobilières et de trois membres indépendants, nommés par décret. En plus de ces organes, le projet prévoit la création d'une commission de régulation, dont le rôle est de donner des avis consultatifs au président de l'autorité sur les projets de textes législatifs ou réglementaires, en relation avec son champ d'intervention, ainsi que sur les projets de circulaires émis par l'autorité. Elle remplace ainsi le comité consultatif des assurances, qui est supprimé. Cette commission se compose des représentants des trois secteurs qui sont soumis au contrôle de l'autorité et de deux membres représentant cette autorité.Par ailleurs, cette institution sera contrôlée par un commissaire du gouvernement et la Cour des comptes. «Ses comptes sont également soumis à un audit annuel réalisé sous la responsabilité d'un commissaire aux comptes désigné par le Conseil à cet effet, en plus de l'obligation, pour l'autorité, de se doter d'une structure d'audit interne chargée de contrôler le respect, par ses différents services, des normes et procédures s'appliquant à leurs activités», ajoute le projet de loi. Pour plus de transparence dans la gestion de cette nouvelle autorité, le personnel, le président de l'autorité, les membres indépendants du Conseil et de la commission de discipline seront soumis à la déclaration obligatoire de patrimoine. «Ces personnes sont également obligées de respecter le secret professionnel, aussi bien pour les informations relatives à l'autorité que pour celles portant sur les entités soumises à son contrôle», souligne le projet. Gestion privée des opérations de retraite Sur un autre registre, le projet de loi prévoit la mise en place d'un nouveau cadre juridique pour l'exercice et la gestion des opérations de retraite fonctionnant par répartition ou par répartition et capitalisation, par des organismes du secteur privé. «L'objectif est d'élargir la base des bénéficiaires, pour couvrir soit les personnes qui ne disposent pas actuellement d'une couverture retraite soit celles qui désirent constituer une retraite complémentaire à celle offerte par les régimes de retraite de base existants», souligne le projet de loi. Ainsi, ces organismes doivent établir un règlement général de retraite. Ce dernier définit les conditions et les modalités de fonctionnement de l'opération de retraite, pratiquée ou gérée par ces organismes. Quant aux conditions d'exercice de ces opérations de retraite, le projet de loi stipule que tout organisme de retraite ne peut commencer ses opérations qu'après approbation de ses statuts par décision de l'autorité. Ainsi, pour que ses statuts soient approuvés, l'organisme de retraite doit avoir la forme juridique d'une société mutuelle de retraite. Ces organismes sont en outre obligés de produire annuellement un bilan actuariel et périodiquement, un audit actuariel de leur situation. «À cela s'ajoutent des provisions techniques, dont le montant ne doit pas être inférieur ni à 12% du montant de la provision mathématique ni à cinq fois le montant des prestations servies au cours de l'exercice écoulé», précise le projet de loi. Mise en conformité La création de l'autorité de contrôle sera accompagnée par la mise en conformité du code des assurances avec la nouvelle configuration du secteur. Ainsi, ce dernier devra intégrer de nouvelles dispositions qui donneront à l'autorité de contrôle les mêmes attributions que la DAPS, notamment en matière de contrôle des entreprises d'assurance. Toutefois, l'octroi d'agrément restera du ressort de l'administration. Celle-ci délivrera cet agrément après avis de cette autorité et sans avoir à consulter le secteur. Le Code des assurances doit aussi opérer «une extension de l'objet du contrôle, qui porte actuellement sur la préservation des droits des assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrats, pour couvrir le contrôle des opérations de réassurance, qui vise la protection des entreprises qui cèdent une partie ou la totalité de leur portefeuille». Quant au Code de couverture médicale de base, il devra être adapté à son tour à la situation d'autonomie de l'autorité de contrôle. Ainsi, un transfert des missions exercées actuellement par le ministre des Finances (contrôle technique de la CNSS et de la CNOPS) sera effectué vers la nouvelle l'autorité de contrôle. La mise en conformité concerne également l'assurance à l'exportation pour le compte de l'Etat par la Société marocaine d'assurance à l'exportation (SMAEX). Ces amendements portent entre autre sur la mise en oeuvre des opérations d'assurance crédit de la SMAEX «dans leur cadre normal, à l'instar de ce qui est en vigueur pour les autres entreprises d'assurance et de réassurance». L'exception à ce niveau concerne des opérations exercées par l'Etat ou gérées pour son compte. Lire aussi : «Assurances : la transformation de la DAPS retardée» Interview «Le dispositif prudentiel des placements sera revisité»: Hassan Boubrick, Directeur de la DAPS Les Echos Quotidien : Qu'est-ce qui explique la transformation de la DAPS en autorité de contrôle ? Hassan Boubrik : Cette transformation permettra au Maroc de se conformer aux standards internationaux. Pour rappel, l'autonomie des autorités de supervision en assurance est l'un des principes fondamentaux de contrôle émis par l'Association internationale des contrôleurs d'assurances, dont le Maroc est membre. La future autorité disposera ainsi des pouvoirs, de la protection juridique et de la flexibilité pour accomplir ses missions en dehors de toute interférence non souhaitable. Le seuil de 2% des provisions techniques proposé est jugé trop bas pour les réinvestissements dans des sociétés non cotées... Il s'agit de 2% par émetteur, dans le cadre d'un plafond de 15% pour le non coté. Les provisions techniques des entreprises d'assurance doivent être couvertes par des actifs qui doivent être sûrs, plus rentables et plus liquides et respecter certaines règles de limitation, de dispersion et de concentration. Les actions non cotées font partie des actifs dont l'admission en représentation desdites provisions n'est pas opérée d'office. Elles sont soumises à un accord préalable de la DAPS. Actuellement et en dehors d'une limitation spécifique, l'exposition sur un émetteur unique peut atteindre 15%, ce qui représente une exposition au risque très importante et potentiellement dangereuse. Dans le cadre de ses discussions avec les opérateurs, l'administration a proposé d'instaurer une limitation par émetteur de 2%, afin de corriger cette anomalie. Ce chiffre peut paraître bas. Le seuil qui sera retenu devra tenir compte de l'impératif de sécurité des réserves techniques, sans ignorer les contraintes des opérateurs. Quelle a été l'issue des discussions avec les assureurs sur les règles de placement tenues récemment ? L'administration et la profession ont pris acte de la nécessité de revisiter le dispositif prudentiel concernant les placements affectés aux provisions techniques, en tenant compte des contraintes du marché et des intérêts des assurés et des bénéficiaires des contrats d'assurance. Une commission d'experts sera constituée pour analyser cette problématique et proposer des modifications à apporter au dispositif actuel. Où en est le secteur, quant à l'adoption des règles de Solvency II ? Il ne s'agit pas d'adopter les règles de Solvency II, une directive spécifique aux pays de l'Union européenne. Il est plutôt question de nous inspirer fortement des principes directeurs de Solvency II et d'en adapter les mesures d'application, afin de construire un cadre prudentiel complet et cohérent pour le marché marocain. Parmi les principes directeurs, je citerai l'adoption d'une approche par les risques pour le calcul des exigences en fonds propres. Les règles prudentielles actuelles sont axées sur le risque de souscription et prennent en compte, peu ou pas, les autres risques (risque de marché, risque de contrepartie, risque opérationnel...). Des écarts importants existent également sur le pilier 2, relatif au contrôle et aux exigences qualitatifs (organisation du contrôle interne, mesure et gestion des risques, fonction actuarielle...), ainsi que sur le pilier 3, relatif à l'information destinée au public et à l'autorité de contrôle. Le cadre prudentiel actuellement en vigueur a certainement apporté de la sécurité au secteur des assurances et aux assurés. Néanmoins, nous avons et nous aurons besoin de faire évoluer constamment ce cadre, afin de nous adapter aux évolutions du secteur des assurances et à celles des marchés financiers en général. Aujourd'hui, la convergence de notre dispositif prudentiel vers les normes internationales, notamment celles préconisées par l'AICA, est une nécessité. Cette convergence figure par ailleurs dans les engagements pris dans le cadre du contrat programme. Concernant le renforcement de l'assise financière, est-ce que vous vous êtes mis d'accord sur le référentiel à adopter dans ce sens ou pas encore ? Dans le cadre prudentiel actuel, le secteur pris dans sa globalité satisfait aux exigences réglementaires, et présente des marges de solvabilité bien au-delà de ce qui est requis. Quant à l'adoption d'un nouveau référentiel et je me réfère à la question précédente, nous ne sommes qu'au tout début de la réflexion. C'est un processus qui demandera du temps et beaucoup de travail. Il demandera aussi de la progressivité dans les mesures et de la concertation, car il faudra tenir compte des contraintes des parties prenantes.